Lors des audiences tenues devant la Cour pénale internationale (CPI) pendant lesquelles les juges décident de la peine de Jean-Pierre Bemba à la suite de sa condamnation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, des points de vue divergents ont été entendus concernant la conduite de ses troupes. Un membre du clergé a félicité les troupes de M. Bemba pour avoir protégé des civils mais deux victimes ont raconté leur calvaire lors de viols perpétrés par ces combattants pendant leur déploiement en République centrafricaine (RCA).
L’évêque Fridolin Ambongo, le chef de la Commission épiscopale Justice et Paix de la RDC, a déclaré que l’arrivée des troupes du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de M. Bemba dans la province Équateur de ce pays avait ramené la paix et la stabilité pour les civils. Il a indiqué que les habitants avaient précédemment souffert des agissements des troupes gouvernementales, qui avaient « tout » pillé et détruit dans la province.
« Lorsque le MLC est arrivé, cela a marqué pour la collectivité locale la fin des bombardements quotidiens par les troupes de M. Kabila. Nous avons enfin la paix », a précisé l’évêque Ambongo. « Nous pouvions voir une armée qui s’occupait de la population. Les gens se sentaient en sécurité lorsque [le MLC] était là ».
L’évêque, qui témoignait en tant que témoin de moralité pour M. Bemba, a loué le groupe rebelle de M. Bemba pour avoir établi la santé, l’éducation et les services bancaires dont ont bénéficié les citoyens ordinaires.
En présentant un témoignage qui apporte un éclairage positif sur les troupes de M. Bemba, les avocats de la défense espèrent que les juges prononceront une peine légère pour l’ancien rebelle devenu homme politique. M. Bemba a été déclaré en mars dernier coupable de cinq chefs découlant de son manquement à réprimer la commission de meurtres, de viols et de pillages par ses troupes déployées en RCA en 2002 et 2003.
De son côté, l’accusation souhaite obtenir une peine de 25 ans minimum pour M. Bemba et a appelé des victimes des crimes du MLC pour décrire les actes brutaux qu’elles ont subies de la part des troupes rebelles. La victime 555 a déclaré qu’à l’âge de 15-16 ans environ, des soldats de M. Bemba l’avaient enlevée et emmenée dans leur camp de la ville de Bossangoa. Un des soldats l’avait violée et l’avait ensuite prise pour femme. « Il considérait que j’étais sa femme et nous partagions le même lit », a-t-elle indiqué.
Lorsque le MLC s’était retiré, le soldat avait emmené la victime 555 avec lui au Congo où elle avait découvert être enceinte. Elle avait perdu son premier enfant mais avait ensuite donné naissance à une fille alors qu’elle était toujours en captivité. Elle avait passé quatre ans en captivité avec le soldat anonyme avant de s’échapper. La victime 555 a déclaré que, après son retour dans sa ville natale, elle avait été stigmatisée et certains habitants avaient clamé que « la femme des Banyamulenge [soldats MLC] était en ville ». Elle avait été incapable de retourner à l’école et est depuis partie dans la capitale Bangui où les gens ne savent pas ce qui lui est arrivé. La victime 555 a actuellement quatre enfants de quatre pères différents et a déclaré qu’elle n’était pas en mesure de leur payer les frais de scolarité.
« Je me sens triste quand je vois comment je vis … c’est à cause de ce qui m’est arrivé que je suis dans cette situation. Ceux avec qui j’ai étudié travaillent aujourd’hui et ont un salaire. Je n’ai rien de tout cela. J’aurai pu me marier à un seul homme. Je suis profondément déprimée et j’ai des pensées suicidaires », a-t-elle indiqué.
Entretemps, la victime 480 a déclaré qu’après son enlèvement et son viol par des soldats du MLC, elle avait eu des résultats positifs au test de dépistage du VIH. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas d’argent pour un traitement médical.
Interrogée pour savoir quelles étaient ses attentes du procès devant la CPI, elle a répondu : « J’espère que la Cour sera en mesure de garantir une forme de réparation afin que je puisse continuer à vivre correctement le temps qu’il me reste sur cette terre ».
Les deux victimes ont affirmé que les troupes avaient pillé, attaqué et tué les civils de la ville de Bossangoa et de Bossambele. Elles ont témoigné avec des mesures de protection, notamment l’utilisation d’un pseudonyme ainsi que la déformation numérique de la voix et du visage lors des transmissions publiques de l’audience.
Toutefois, dans son témoignage, l’évêque Ambongo a indiqué que des soldats errants du MLC avaient été jugé et punis. « Il y a eu un procès à Gbadolite », a-t-il précisé, faisant référence à la ville congolaise dans laquelle le groupe avait son quartier général. « Cet évènement est très connu. C’était la première fois que nous entendions qu’un soldat qui avait commis des crimes sur la population avait été jugé et sanctionné ».
Il a déclaré qu’il n’avait connaissance d’aucune conduite répréhensible des troupes de M. Bemba déployées dans la RCA voisine et a indiqué être étonné qu’elles aient perpétré des crimes. L’évêque a précisé : « Comment est-il possible que la même personne qui nous a aidé, qui a apporté la paix et de l’ordre dans nos affaires, puisse se transformer en monstre ? ».
Les audiences de détermination de peine se poursuivront demain avec les conclusions des procureurs et des avocats de la défense.