Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Le procès de Jean-Pierre Bemba a entendu cette semaine que l’accusé donnait fréquemment des ordres directs à ses combattants qui étaient présents en République centrafricaine (RCA) et que le chef du pays en exercice, Ange-Félix Patassé, n’avait pas autorité sur ces troupes.

Les juges ont également entendu que M. Bemba avait pris possession de véhicules que ses troupes avaient volés à des centrafricains. En outre, ils ont entendu que les combattants du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de M. Bemba avaient été reçus comme des ‘‘libérateurs’’ dans certaines des zones qu’ils avaient reprises aux rebelles qui tentaient de renverser M. Patassé.

Deux témoins se sont présentés à la barre cette semaine, qui ont tous deux témoigné avec un pseudonyme ainsi qu’avec des mesures de protection destinées à protéger leur identité. Ces témoins étaient le 26ème et le 27ème à être cités à comparaître par les procureurs depuis l’ouverture du procès en novembre dernier.

Le ‘‘témoin 178’’ a déclaré que bien que M. Patassé était le président, les troupes du MLC combattant à ses côtés recevaient leurs ordres de M. Bemba. Il a indiqué que le président du pays n’avait pas autorité pour punir les troupes dévoyées du MLC. Il a ajouté, toutefois, que lorsque les troupes congolaises étaient arrivées en RCA, elles avaient reçu des uniformes, des kalachnikov et des grenades pour lance-grenades (RPG).

Lors de l’interrogatoire mené par l’avocat de l’accusation Jean-Jacques Badibanga, le ‘‘témoin 178’’ a également déclaré que les officiers du MLC avaient reçu des appareils de communication de la part du gouvernement centrafricain afin de faciliter leurs opérations.

Il a témoigné que le MLC possédait des combattants appartenant à différentes ethnies. D’après lui, de jeunes centrafricains provenant du groupe ethnique mbaka avaient rejoint le groupe de M. Bemba. Entre eux, les jeunes parlaient le lingala, une langue congolaise. Cependant, ils étaient également en mesure de s’exprimer en sango et mbaka, deux dialectes parlés en RCA.

Le témoin a indiqué que, « Cinquante pour cent des soldats des [troupes du MLC] appartenaient à l’ethnie mbaka, 40 pour cent étaient congolais et 10 pour cent rwandais ». Les mbaka sont présents à la fois en RCA et en République démocratique du Congo (RDC).

« Comment un centrafricain distingue-il un membre du MLC des autres soldats présents sur le terrain ? », a demandé M. Badibanga.

Hormis le fait de parler le lingala, le témoin a déclaré que les soldats congolais se reconnaissaient à leurs habits et leur accent. La plupart des soldats congolais portaient des « bottes en plastiques » et « utilisaient du maquillage ».

Le ‘‘témoin 178’’ a également affirmé que M. Bemba avait pris des véhicules que ses hommes avaient volé aux civils. Il n’a pas précisé combien il y avait eu de véhicules. M. Badibanga a demandé si M. Bemba savait que ces véhicules avaient été volés.

Le témoin a répondu, « Où donc Mustafa aurait-il pu trouver les véhicules ? Lorsqu’il a quitté la RDC, il n’avait rien, et soudainement il possédait de gros véhicules. Comment aurait-il pu se procurer ces véhicules s’ils n’avaient pas été volés ? Ce qu’il [M. Bemba] aurait dû faire, c’est de déclarer, ‘‘Je n’aime pas ces véhicules, renvoyez-les en RCA’’, mais ce qu’il a fait c’est de les prendre dans le camp ».

Le ‘‘témoin 178’’ a affirmé que seul M. Bemba donnait des ordres au général Mustafa Mukiza qui était le commandant général des troupes du MLC présentes dans le pays voisin.

Il a affirmé qu’il ne pouvait pas comprendre pourquoi un « intellectuel » comme M. Bemba avait échoué à empêcher ses soldats de commettre des viols et des meurtres bien qu’il sache qu’ils commettaient ces crimes.

