Alors que la Cour pénale internationale (CPI) s’efforce d’arrêter deux chefs d’état inculpés, un des détenus du centre de détention de la Cour montre sa détermination à devenir le président de son pays. Reste à voir comment ce dernier compte gérer sa campagne présidentielle depuis sa cellule de Scheveningen, aux Pays-Bas. Et la même incertitude règne quant à savoir s’il obtiendra des responsables électoraux l’autorisation de se présenter aux élections de novembre.
Pour l’heure, Jean-Pierre Bemba s’est proposé comme candidat présidentiel du Mouvement pour la libération du Congo (MLC). Et pendant le week-end, le parti politique a approuvé cette demande, après qu’il ait écrit à ses dirigeants en les exhortant de le choisir comme leader. Il semble, toutefois, qu’il demeure quelques obstacles insurmontables à sa candidature.
M. Bemba, 48 ans, est jugé devant la CPI pour des viols, des meurtres et des pillages commis par la milice du MLC sur des civils de République centrafricaine en 2002 et 2003. Son procès a débuté en novembre dernier.
L’avocat de la défense de M. Bemba, Nick Kaufman, a déclaré le 26 juillet que la législation au titre de laquelle le chef de l’opposition congolais était jugé ne lui interdisait pas de se présenter à des élections. « Rien dans le Statut de Rome n’empêche M. Bemba d’être le représentant de son parti aux élections présidentielles de novembre 2011. Cela est d’autant plus vrai que – jusqu’à preuve du contraire – M. Bemba est un homme innocent », a déclaré M. Kaufman.
Il a ajouté, « M. Bemba a consacré sa vie au peuple de la RDC (République démocratique du Congo) et continuera de le faire tant que cela lui sera possible ».
De leur côté, les officiels de la CPI ont indiqué que ce scénario n’avait pas précédent dans l’histoire de la Cour et que c’était la raison pour laquelle ils ne savaient quelle décision prendre.
La question à laquelle M. Kaufman n’a pas répondu est de savoir si M. Bemba espère sortir de la prison de la CPI dans un avenir proche. Les élections se tiennent dans quatre mois alors que le procès pour crimes de guerre de M. Bemba qui se déroule actuellement à La Haye peut encore durer plus d’une bonne année. Comment pourra-t-il dans ce cas mener sa campagne ? Et s’il était élu, M. Bemba dirigera-t-il le pays depuis sa cellule hollandaise tout en attendant le verdict des juges ? En outre, son adversaire impitoyable de toujours; le président en exercice Joseph Kabila, offrira-t-il à son ennemi le luxe de briguer la présidence depuis une lointaine prison européenne ?
Certains observateurs considèrent que la candidature de M. Bemba navigue déjà dans des eaux juridiques bien troubles. Richard Bondo Tshimbombo Bontshi, un avocat de Kinshasa qui a auparavant dirigé l’organisation Avocats sans frontières au Congo, a expliqué que les lois nationales permettaient à une personne poursuivie devant un tribunal de se présenter à une élection. « Mais une personne à l’extérieur du pays n’est pas en mesure de le faire », a-t-il ajouté dans une interview donnée au site Web www.bembatrial.org.
Selon lui, la candidature de M. Bemba est ‘‘stratégique’’ et destinée à dissuader tout autre prétendant d’accéder aux hautes fonctions du MLC. François Mwamba, le secrétaire général du parti qui nourrit ouvertement des ambitions présidentielles, a été écarté de son poste il y a trois mois, ce qui étayerai ce point de vue. M. Bemba est également perçu comme un homme tentant de démontrer qu’il possède toujours un pouvoir politique au niveau national », a indiqué M .Bontshi mais a ajouté que, alors que l’opposition du pays avait réagit avec un certain respect à cette candidature, le parti au pouvoir avait manifesté son mépris.
Les médias nationaux, qui ont peu de poids, ont largement considéré cette annonce de la candidature de M. Bemba comme n’ayant aucune issue et ont manifesté peu d’intérêt, de l’avis d’un analyste local des médias, Juakali Kambale. « En réalité, très peu de personnes, même de forts partisans du MLC, croient que M. Bemba sera libéré pour prendre part aux élections », a déclaré M. Kambale.
M. Bemba a demandé à plusieurs reprises aux juges de la CPI de le relâcher, s’engageant à comparaître quand cela sera nécessaire. Ces derniers ont, à chaque fois et en accord avec les procureurs, refusé, arguant que l’accusé était un homme riche et d’influence qui pourrait peser sur les témoins ou tout simplement fuir. Il est entendu que M. Bemba élabore une nouvelle tentative pour sortir de prison, en se conformant aux règlements de la Cour qui exige que les juges examinent de nouveau la détention de ceux qui sont emprisonnés au moins une fois tous les 120 jours. Depuis qu’il a été enfermé, l’ancien vice-président congolais est sorti par deux fois de l’enceinte de la Cour, pour se rendre aux funérailles de son père et à celles de sa belle-mère, en Belgique.
Avec une imposante liste de plus de 300 partis politiques enregistrés se battant pour gagner le cœur de plus de 31 millions de votants inscrits, sept chefs notables de l’opposition ont déjà annoncé leur candidature. Cependant, chacun s’accorde à reconnaître que seule une candidature commune pourrait contrer M. Kabila. Et ce candidat aura besoin de solliciter aussi le soutien de M Bemba, si ce dernier n’est pas ce candidat. C’est probablement la raison pour laquelle un candidat très en vue, Etienne Tshisekedi, qui a été premier ministre dans les années 90, s’est rendu à La Haye pour visiter le chef du MLC.
En effet, comme le journal ‘‘Le Pays’’ l’a commenté, M. Bemba tente d’affirmer sa présence sur la scène politique nationale, espérant ainsi convaincre même les plus sceptiques qu’il contrôle toujours son parti et qu’il n’est pas mort politiquement.
Déjà, le quotidien ‘‘Le Palmarès’’ estime que la décision du MLC de faire cavalier seul et d’approuver la candidature de M. Bemba complique le délicat exercice entrepris par les principaux partis de présenter un seul candidat. Lors des élections de 2006, M. Kabila avait dû participer à un deuxième tour contre M. Bemba mais il a depuis changé la constitution afin de lui permettre de conserver la présidence grâce à une victoire à la majorité simple.
Un commentateur a qualifié les actes de M. Bemba de ‘‘politique virtuelle’’ qui manifestait surtout son désir de demeurer un acteur clé du jeu politique congolais et le ‘‘chef incontesté du MLC’’. Il a fait remarquer que, « M. Bemba affirme être prêt à livrer une bataille acharné pour la présidence mais ce combat aura lieu à une autre date qu’en 2011 ».