Aujourd’hui, un expert militaire a déclaré que Jean-Pierre Bemba avait les moyens d’exercer un contrôle direct sur ses troupes déployées lors du conflit centrafricain.
Daniel Opande, un officier militaire kenyan à la retraite, est le quatrième témoin expert à se présenter au procès de l’ancien chef de l’opposition congolais qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI).
Il a indiqué que son examen des documents reçus de la part des procureurs indiquait que M. Bemba, par le biais de transmissions par fils et par radio, avait des « moyens certains » de donner des ordres directs à ses troupes déployées lors du conflit qui a ravagé la République centrafricaine (RCA) depuis son quartier général congolais. Il a ajouté que les informations recueillies sur le terrain étaient communiquées à l’accusé par le biais des mêmes moyens de communication.
« Si vous avez les moyens de surveiller, la distance importe peu. Il existe des commandants qui sont à des milliers de kilomètres de leurs troupes mais qui ont toujours le contrôle de celles-ci », a déclaré le témoin.
Le général Opande a rédigé un rapport pour la Cour sur les structures de commandement militaire et la responsabilité de commandement. Le rapport est en partie basé sur les documents fournis par le Bureau du Procureur (BdP), notamment sur les déclarations des témoins et d’autres documents. Il souligne les similitudes entre le mouvement rebelle de l’accusé et les forces conventionnelles militaires.
M. Bemba, le commandant en chef du MLC, est jugé devant la Cour située à La Haye pour les viols, meurtres et pillages qui auraient été commis par ses soldats déployés lors du conflit centrafricain dans les années 2002 et 2003. Les procureurs accusent M. Bemba de n’avoir fait aucun effort pour former ses troupes au droit de la guerre, qu’il a ignoré ou rejeté les plaintes spécifiques sur les crimes graves commis par ses soldats et qu’il n’avait rien fait pour les punir. Il a plaidé non coupable pour les cinq chefs d’accusation retenus à son encontre, arguant qu’il n’exerçait aucun contrôle sur ses troupes une fois qu’elles étaient entrées dans le pays voisin.
Le général Opande avait auparavant commandé des missions de maintien de la paix pour les Nations Unies en Angola, au Libéria, au Mozambique, en Namibie et en Sierra Leone. Il a déclaré qu’un commandant militaire devait être « très clair » lorsqu’il s’adressait à ses troupes afin que les soldats puissent agir correctement et pour qu’il ne leur laisse aucun doute quant à leur mission. « Il ne faut que pas que les officiers fassent des suppositions », a-t-il ajouté.
Le général, qui a eu des contacts avec les forces rebelles qui cherchaient à renverser les gouvernements des pays dans lesquels il avait travaillé, a indiqué qu’il s’agissait d’une « pratique courante » pour ces forces qualifiées de « guérilleros » d’adopter la structure et la chaîne de commandement des forces armées conventionnelles.
« Jusqu’à quel point avez-vous trouvé les mêmes caractéristiques dans les informations que vous avez obtenues sur le MLC ? », a demandé l’avocat de l’accusation Eric Iverson.
« J’ai constaté que le MLC avait une organisation de ses membres qui était presque équivalente de celle des organisations militaires. Elle était bien établie avec un membre de l’état-major à chaque niveau de commande et de contrôle », a répondu le général également connu sous le nom de ‘‘témoin 219’’. Il a indiqué qu’au sein de l’état-major du MLC figuraient un chef d’état-major, un agent du renseignement, un officier des opérations et un officier de logistique qui tenaient tous leur commandant en chef « informé » de ce qui se passait.
Á l’époque de leur intervention dans le pays voisin, le MLC était un mouvement rebelle cherchant à renverser le gouvernement de la République démocratique du Congo. Dans ce rapport, le général a conclut que le commandement général de la milice avait investit M. Bemba comme chef suprême militaire et comme chef politique.
« Quoi qu’ait fait le MLC, cela l’a été en accord avec les instruction de [M. Bemba] », a déclaré le général.
Toutefois, le général kenyan a soutenu que ce rapport comportait certaines limites. Selon lui, des entretiens avec certaines personnes en RCA et au Congo ainsi que des visites sur le terrain dans la zone des opérations du MLC « n’avaient pas été faites ».
Hormis les victimes et les témoins des crimes présumés, la CPI accepte le témoignage de personnes dont les études, la formation et l’expérience peuvent apporter à la Cour une évaluation, un avis ou un jugement dans un domaine d’expertise précis.
L’accusation avait précédemment appelé trois témoins experts. Il s’est agit du Dr André Tabo, un expert de la violence sexuelle comme arme de guerre, du Dr Adeyinka Akinsulure-Smith, une psychologue qui a témoigné sur le trouble de stress post-traumatique (TSPT) chez les victimes de viol centrafricaines et du professeur William Samarin, linguiste et anthropologue.
Le général Opande poursuivra son témoignage demain matin.