Les procédures opérationnelles de la cour martiale instaurée par Jean-Pierre Bemba ont fait l’objet aujourd’hui de l’examen des juges, de l’accusation et des avocats représentant les victimes dans le procès qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI).
Lors de l’audience de la journée, les méthodes utilisées par la cour martiale pour juger et condamner sept soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) accusés de commettre des crimes en République centrafricaine (RCA) ont été passées au crible lors de l’interrogatoire d’un ancien membre de la cour martiale.
Les procureurs de la CPI, devant laquelle M. Bemba répond de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, ont laissé entendre que les procès de la cour martiale étaient des simulacres et que les tribunaux jugeant les soldats étaient fantoches. M. Bemba, un ancien sénateur et vice-président de la République démocratique du Congo, a nié les charges, affirmant que dès qu’il avait entendu parler du fait que ses soldats avaient un comportement répréhensible, une cour martiale indépendante et compétente avait engagé des enquêtes et des poursuites à leur encontre sur son initiative.
La majeure partie de l‘interrogatoire d’aujourd’hui du ‘‘témoin D04-016’’ était basée sur un rapport signé par les membres de la cour martiale, dans lequel ils détaillaient les cas des soldats jugés et condamnés.
L’avocat de l’accusation Thomas Bifwoli a fait remarquer que la cour martiale n’avait appelé aucun témoin pour témoigner à ces procès et que les soldats condamnés n’avaient pas témoigné pour leur propre défense.
« Les déclarations proviennent-elles de quelqu’un d’autre que de l’accusé ? », a demandé M. Bifwoli.
Le témoin a répondu, « Je ne me souviens pas de déclarations faites par d’autres personnes dans cette affaire ». Il a expliqué que les enquêteurs n’étaient pas en mesure de se rendre à Bangui pour prendre les déclarations des témoins puisque les combats faisaient rage dans la capitale centrafricaine.
M. Bifwoli a demandé si le témoin avait connaissance d’un appel pour un verdict de la cour martiale. « Pour que l’accusé puisse faire appel, il a le droit de connaître les preuves sur lesquelles il a été condamné… dans la décision mais il est impossible pour l’accusé de savoir quelle est la preuve sur laquelle s’est fondé la condamnation », a-t’il déclaré.
Le ‘‘témoin D04-016’’ a indiqué qu’il n’avait eu connaissance d’aucun appel introduit par des soldats condamnés. Il a ajouté que, toutefois, peu de temps après la condamnation des soldats, un gouvernement de transition avait été institué et que, conformément à l’accord l’établissant, « il est de la responsabilité du gouvernement de transition de traiter les décisions et les dossiers qui ont été réglés avec les groupes belligérants », y compris le MLC.
Á l’époque de leur engagement dans le pays voisin en conflit, le MLC était un groupe rebelle luttant pour renverser le gouvernement congolais. Dans le cadre d’un accord de paix 2003, M. Bemba était devenu un des vice-présidents du pays et plusieurs de ses troupes avaient été intégrées dans l’armée nationale.
Le juge président Sylvia Steiner a également posé au témoin quelques questions. Elle a fait remarquer que la plupart des soldats accusés avaient été interrogés par les enquêteurs de l’accusation au milieu de la nuit. Elle a déclaré que, de plus, le rapport d’enquête avait été envoyé à la cour martiale le 3 décembre 2002, que les audiences s’étaient tenues deux jours plus tard et que la décision pour tous les accusés avait été émise le 7 décembre.
Elle a également indiqué qu’aucune preuve n’avait été déposée auprès des juges et que pourtant tous les accusés avaient plaidé non coupables. « À votre avis, s’agissait-il d’une procédure régulière ? », a demandé le juge Steiner.
Le témoin a répondu qu’il était normal pour des procès instruits par une cour martiale en RDC de se dérouler aussi vite. « Avant l’accusation, le dossier avait été traité et la cour l’avait reçu avec la décision sur l’affaire », a-t’il indiqué.
Le juge Steiner a ensuite demandé au témoin si c’était une procédure normale pour une cour martiale de délivrer une décision le samedi, devant les médias locaux et internationaux. Le témoin a répondu que le samedi était une journée de travail normale au Congo, aussi il n’était pas inhabituel qu’une cour martiale siège ce jour-là. Le témoin avait précédemment affirmé que les audiences de la cour martiale étaient ouvertes au public.
De son côté, Marie-Edith Douzima-Lawson, un avocat des victimes, a indiqué qu’un délai de 48 heures pour faire appel des verdicts de la cour martiale n’était pas suffisant pour que les condamnés puissent faire appel. Elle a également déclaré que la cour martiale avait cherché plus d’informations avant de prendre une décision sur les sept soldats.
Mme Douzima-Lawson poursuivra l’interrogatoire du ‘‘témoin D04-16’’ demain matin.