L’impossibilité d’avoir des témoins de la défense présents à temps à La Haye ou d’installer des équipements pour les liens vidéo dans les pays africains où ces témoins étaient basés continue à ralentir la présentation des témoins par les avocats de Jean-Pierre Bemba.
Le procès de l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo, qui est détenu à la Cour pénale internationale (CPI) depuis 2008, a subi de continuelles interruptions dans ses audiences parce que les témoins prévus n’étaient souvent pas en mesure d’apporter leur déposition.
La semaine prochaine, lorsque les audiences devraient reprendre, cela fera trois semaines que le dernier témoin se sera présenté au procès qui a débuté en novembre 2010. Les audiences prévues la semaine dernière et cette semaine ont été repoussées.
Seuls 19 témoins ont témoigné en faveur de M. Bemba depuis le début de la plaidoirie de la défense en août dernier. Á l’époque, il avait été prévu que tous les témoins de la défense auraient conclu leurs témoignages au mois de juillet de cette année. La défense a réduit ce mois-ci de 63 à 50 le nombre de témoins qu’elle avait l’intention d’appeler.
M. Bemba, un chef d’opposition du Congo, fait face à des charges de manquement à discipliner ses soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) que les procureurs accusent d’avoir commis des viols, des meurtres et des pillages en 2002 et 2003. Il a nié les charges, soutenant que les autorités de la République centrafricaine, où les forces avaient été déployées à l’époque, avaient la responsabilité de commandement et de contrôle sur ces troupes.
La plupart des soldats du MLC qui ont combattu lors du conflit ont été intégrés à l’armée nationale congolaise dans laquelle un grand nombre sert encore, dont certains à des postes de haut niveau. Ces soldats doivent obtenir une autorisation afin de voyager en dehors du Congo ou pour témoigner à distance. Cette autorisation n’est pas aisée à obtenir car M. Bemba reste une personnalité d’opposition de haut rang
De plus, plusieurs soldats des forces armées centrafricaines, qui avaient combattu aux côtés des troupes de M. Bemba, servent toujours leur pays ou sont partis en exil lorsque M. Patassé a été renversé en mars 2003. En outre, le pays est en plein bouleversement depuis que François Bozizé, qui est devenu président en 2003, a été déposé par les rebelles et s’est enfui au Cameroun en mars 2013.
Parmi ceux qui ont témoigné jusqu’à présent pour la défense figurent trois experts, des témoins des crimes et des anciens membres du MLC. Les avocats de la défense avaient déjà mentionné le manque de coopération des autorités gouvernementales, la peur des représailles et la vulnérabilité de plusieurs témoins, dont certains pouvaient s’incriminer pendant le témoignage, comme étant les difficultés rencontrées pour faire comparaître leurs témoins devant la Cour.
En septembre dernier, le ‘‘témoin D04-07’’ a témoigné pendant trois jours puis a disparu du tribunal avant d’avoir conclu son témoignage. Le ‘‘témoin D04-11’’, qui devait ensuite témoigner, n’a pas embarqué à bord de l’avion à destination de La Haye et est resté introuvable.
Devant les problèmes pour faire venir à La Haye les témoins vivant en Afrique, les juges Sylvia Steiner, Kuniko Osaki et Joyce Aluoch ont ordonné à la défense en octobre dernier de présenter d’abord les témoins de la défense venant d’Europe qui ne rencontraient aucune difficulté pour comparaître devant la chambre. Une fois que ces témoins avaient conclu leur témoignage, la défense a fait de nouveau part de problèmes pour obtenir la comparution de ses autres témoins.
Les difficultés pour faire venir les témoins d’Afrique en Europe ont également poussé la Cour à envisager d’entendre leur témoignage depuis les chambres du Tribunal pénal international pour le Rwanda (ICTR) à Arusha, en Tanzanie. Les témoins de la défense qui ont témoigné ces derniers mois ont tous apporté leur déposition à distance, via un lien vidéo.
Les avocats de la défense ont affirmé que les demandes d’autorisation délivrées par le gouvernement avaient été faites pour certains témoins marquants lorsque cela était nécessaire. La coopération pour ces demandes a toutefois été « terriblement lente ou inexistante ». Mais les autres témoins étaient basés dans des pays avec lesquels la CPI n’a pas conclu les accords ni entrepris les négociations requises pour mettre en place les équipements pour les liens vidéo.
Le procès devrait reprendre mercredi 5 juin.