Vendredi, un témoin dans le procès de Jean-Pierre Bemba a imputé la responsabilité des meurtres et des pillages commis à Bangui aux forces rebelles de François Bozizé. Le ‘‘témoin D04-09’’, un ancien soldat des forces armées de la République centrafricaine (RCA), a déclaré qu’il n’avait connaissance d’aucun crime perpétré par les soldats de M. Bemba.
Il a raconté que, au début des opérations destinées à repousser les rebelles hors de Bangui, son unité avait vu des cadavres dans la ville de Boy-Rabé, qui semblaient être sur place depuis plusieurs jours. Les cadavres comprenaient ceux de « jeunes garçons, de 13 ou 15 ans environ et celui d’une femme avec son bébé ».
« Je pense que les rebelles, voyant que nous avancions, avaient commencé à tirer dans tous les sens et des balles perdues avaient atteint des civils », a-t’il expliqué. Son unité avait emmené les corps à la morgue de l’hôpital local.
Le témoin a déclaré que Boy-Rabé était une ville fantôme avec des portes d’entrée enfoncées et des effets personnels éparpillés à l’extérieur des maisons. Quelques habitants s’étaient barricadés chez eux. Une situation similaire avait été trouvée par le ‘‘témoin D04-09’’ et son unité lorsqu’ils avaient atteint le PK 12, une banlieue de Bangui.
« Un soldat de votre unité a-t’il tué ces personnes ou pillé ces maisons ? », a demandé l’avocat de la défense Peter Haynes.
Le témoin a répondu que les cadavres étaient sur place depuis deux ou trois jours. De plus, les maisons avaient été pillées avant que son unité n’arrive dans la zone.
En octobre 2002, les troupes du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) menées par M. Bemba avaient été invitées dans le pays voisin pour aider son président à combattre une insurrection armée. Bien que M. Bemba n’ait pas été présent avec ses troupes dans le pays en conflit au moment où elles auraient violé, tué et pillé, il est jugé devant la Cour puisque les procureurs soutiennent qu’il porte la responsabilité de ne pas avoir empêché ces exactions ou puni les soldats ayant commis ces crimes présumés.
Lors du contre-interrogatoire mené par l’avocat de l’accusation Eric Iverson, le ‘‘témoin D04-09’’ a expliqué que lors de leur séjour de deux semaines au PK 12, il avait entendu des plaintes au sujet de soldats pillant les biens de civils. Toutefois, à la suite d’enquêtes et de l’arrestation de certains suspects, on s’est « rendu compte » que des immigrants congolais, qui avaient fait des petits boulots à Bangui avant le début des combats, en étaient les auteurs. Dénommés généralement « cireurs de chaussures », ces personnes auraient acheté des uniformes militaires et des armes.
« Ils connaissaient la ville de Bangui. Les soldats du MLC qui venaient d’arriver n’étaient pas familiarisés avec la ville et ne sortaient pas seuls », a-t’il précisé. Il a ajouté que les « cireurs de chaussures » savaient parler le sango, une langue locale, alors que les combattants de M. Bemba ne le pouvaient pas.
Hier, le témoin a déclaré que lorsque les soldats de M. Bemba étaient arrivés à son camp militaire, ils avaient été associés à des soldats centrafricains avant que les opérations conjointes contre l’insurrection ne commencent. Il a indiqué qu’un soldat centrafricain qui « connaissait très bien les collines et les chemins à emprunter pour les opérations », commandait chaque groupe comprenant des soldats étrangers et locaux. Le témoin a affirmé que le général Ferdinand Bombayake de l’armée de RCA était le commandant en chef de toutes les opérations.
Aujourd’hui, le témoin a également décrit comment les rebelles de M. Bozizé l’avaient torturé ainsi que d’autres membres de son groupe après qu’ils aient été capturés dans une embuscade. Il a indiqué que les rebelles avaient tué trois soldats de son unité.
Les [soldats] congolais avaient été torturés en utilisant des cadenas pour fermer leurs lèvres. Lorsqu’ils ont appris que j’étais le commandant de l’unité, j’ai été gravement torturé », a déclaré le témoin. Les rebelles l’avaient laissé pour mort.
« Je saignais de mes parties intimes et de mes oreilles. Ils avaient pris tous mes vêtements militaires et mes chaussures. Mes sous-vêtements étaient tout ce qui me restait. Le t-shirt que je portais était couvert de sang », a indiqué le témoin.
Outre son pseudonyme donné par la Cour, le ‘‘témoin D04-09’’ a bénéficié de mesures de protection, notamment d’une déformation numérique de la voix et du visage ainsi que de l’utilisation de fréquentes séances à huis clos afin de conserver son identité secrète. Sa déposition a été entendue par le biais d’un lien vidéo depuis un lieu dont le nom n’a pas été divulgué.
Les audiences se poursuivront lundi 17 juin.