Lundi, un expert du trouble de stress post-traumatique (TSPT) a décrit, lors du procès de Jean-Pierre Bemba, les traumatismes dont souffrent les centrafricains qui ont été victimes de la violence sexuelle perpétrée par les troupes de l’accusé.
Aujourd’hui, le Dr Adeyinka Akinsulure-Smith, une psychologue-conseil de l’université de New York qui a mené des évaluations cliniques et psychologiques de trois victimes de violence sexuelle en République centrafricaine (RCA), est le deuxième témoin de l’accusation à comparaître au procès pour crimes de guerre de l’ancien vice-président congolais.
Le Dr Adeyinka Akinsulure-Smith a déclaré devant le tribunal présidé par le juge Sylvia Steiner qu’elle avait été habilitée à exercer à New York, É.-U., et qu’elle a mené des évaluations cliniques et psychologiques en RCA à la demande de l’accusation et des victimes participant au procès de la Cour pénale internationale (CPI). Elle avait auparavant travaillé avec des victimes de violence sexuelle perpétrée lors d’un conflit armé en Sierra Leone ainsi qu’avec d’autres personnes traumatisées provenant d’autres pays.
Concernant la violence en RCA pendant les années 2002 et 2003, le témoin a indiqué qu’il y avait eu de nombreux actes de violence sexuelle qui avaient touché principalement des femmes mais aussi des hommes. « Ces types de violence sexuelle impliquent de nombreux viols collectifs, avec au moins deux auteurs contre un seul individu », a-elle précisé. « Ce type de violence sexuelle comprend des pénétrations anales, vaginales et orales ainsi que le fait d’être témoin d’actes de violence sexuelle sur une autre personne ».
L’expert a indiqué que certaines des personnes violées avaient à peine 12 ans.
« D’après votre expérience professionnelle, pouvez-vous nous dire quelles sont les conséquences pour les victimes de la violence sexuelle associée à la guerre ? », a demandé le procureur principal Petra Kneur.
« Immenses », a répondu le Dr Akinsulure-Smith. Au niveau de l’individu, il y a de graves conséquences psychologiques et physiques. Il y a également des répercussions familiales et sociales, à savoir celles qui affectent non seulement la personne mais aussi sa communauté et sa famille.
Le témoin a précisé que les conséquences physiques peuvent être considérables et peuvent inclure des déchirements des tissus dans les zones du vagin, de la vessie et du rectum. Il peut y avoir également d’autres blessures graves dans le système de reproduction, notamment des complications associées aux fausses couches pour les femmes qui deviennent enceintes.
« En ce qui concerne les conséquences psychologiques, ce sont celles qui sont les plus difficiles à documenter. De nombreux patients disent : « les blessures physiques guérissent mais les blessures psychologiques sont permanentes ». Nous constatons de graves TSPT, des symptômes dépressifs et des symptômes d’anxiété », a indiqué l’expert.
Elle a indiqué que chez les femmes qui avaient subi des violences sexuelles, il y avait également « la douleur d’avoir été utilisées, d’être vues comme une marchandise endommagée, en un sens ». Elle a expliqué que « outre les conséquences physiques et psychologiques, il y avait également la honte, la culpabilité et les reproches faites aux victimes. C’est ce que je constate lorsque je parle aux gens à Bangui et en Sierra Leone ».
Les procureurs de la CPI accusent les membres de l’armée personnelle de M. Bemba, le Mouvement pour la libération du Congo (MLC), d’avoir utilisé le viol comme arme de guerre lorsqu’ils se sont rendus en RCA pour aider le président de l’époque, Ange-Félix Patassé, à repousser une tentative de coup d’état.
Bien que M. Bemba n’ait pas été présent dans ce pays, les procureurs soutiennent qu’il est pénalement responsable des viols, meurtres et pillages perpétrés par ses troupes. En effet, il n’a ni empêché ni puni les crimes commis par ses soldats, même en ayant censément connaissance du fait qu’ils avaient été commis.
Le Dr Akinsulure-Smith poursuivra son témoignage demain matin.