Aujourd’hui, l’expert en linguistique, le professeur Eyamba George Bokamba a débuté son témoignage au procès Bemba en abordant les origines et la « linguistique sociale » de la langue lingala, qui est largement parlée en République démocratique du Congo (RDC).
Le professeur Bokamba, qui a enseigné à l’Université de l’Illinois aux États-Unis depuis qu’il a obtenu son doctorat en linguistique à l’Université d’Indiana, apporte un témoignage que la défense espère pouvoir aider la chambre à apprécier les accusations selon lesquelles les soldats de Jean-Pierre Bemba, qui parlaient cette langue, étaient les auteurs des atrocités commises en République centrafricaine (RCA).
Il a indiqué que l’élément essentiel du rapport qu’il avait préparé pour la Cour était la linguistique sociale du lingala en RCA. D’autres éléments sont les relations structurelles entre la langue centrafricaine sango et le lingala ainsi que l’utilisation du lingala en RCA.
L’expert a expliqué que le lingala s’était développé autour des années 1866-1880 sous la forme d’une fusion de différentes langues congolaises parlées dans la zone de la confluence des rivières Mongala et Congo.
Le témoin a également déclaré que le lingala appartenait au groupe bantou des langues parlées dans de nombreux pays de l’est, du sud et du centre de l’Afrique alors que le sango appartenait à la famille des langues oubanguiennes.
Un grand nombre de témoins de l’accusation ont témoigné que les soldats qui avaient agressé des civils pendant le conflit de 2002-2003 en RCA étaient des membres du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de M. Bemba. Ils les avaient immédiatement identifiés car ils parlaient lingala et non sango.
La défense a cependant soutenu qu’il existait des centrafricains, particulièrement dans les zones frontalières qui furent le théâtre du conflit, qui parlaient lingala. La défense a, de plus, affirmé que des soldats des forces armées centrafricaines parlaient lingala parce que certains d’entre eux avaient été entraînés au Congo.
Selon les procureurs de la Cour pénale internationale (CPI), M. Bemba était le président et le commandant en chef du MLC. Ils affirment qu’il « avait en réalité agit en tant que commandant et exerçait une autorité et un contrôle effectifs sur les troupes du MLC » qui avaient commis des viols, des meurtres et des pillages pendant le conflit. En outre, les procureurs soutiennent que M. Bemba savait que ses troupes commettaient des crimes et qu’il « n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour empêcher ou réprimer leur commission ».
Hormis le fait qu’il ait nié avoir les moyens de commander ses troupes qui étaient déployées lors du conflit en RCA tandis qu’il était demeuré au Congo, M. Bemba a également affirmé que n’importe lequel des nombreux groupes armés impliqués dans les combats pouvait avoir commis les atrocités pour lesquelles il était jugé.
Le professeur William Jean Samarin, un expert linguiste également, a témoigné en mars dernier pour l’accusation que les centrafricains pouvaient reconnaître le lingala lorsqu’ils l’entendaient. Ils pouvaient aussi deviner la nationalité de citoyens congolais même s’ils parlaient français ou sango du fait des différences d’accent. M. Samarin, un professeur de linguistique et d’anthropologie de l’Université de Toronto a affirmé que le Congo était le seul pays parmi ceux bordant la RCA où vivaient des populations parlant bantou.
Le professeur Bokamba poursuivra son témoignage demain matin.