Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Le seul témoin à se présenter à la barre cette semaine a raconté comment les troupes de l’accusé de crimes de guerre Jean-Pierre Bemba avaient commencé à abattre des civils après avoir perdu une bataille contre les soldats centrafricains. Se présentant sous le pseudonyme de ‘‘témoin 42’’, il a indiqué au cours du procès qui se déroule devant la Cour pénale internationale (CPI) que les soldats appartenant à la milice de l’accusé avaient perdu une importante bataille dans la banlieue PK 22 le 7 novembre 2002 et qu’ils avaient ensuite retourné leur colère contre les civils.

« Quelques soldats sont retournés dans leur base du PK 12 et c’est à leur retour qu’ils sont devenus furieux car ils avaient perdu beaucoup d’hommes et d’équipements sur le front », a raconté le témoin. « Ils étaient très en colère et pensaient que tout le monde était un rebelle, les jeunes hommes comme … les hommes âgés ».

Le témoin a poursuivi, « Ils tiraient sur les gens et battaient tout le monde. Après ce combat, ils sont devenus vraiment violents, ce qui a forcé les gens à s’enfuir dans la brousse ».

Le témoin a également déclaré qu’il avait été battu en raison d’allégations selon lesquelles son fils était un partisan des rebelles et que sa fille de dix ans avait été violée par des soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC). Il a toutefois précisé que les enquêteurs de la CPI n’avaient pris aucune déclaration des membres de sa famille.

« Ils ne m’ont pas demandé [de s’entretenir avec eux] mais je ne pouvais pas amener mes enfants de mon plein gré », a déclaré le témoin.

« Pourquoi n’avez-vous pas mis en contact les enquêteurs avec votre femme, votre fils ou votre fille ? », a demandé l’avocat de la défense Peter Haynes.

« Je ne pouvais pas les forcer d’aller voir et de convoquer mes enfants. C’était à eux de me demander d’aller chercher ma fille et de l’amener pour raconter son histoire », a rétorqué le témoin. Le ‘‘témoin 42’’ a ajouté que si les enquêteurs lui avaient demandé de présenter son fils, qui avait été également torturé par des combattants du MLC, il aurait été heureux d’emmener le jeune homme pour qu’il s’entretienne avec les agents du BdP.

Les procureurs de la CPI ont affirmé que M. Bemba savait que ses troupes commettaient en masse des viols, des meurtres et des pillages en République centrafricaine pendant les années 2002 et 2003 mais qu’il n’avait pris aucune mesure pour les arrêter ou les punir. Il a nié les cinq chefs d’accusation retenus contre lui.

L’essentiel du contre-interrogatoire du ‘‘témoin 42’’ s’est déroulé à huis clos. Lors des brefs instants où il a témoigné en séance publique, le témoin a été interrogé sur la déclaration qu’il avait faite aux enquêteurs de la CPI. M. Haynes l’a également interrogé sur la manière dont il avait été questionné par les enquêteurs. Le témoin comparaissait avec la voix et le visage numériquement déformés afin de ne pas dévoiler son identité.

Le ‘‘témoin 42’’ a également raconté comment les soldats de M. Bemba avaient contraint son fils à cuisiner pour eux après qu’ils aient pillé son magasin. Lors de son contre-interrogatoire, le témoin a relaté que son fils ayant tenté de résister aux pillages répétés de son magasin, les soldats du MLC l’avaient battu. « Lorsqu’un soldat est venu pour prendre des marchandises pour la troisième fois, mon fils l’a repoussé et lui a indiqué qu’il ne lui permettrait pas de prendre les marchandises sans qu’il ne les paye », a déclaré le témoin. « Ils étaient trois pour prendre ces articles ».

Le témoin a affirmé que pendant que son fils demandait aux soldats de payer les marchandises, un des soldats lui a déclaré, « Je suis un soldat et tu es un civil, donnes-les moi ».

« Mon fils a réagit et a poussé les Banyamulenge [soldats congolais]. Voyant qu’il avait déjà jeté à terre leur compagnon, les deux autres soldats, ainsi que celui qui était au sol et qui s’était relevé, se sont mis à battre mon fils », a précisé le témoin. « Ils lui ont donné des coups de pieds. Se battre à un contre trois n’est pas un combat très équilibré. Il n’a pas fait le poids ».

Il a indiqué que les soldats congolais avaient ensuite traîné son fils à l’extérieur, l’accusant d’être un des rebelles qui tentaient de renverser le gouvernement du président en exercice de RCA, Ange-Félix Patassé. Le ‘‘témoin 42’’ a déclaré que les soldats avaient emmené son fils sur la ligne de front du MLC où ils l’avaient forcé à préparer des repas pour eux. Il n’a pas indiqué en séance publique combien de temps son fils avait été forcé à cuisiner pour les combattants du MLC.

Le témoin a également indiqué avoir vu les troupes rebelles appartenant au groupe dirigé par François Bozizé arriver dans la banlieue PK 12 située à 12 kilomètres de Bangui. Il a déclaré que les troupes de M. Bozizé n’avaient jamais commis d’atrocités sur les civils. M. Bozizé est le président actuel de la RCA, qui a destitué M. Patassé en 2003.

Au début de la semaine, le ‘‘témoin 42’’ a déclaré que son fils avait été attaqué la semaine dernière par des inconnus. Toutefois, il n’a mentionné ni le lieu de l’agression ni l’éventuel mobile de cette agression en séance publique. « Mon fils dont j’ai parlé ici a été agressé. Les agresseurs ont utilisé une hache et l’enfant a des blessures à la tête. Il a quatre blessures », a-t-il déclaré.

Interrogé par le juge Sylvia Steiner pour savoir s’il avait informé l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (VWU) de la Cour, le témoin a répondu, « Mais je suis ici. Comment aurais-je pu faire part de cette information ? ». Puis il a ajouté, « C’est lorsque j’étais dans la salle d’attente que j’ai eu le téléphone et que j’ai pu appeler ma femme. Ce jour-là, ils [personnel du VWU] étaient présents et ont entendu cette information ».

« Aujourd’hui même, avant de me présenter dans la salle d’audience, j’ai appelé ma femme qui m’a donné quelques nouvelles. Elle m’a également dit qu’elle avait obtenu un certificat médical qu’elle joindrait à la plainte formée auprès de nos tribunaux », a indiqué le témoin lundi.

À ce stade du témoignage, le juge Steiner a prononcé la tenue de l’audience à huis clos. Lorsque l’audience a repris en séance publique, le juge a demandé au ‘‘témoin 42’’ s’il était prêt à poursuivre sa déposition. Le témoin a indiqué être prêt à continuer. Le juge Steiner a déclaré que le procès se poursuivait mais a avisé le témoin que s’il souhaitait parler à quelqu’un du VWU, il devrait en informer les juges et l’audience serait suspendue.

Le ‘‘témoin 42’’ a déclaré qu’il avait parlé à sa femme et à son fils, et que cela l’avait rassuré. Il a témoigné de lundi à vendredi, pour l’essentiel en séance à huis clos.

Le procès se poursuivra lundi avec la comparution du onzième témoin de l’accusation.


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