« Il pouvait utiliser un Thuraya [téléphone par satellite] pour appeler et dire ‘‘arrêtez ce que vous faîtes’’ mais ces personnes ont agit en toute impunité », a déclaré le témoin. « Par conséquent, je pense qu’il est pleinement impliqué dans les viols, les pillages, les meurtres perpétrés en République centrafricaine car il n’a, à aucune occasion, parlé aux gens pour qu’ils cessent leurs exactions ».

L’ancien vice-président congolais est accusé de n’avoir pris aucune mesure lorsque ses combattants agressaient les civils centrafricains en 2002 et 2003. Ce dernier a nié les cinq chefs d’accusation retenus contre lui.

Le ‘‘témoin 178’’ a également fourni les noms et les grades de 20 officiers supérieurs qui étaient présents en RCA. Ces derniers comprenaient trois colonels, trois commandants, quatre capitaines et six lieutenants.

Au début de la semaine, le ‘‘témoin 173’’ qui était le premier à comparaître la semaine dernière a relaté les nombreuses atrocités qui auraient été commises par les troupes de M. Bemba. La défense a cependant montré des images vidéo dans lesquelles les soldats du MLC étaient décrit comme des ‘‘libérateurs’’.

Les images vidéo concernaient des interviews réalisées par le journaliste Gabriel Kahn de Radio France Internationale (RFI) avec des habitants de Sibut, un des lieux où les procureurs de la Cour pénale internationale (CPI) soutiennent que les troupes de M. Bemba avaient commis des viols, des meurtres et des pillages généralisés.

Plusieurs témoins de l’accusation ont témoigné de la brutalité des crimes commis à Sibut et qui auraient été perpétrés par le MLC. Dans la première interview montrée à la Cour, cependant, une personne se décrivant comme un réfugié de Sibut a déclaré que les habitants de la ville détestaient les troupes rebelles de François Bozizé car « les habitants souffraient » lorsque la ville était sous le contrôle des rebelles de Bozizé mais avaient été heureux après avoir été « libérés » par le MLC.

Dans une deuxième vidéo, le maire de Sibut a mentionné que certains commerçants tchadiens de la ville, dont beaucoup étaient musulmans, avaient été assassinés par les rebelles de M. Bozizé. Le maire a remercié les forces loyalistes de M. Patassé pour la libération de Sibut et a suggéré que le MLC reste dans la ville jusqu’à ce que ses habitants soient totalement en sécurité. Il a indiqué que le départ précoce des troupes de M. Bemba pouvait être annonciateur d’un grand danger pour les habitants.

Le maire a également relaté un certain nombre de plaintes orales concernant des pillages et des viols perpétrés par les rebelles de M. Bozizé, qu’il a indiqué avoir reçu de la part de civils.

L’avocat de la défense Aimé Kilolo-Musamba a demandé au témoin s’il n’avait eu connaissance d’éléments qui contredisaient les avis du maire et du réfugié. Le ‘‘témoin 173’’ a déclaré qu’il ne pouvait pas s’attarder sur les détails des images vidéo. Il a soutenu qu’il s’agissait de l’opinion des personnes interviewées.

« Je ne suis jamais allé à Sibut. Je ne connais pas du tout Sibut », a affirmé le témoin.

Dans une autre vidéo, un vicaire d’un séminaire de Sibut est interviewé par le journaliste de RFI. Comme les autres habitants de Sibut filmés auparavant, le vicaire parle des pillages perpétrés par les rebelles de M. Bozizé lors de leur arrivée dans la ville en octobre 2002.

« Nous les appelions [les rebelles de M. Bozizé] nos frères mais ils étaient là pour nous faire du mal. Lorsque les troupes de M. Bemba sont arrivées, nous avons été libérés », a déclaré le vicaire.

Le président d’une organisation locale de femmes qui résidait également à Sibut ainsi qu’un autre habitant de Sibut, fonctionnaire du Ministère de la jeunesse et des sports, ont été également interviewés. Ils ont fait l’éloge du comportement du MLC.

Le procès se poursuivra lundi.


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