Lundi, une victime a relaté aux juges de la Cour pénale internationale (CPI) comment elle avait été sexuellement agressée devant sa petite fille par des soldats appartenant au groupe dirigé par l’accusé de crimes de guerre Jean-Pierre Bemba.
La première des trois personnes à comparaître cette semaine au procès de l’ancien vice-président congolais, la victime a/0542/08, a évoqué la stigmatisation dont elle avait souffert à la suite de son agression. Elle a également souffert de problèmes de santé résultant du viol et de l’abandon de son mari.
En assistant à cette agression, la fille de la victime était en larmes.
« Je leur ai dit que je ne me sentais pas bien, que j’avais mes règles et que je ne pouvais avoir de relations sexuelles », a indiqué la victime. Les soldats congolais ont ignoré ses supplications. « L’un d’entre eux a écarté mes jambes et a introduit le canon de son arme dans mon vagin ».
Après l’agression, les soldats s’étaient éloignés en riant et en se moquant d’elle. « Ils ont abusé de moi et je me demande si c’est ainsi qu’ils se conduisent dans leur pays. Mettre le canon d’une arme dans le vagin d’une femme est inacceptable », a-t-elle déclaré.
Elle a décrit l’arrivée des troupes du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) dans sa ville natale de Bossangoa lors du conflit armé de 2002-2003 qui a ravagé la République centrafricaine (RCA).
« Ils ont fait irruption dans la ville et ont tiré en l’air » a déclaré la victime qui témoignait à visage découvert mais avec l’aide d’un assistant de l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (VWU) à ses côtés. Il y avait de plus un psychologue présent dans la salle d’audience afin de la surveiller.
La victime a déclaré que lorsque les soldats congolais étaient arrivés, les habitants de la ville avaient fui. Elle n’avait toutefois pas été en mesure de se sauver puisqu’elle devait soigner sa mère malade. Elle a raconté que deux soldats du MLC, accompagnés d’un jeune centrafricain qui leur servait d’interprète, avaient pillé sa maison. Les soldats qui étaient vêtus d’uniformes militaires et qui brandissaient des armes, avaient exigé de l’argent et elle leur avait remis plus de 200 francs centrafricains. Les soldats étaient malgré tout « furieux » de la faible somme et l’avaient battue.
Soudain, un des soldats avait tiré avec son arme et la balle avait éraflé son oreille. Il avait demandé, « Pourquoi les centrafricains sont-ils si pauvres ? ».
Peu de temps après le départ de deux soldats, un deuxième groupe était arrivé chez elle avec une femme portant un enfant.
« Elle a également demandé de l’argent et a menacé de me tuer si je n’avais pas d’argent », a indiqué la victime. Elle lui avait donné un montant non divulgué de francs que son mari avait mis de côté pour acheter des vaches.
Ce deuxième groupe de soldats avait pénétré dans les maisons avoisinantes appartenant à sa mère et à son frère pour prendre de l’argent, des matelas en mousse et « pleins d’autres objets ».
La victime a/0542/08 avait ensuite transporté sa mère dans une brouette et, avec la fille de la victime, s’était enfuie dans un champ situé à proximité. C’est dans une hutte du champ que le soldat l’avait agressé sexuellement tandis que son collègue faisait le guet.
Elle a indiqué que les crimes du MLC à Bossangoa étaient généralisés et ne visaient pas un groupe spécifique de personnes. « Ils ont attaqué tout le monde. Des jeunes, des personnes âgées, ils n’ont fait aucune distinction ».
La victime a/0542/08 s’est adressée à la Cour via un lien vidéo depuis Bangui, la capitale centrafricaine. Elle n’a pas été interrogée sous serment et son témoignage ne sera pas inclus dans les preuves. Le représentant légal des victimes, Marie-Edith Douzima-Lawson, l’a guidé dans sa présentation de ses vues à la Cour et elle n’a été interrogée ni par l’accusation ni par la défense.
M. Bemba a nié toutes les accusations. Il est poursuivi pour trois crimes de guerre et deux crimes contre l’humanité découlant de son manquement présumé à contrôler ses troupes que les procureurs de la CPI allèguent avoir violé, tué et pillé lorsqu’elles étaient déployées lors du conflit armé qui a ravagé le pays voisin.
Entretemps, cet après-midi, la victime a/0394/08 a également présenté ses vues et préoccupations à la Cour. L’homme a témoigné via un lien vidéo depuis Bangui. Il a bénéficié de mesures de protection, notamment d’une déformation numérique de son visage et de sa voix ainsi que de fréquentes séances à huit clos. Le juge président Sylvia Steiner a déclaré que les mesures de protection étaient nécessaires afin de « lui permettre ainsi qu’à sa famille de vivre dans sa communauté sans être harcelés »
La victime a/0394/08 a affirmé que les combattants de M. Bemba avaient occupé sa maison à Damara pendant deux mois. Les soldats avaient pillé tous ses biens et détruit sa maison.
« Les deux mois que nous avons passé dans cette localité ont été catastrophiques. Ils ont tout détruit », a-t-il indiqué.
La victime a/394/08 poursuivra son témoignage demain matin.