Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a demandé aux juges de condamner l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba à une peine de prison de 25 ans minimum. Selon Me Bensouda, M. Bemba porte, en tant que chef du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), le « degré le plus élevé » de culpabilité pour les crimes commis par ses troupes, en 2002 et 2003, à l’encontre de civils en République centrafricaine.
« La dissuasion est l’un des objectifs principaux de l’imposition d’une peine », a déclaré Me Bensouda dans des observations soumises aux juges sur la peine de l’ancien chef rebelle devenu homme politique. « Une longue peine, proportionnée à la gravité de la culpabilité de M. Bemba, aurait également pour objectif de dissuader d’autres commandants militaires de perpétrer des crimes similaires ».
Bemba, qui est détenu à la Cour depuis 2008, a été déclaré coupable en mars dernier de trois crimes de guerre et de deux crimes contre l’humanité, après que les juges aient conclu qu’il savait que ses troupes commettaient des viols, des meurtres et des pillages mais qu’il n’a pas pris les mesures décisives pour les arrêter ou les punir.
Dans une déclaration déposée le 15 avril, Me Bensouda a indiqué que M. Bemba méritait une longue peine de prison compte tenu de la gravité des crimes pour lequel il a été condamné, les dommages causés aux victimes et à leurs familles, la gravité de la « responsabilité de commandement » et le degré de participation de M. Bemba à la commission des crimes. Elle a souligné que le viol, le pillage et le meurtre figuraient parmi les crimes les plus graves et abominables qui préoccupaient la communauté internationale.
Elle a ajouté que la responsabilité de commandement était intrinsèquement une forme très grave de responsabilité criminelle qui devait être sanctionnée par une peine sévère. Me Bensouda a déclaré que puisque chaque soldat qui commettait un crime de guerre était pénalement responsable des actes qu’il avait perpétré, un commandant militaire qui n’avait pas exercé son autorité pour arrêter ces atrocités était responsable de l’ensemble des actes criminels de toutes les forces qui lui étaient subordonnées. Cela s’explique par le fait qu’un manquement à arrêter des atrocités a des conséquences aggravantes sur la destruction de collectivités civiles.
Le procureur a précisé que la responsabilité de commandement était accordée de manière égale avec la responsabilité pénale individuelle à la fois par le régime juridique de la CPI et la jurisprudence des tribunaux ad hoc, tels que le Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (ICTR). Me Bensouda a ajouté que, par conséquent, les juges de première instance pouvaient imposer l’une des peines prévues, dont la prison à perpétuité, pour toute forme de responsabilité sous-tendant toute condamnation, notamment la responsabilité de commandement.
L’article 77 de l’acte fondateur de la Cour, le Statut de Rome, prévoit que la Cour puisse condamner une personne reconnue coupable à une peine de 30 ans maximum ou à la prison à perpétuité lorsqu’elle est justifiée par l’extrême gravité du crime et les circonstances personnelles de la personne condamnée.
Les deux personnes précédemment jugées coupables par la Cour, les deux citoyens congolais Thomas Lubanga et Germain Katanga, ont été condamnées respectivement à une peine de prison de 14 et de 12 ans. M. Lubanga été déclaré coupable de conscription, d’enrôlement et d’utilisation d’enfants soldats tandis que M. Katanga a été déclaré coupable de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
En élaborant ses arguments pour une peine bien plus sévère, Me Bensouda a fait remarquer que les tribunaux ad hoc, particulièrement l’ICTR, prononçaient des peines d’emprisonnement à perpétuité pour des condamnations basées uniquement sur la responsabilité de commandement ou la responsabilité des supérieurs. Elle a cité l’affaire d’un ancien officier de l’armée rwandaise, Aloys Ntabakuze, qui avait été condamné par l’ICTR à la prison à perpétuité pour une condamnation en rapport avec un génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre basés uniquement sur la responsabilité de commandement. La chambre d’appel a diminué la peine à 35 ans d’emprisonnement « uniquement parce qu’elle avait annulé certaines condamnations qui impliquaient un grand nombre de victimes, indépendamment du mode de responsabilité qui les sous-tendaient », a soutenu Me Bensouda.
Elle a fait valoir de plus que, comme les juges l’avaient conclu dans la décision de condamnation, M. Bemba exerçait une large autorité et contrôle sur les forces du MLC et avait connaissance des crimes commis par ses troupes. S’il avait pris « des mesures importantes », les crimes commis par ses troupes auraient été empêché ou n’auraient pas été perpétrés dans les circonstances dans lesquelles ils avaient été commis.
Les avocats de M. Bemba ont jusqu’au 25 avril pour déposer leurs observations sur la peine. Les observations seront rendus publiques sous peu. Les audiences de détermination de peine devraient débuter la semaine prochaine, lundi 16 mai, pendant lesquelles au moins quatre personnes devraient témoigner.