Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Cyprien-Francis Ossibouyen, le 32 ème témoin qui déposait au procès Bemba, a relaté cette semaine le viol collectif de femmes centrafricaines par des membres de la milice de l’accusé. Toutefois, le témoin a, par la suite, admis certaines incohérences dans sa déposition qu’il a attribué à la fatigue et aux erreurs de traduction.

Le deuxième témoin à se présenter cette semaine au procès de l’ancien vice-président congolais a été Thierry Lengbe, un colonel de l’armée centrafricaine. Il a déclaré que la milice du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de M. Bemba n’avait mené qu’une seule opération commune avec l’armée centrafricaine.

L’essentiel de la semaine a été consacré au témoignage de M. Ossibouyen, qui a affirmé que 22 soldats armés appartenant à la milice de Jean-Pierre Bemba étaient montés avec huit femmes sur le ferry qu’il utilisait pour les transporter entre la République centrafricaine (RCA) et le Congo. Les congolais auraient traité les femmes centrafricaines comme « des animaux ». Lors de l’interrogatoire mené par les procureurs, le témoin a indiqué que cet évènement avait eu lieu « dans l’après-midi » alors que le soleil était encore haut.

M. Ossibouyen a indiqué à la Cour que le second viol collectif s’était passé la nuit dans les locaux d’une base centrafricaine. Le témoin, également connu sous le nom de ‘‘témoin 47’’, a précisé avoir vu un groupe de 25 à 30 soldats du MLC violer 12 femmes.

Cependant, dans la déclaration faite aux enquêteurs de la CPI trois ans auparavant, dont l’avocat de la défense M. Haynes a lu des extraits devant la Cour, le témoin a indiqué que l’incident avait impliqué 50 soldats de la milice et 22 femmes.

« Devons-nous ignorer ce que vous dîtes et préférer ce qui est dans la déclaration ? », a demandé l’avocat de la défense.

« Je m’en tiens à ce que j’ai dit [dans la déclaration] », a répondu le témoin.

Dans son précédent témoignage apporté devant la Cour, ces deux viols étaient ceux auxquels M. Ossibouyen avait assisté lors des 19 jours pendant lesquels il aurait transporté en ferry les troupes de M. Bemba sur la rivière Oubangui. Toutefois, lors du contre-interrogatoire de jeudi, le témoin a revu le nombre des évènements à trois.

« Je vous confirme le fait qu’il y en eu trois. Je n’ai pas dit 10 ou 20 », a-t-il indiqué.

Lorsque la défense a présenté au témoin des extraits de sa déclaration, il a admis que le premier incident impliquant des brutalités présumées du MLC avait eu lieu à une heure différente de la journée que celle qu’il avait précédemment citée.

« Je maintiens ce qu’il y est dit [dans les déclarations]. S’ils disaient qu’ils [MLC] venaient à 19H00, c’est ce qui se passait », a-t-il déclaré.

M. Ossibouyen a déclaré qu’il avait transporté M. Bemba depuis le territoire que l’accusé contrôlait vers la capitale centrafricaine Bangui. Ancien technicien de la société d’état gérant le transport fluvial en RCA, il a déclaré avoir transporté l’accusé et certains de ses combattants de Zango en République centrafricaine à Bangui en traversant par ferry la rivière Oubangui.

Mr. Les troupes du MLC de M. Bemba constituaient un des groupes armés impliqués dans le conflit de 2002-2003 qui a opposé le président centrafricain de l’époque Ange-Félix Patassé à son ancien commandant de l’armée, François Bozizé.

Les procureurs soutiennent que des viols, meurtres et pillages généralisés de civils ont marqué la progression des troupes congolaises dans ce pays et que, en tant que commandant en chef, M. Bemba est responsable pour manquement à contenir ses soldats. Il a plaidé non coupable arguant que, une fois que ses troupes avaient quitté le territoire congolais, il n’exerçait plus de contrôle sur elles.

Le témoin a affirmé que les soldats congolais lui avaient ordonné de leur faire traverser la rivière pour atteindre la ville de Zongo en RDC. Cependant, lorsqu’il avait informé les soldats qu’il n’avait pas la clef permettant de démarrer le ferry, les troupes avaient forcé les femmes à monter sur le ferry tout en leur donnant des coups de pied et les frappant avec la crosse de leurs fusils.

« Ces femmes étaient terrorisées, elles portaient des blessures sur leurs corps », s’est rappelé le témoin. « Certaines n’avaient plus leurs habits, elles étaient nues ».

« Les hommes de la milice avaient enlevé les sous-vêtements et soutien-gorges de ces [femmes] puis avaient ouvert leur braguette. Dès qu’un homme avait fini, il se levait et un autre venait et couchait avec cette même femme », a raconté M.Ossibouyen.

Il a poursuivi, « Ces choses épouvantables se sont déroulées l’après-midi. Le soleil était encore haut. Je n’avais pas besoin d’une lampe torche pour voir ce que se passait. Cela m’a vraiment bouleversé ».

Lundi dernier, M. Ossibouyen a exprimé son inquiétude quant à la sécurité de sa famille mais n’a pas détaillé ces préoccupations en séance publique. Mercredi après-midi, le procès a marqué une pause lorsque le témoin s’est révélé incapable de poursuivre sa déposition, apparemment en raison d’un épuisement physique.

La défense a également interrogé M. Ossibouyen au sujet de photographies de combattants de l’accusé qu’il affirmait avoir prises. Les photos montraient des combattants de M. Bemba chargeant des caisses de munitions à bord d’un ferry. Bien que le témoin ait indiqué qu’il avait discrètement pris ces photos à Zongo, M. Haynes a suggéré que celles-ci avaient été prises à Bangui.

Entretemps, le colonel Lengbe qui avait mis sur pied le Centre de commandement des opérations (CCO) lors du conflit a déclaré à la Cour que les forces de M. Bemba n’avaient mené qu’une seule opération commune avec l’armée de la RDC. Le colonel a également affirmé que l’équipement radio de l’armée centrafricaine ne fonctionnait pas avec l’équipement de communication du MLC car « nous n’avions pas leur fréquence ».

Le procès se poursuivra lundi.


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