Aujourd’hui, au cours du procès de l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, les juges ont appris que les commandants de la milice du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) étaient les spectateurs des actes de violence commis par les soldats sur les civils.
Poursuivant son témoignage de lundi, le ‘‘témoin 73’’ a raconté que des soldats MLC avaient violé la fille mineure de son voisin et qu’ils avaient battu le fils de son voisin jusqu’à ce qu’il perde connaissance lorsqu’il avait tenté d’empêcher les miliciens de voler les marchandises dans l’échoppe de la famille. Le témoin a également indiqué s’être senti totalement impuissant lorsqu’il avait découvert qu’un des soldats de M. Bemba avait souillé sa fille de dix ans.
Il a déclaré qu’une personne qui avait été identifiée comme étant le commandant des soldats dans le quartier où le témoin résidait n’avait pas réprimandé ses troupes qui avaient pillé des civils et qui avaient commis de nombreux sévices. « Il n’y avait personne pour les arrêter », a indiqué le témoin. « Ils faisaient totalement ce qu’ils voulaient. Même leur chef était présent lorsqu’ils commettaient les actes de violence ».
« Savez-vous si les auteurs ont été punis? », a demandé l’avocat de l’accusation Hesham Mourad.
« Non », a répondu le témoin. Il a ajouté, « C’est leur commandant qui ordonnait les attaques et il participait à ces attaques. Ils n’avaient peur de rien et pas de commettre des atrocités, car après avoir commis ces atrocités, ils étaient très heureux ». Le témoin a indiqué que ce commandant était connu sous le nom de ‘‘Saddam’’.
Le procès de M. Bemba devant la Cour pénale internationale (CPI) a débuté en novembre dernier et il est entendu par les juges Sylvia Steiner, Kuniko Ozaki et Joyce Aluoch. Les cinq chefs d’accusation retenus contre le chef de l’opposition congolais découlent de son manquement présumé à contenir ses troupes qui, selon l’affirmation des procureurs, ont commis en masse des viols, des meurtres et des pillages en 2002 et 2003.
Les troupes du MLC, qui tentaient également à l’époque de renverser le président congolais Joseph Kabila, étaient présentes en République centrafricaine (RCA) à la demande du président du pays en exercice, Ange-Félix Patassé, qui avait besoin d’aide pour combattre une tentative de coup d’état.
Lors de son exposé introductif au procès, le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a indiqué que l’accusation ne prétendrait pas que M. Bemba avait ordonné à ses troupes de commettre ces crimes. « L’accusation soutient que Jean-Pierre Bemba est responsable de ces crimes en raison de son manquement à contrôler les troupes qui se trouvaient sous son commandement », a déclaré le procureur. M. Bemba a nié les charges, affirmant que ses troupes étaient sous le commandement de M. Patassé une fois que ses troupes avaient pénétré en RCA et qu’il avait pris des mesures énergiques lorsqu’il avait eu connaissance des actes commis par ses soldats.
Le ‘‘témoin 73’’ a raconté que le fils de son voisin avait dit aux troupes pilleuses du MLC de s’en aller et d’aller demander de la nourriture à M. Patassé, qui les avait invité dans le pays, au lieu de voler les civils.
« Tout d’un coup, l’un d’entre eux a armé son fusil et a voulu abattre l’enfant. Le commandant est intervenu pour calmer ses troupes et lui a retiré son arme », a raconté le témoin. « Puis un autre soldat a tiré et les coups de feu ont a alerté d’autres soldats qui se sont dirigés vers les maisons ».
Selon le témoin, six soldats environ se sont jetés sur le garçon et l’on battu, tandis qu’un autre groupe se dirigeait vers le père du garçon pour le molester et qu’un autre violait la sœur mineure.
« Ils ont roué de coups le garçon, ils lui ont donné des coups de pied … et il a perdu connaissance. Au lieu de le laisser, ils ont décidé de l’emmener à leur base », a relaté le témoin, qui affirmait avoir assisté à ces violences. « Ils ont continué à le battre même lorsqu’il est tombé. Le colonel se tenait près de la base, il l’a saisi par les jambes, il l’a traîné, sa tête rebondissait sur le sol. Ils ont ouvert la prison et l’on jeté [dedans]. Il était allongé dans son sang ». Le témoin a déclaré que le garçon avait été libéré après une demande de sa mère.
Le ‘‘témoin 73’’ sera contre-interrogé demain matin par les représentants légaux des victimes participant au procès ainsi que par les avocats de M. Bemba.