Un ancien membre de haut rang de la milice dirigée par Jean-Pierre Bemba a déclaré aujourd’hui que, lorsque la décision d’envoyer les soldats du groupe dans un conflit armé en République centrafricaine (RCA) avait été prise, il avait été décidé que ces troupes passeraient sous le commandement des autorités de ce pays.
Témoignant sous le pseudonyme de ‘‘témoin D0-15’’, il a affirmé que ces décisions avaient été prises lors d’une réunion du haut commandement du Mouvement pour la libération du Congo (MLC). Il a indiqué que la réunion s’était tenue le 27 octobre 2002 au quartier général du groupe situé dans la ville congolaise de Gbadolite.
« Pourquoi le MLC est-il passé sous le commandement des autorités centrafricaines ? », a demandé l’avocat de la défense Aimé Kilolo-Musamba.
« Nous avons opté pour cette solution pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce qu’il y avait un état major en RCA et que ce dernier possédait un centre de commandement d’opérations », a répondu le témoin, qui apportait sa déposition au procès Bemba qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI).
La suite de son témoignage sur cette question a été donnée à huis clos. Le témoin a donné sa déposition via un lien vidéo avec une déformation numérique de la voix et du visage pour protéger son identité.
Le centre de commandement d’opérations, dénommé également CCOP, coordonnait toutes les opérations militaires et de renseignement contre les insurgés lors du conflit centrafricain de 2002-2003. Le président en exercice du pays, Ange-Félix Patassé, avait demandé l’aide des troupes congolaises pour soutenir ses forces loyalistes dans leur résistance contre une tentative de coup d’état.
Le témoin a indiqué à la Cour que, à la suite de la demande de M. Patassé et de la réunion de haut commandement, les troupes du MLC avaient été déployées dans le pays voisin le 30 octobre 2002.
Le témoin a précisé qu’un petit groupe de soldats s’étaient rendus auparavant dans le pays « pour s’assurer que le port d’arrivé était sûr ». Il a déclaré que le groupe de soldats n’avait pas passé plus d’une journée dans la capitale centrafricaine Bangui.
Le ‘‘témoin D04-15’’ a indiqué que, tout au long de leur séjour sur le territoire étranger, les troupes congolaises avaient reçu leurs ordres des autorités de la RCA.
« Que pensez-vous de l’hypothèse selon laquelle M. Bemba exerçait un commandement et un contrôle effectifs sur ses troupes en RCA ? », a demandé M. Kilolo-Musamba.
« Je suis très sceptique », a répondu le témoin.
Les procureurs soutiennent que les troupes congolaises sont responsables de meurtres, viols et pillages commis lors du conflit dès le 25 octobre 2002 jusqu’au 15 mars 2003. Ils affirment que M. Bemba exerçait un commandement et un contrôle effectifs sur ses troupes durant la période totale de cinq mois et que, malgré le fait qu’il savait qu’elles commettaient des crimes, il n’a rien fait pour les arrêter ou les punir.
Il a nié les trois crimes de guerre et les deux crimes contre l’humanité pour lesquels il est poursuivi. Il fait valoir que, une fois que ses troupes avaient quitté la République démocratique du Congo, elles étaient passées sous le commandement de M. Patassé. De plus, il affirme que n’importe lequel des nombreux groupes armés participant au conflit avait pu avoir commis les crimes pour lesquels il est jugé.
Entretemps, le ‘‘témoin D04-15’’ a indiqué que M. Bemba était une figure politique qui n’avait pas les capacités et les compétences professionnelles pour commander des opérations militaires.
« Pour nous, c’était aux professionnels de faire le travail [de commandement] puis de l’en informer. Je ne pense pas que ce soit un soldat », a déclaré le témoin. « S’il a fait de telles déclarations, elles sont fausses ».
Il est difficile de savoir quel poste le ‘‘témoin D04-15’’ a occupé au sein du MLC. Il poursuivra son témoignage demain matin.