Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Les deux témoins qui se sont présentés à la barre cette semaine ont décrit la visite de l’accusé de crimes de guerre Jean-Pierre Bemba en République centrafricaine (RCA) et ont également relaté les nombreuses atrocités qui ont été commises par des soldats congolais sur les témoins ainsi que sur leur famille.

Comme la plupart des témoins précédents qui ont témoigné depuis le début du procès fin novembre, les deux témoins de cette semaine ont été violés par des soldats, qui selon les témoins, appartenaient au Mouvement pour la libération du Congo (MLC). Comme pour les témoins précédents, la défense de M. Bemba a cherché à établir que les soldats du MLC n’étaient pas présents dans les zones où les agressions sur les témoins ont eu lieues.

La défense a également souligné les divergences existant entre les déclarations qu’un témoin avait faites aux enquêteurs de la CPI en 2008 et son témoignage oral de la semaine. Le témoin a admis qu’il y avait quelques divergences entre son témoignage à la barre et les informations qu’il avait fournies lors de sa demande à participer au procès en tant que victime.

Lors du contre-interrogatoire mené par la défense, le ‘‘témoin 23’’ a reconnu que les dates de naissance de ses enfants, qu’il avait lui-même écrit sur le formulaire de demande, étaient fausses. Il a déclaré que les dates mentionnées lors du procès étaient les bonnes. De même, il a indiqué que la déclaration écrite qu’il avait faite aux enquêteurs du Bureau du Procureur (BdP) présentait des inexactitudes quant aux dates auxquelles ses filles avaient été violées par des soldats appartenant au groupe armé de M. Bemba.

Lors de son réinterrogatoire, l’avocat de l’accusation Thomas Bifwoli a demandé au témoin d’expliquer les incohérences identifiées par la défense qui concernaient l’âge de ses enfants et la date de naissance de son beau-frère.

« Ce que j’ai dit aux enquêteurs [du BdP] était différent de ce qu’ils ont écrit », a déclaré le témoin.

Le témoin a été ensuite interrogé pour savoir si les enquêteurs de la CPI ne lui avaient pas lu sa déclaration avant qu’il ne la signe.

Il a répondu : « Il me l’ont relu mais je n’ai pas fait très attention. Je n’ai pas fait attention aux dates auxquelles mes enfants ont été violés ». Il a indiqué que puisqu’il n’avait pas fait attention, il n’avait pas remarqué les erreurs présentes dans sa déclaration.

Le témoin a également reconnu qu’il y avait des inexactitudes dans la déclaration qu’il avait jointe à sa demande de participation au procès. Cette déclaration avait été préparée avec l’aide d’un employé d’une organisation non gouvernementale en RCA. « La personne qui a rédigé ce document, comme je l’ai indiqué, n’a pas entendu correctement ce que j’ai dit et c’est la raison pour laquelle elle a noté l’âge de 20 ans. Lorsque je l’ai relu, je ne l’ai pas remarqué… lorsque je la relis [maintenant] je vois que l’âge n’est pas le bon ». “

Dans son témoignage, le ‘‘témoin 23’’ a déclaré que trois soldats de la milice de M. Bemba l’avaient sodomisé en présence de ses femmes et de ses enfants. Il a également indiqué que pendant une période de quatre jours, les soldats congolais avaient violé à de nombreuses reprises ses enfants et ses femmes. M. Bemba est jugé pour manquement à contrôler ses troupes qui ont violé, tué et pillé en RCA entre 2002 et 2003.

L’avocat de la défense Nkwebe Liriss a demandé au témoin comment il avait pu écrire de fausses dates de naissance pour ses enfants dans un formulaire que le témoin a reconnu avoir complété lui-même.

« Je ne peux oublier l’âge de mes enfants. Je ne sais pas ce qui s’est passé, je ne faisais pas assez attention à ce qui se passait et c’est pourquoi j’ai signé le document en l’état », a expliqué le témoin. Il a précisé que ses enfants pourraient témoigner au procès et confirmer que les informations qu’il avait données à la barre étaient les bonnes. Il a ajouté, « Je vous ai également déclaré que je n’avais pas un niveau d’instruction élevé, je confonds tout le temps certaines choses ».

Le ‘‘témoin 23’’ a également déclaré à la barre que les crimes commis par les soldats du MLC contre des civils centrafricains avaient diminué lorsque M. Bemba avait visité la capitale du pays Bangui et s’était adressé à ses troupes. Avant qu’il ne parle à ses troupes, les chefs locaux de Bangui avaient présenté un mémorandum à M. Bemba, dans lequel ils l’informaient que ses soldats tuaient des civils et commettaient des viols en masse.

Lorsque les procureurs lui ont demandé s’il savait ce que M. Bemba avait déclaré à ses troupes, le témoin a répondu par la négative car le chef congolais avait réalisé son discours en lingala, une langue que le ‘‘témoin 23’’ ne parlait pas.

« Mais je sais qu’après avoir parlé à ses troupes, les agressions et la violence ont diminué », a ajouté le témoin. Il a également déclaré que M. Bemba avait une réunion avec un représentant de la collectivité locale auquel il avait garanti qu’il parlerait à ses troupes des crimes qu’elles avaient commis.

Le ‘‘témoin 23’’ avait également déclaré qu’un commandant du MLC avait indiqué que le président de la RCA de l’époque avait ordonné aux soldats de tuer les garçons de deux ans et plus. Les meurtres devaient être commis dans les zones dans lesquelles le président Ange-Félix Patassé pensait que la population soutenait le général François Bozizé qui tentait de renverser son gouvernement.

M. Nkwebe a lu des extraits de l’entretien que le ‘‘témoin 23’’ avait donné aux enquêteurs de la CPI dans lequel il indiquait qu’un caporal du MLC, qui était un des commandants de la milice, avait parlé de l’ordre de tuer qu’aurait donné M. Patassé.

« Lorsque vous dites cela vous confirmez les déclarations de ce caporal, qui a parlé de M. Patassé, n’est-ce pas exact ? », a demandé M. Nkwebe.

« C’est exact », a répondu le témoin. « Il a dit que le président avait donné l’ordre de tuer les garçons de deux ans et plus car c’étaient les zones où les rebelles étaient installés et à partir desquelles ils effectuaient leurs incursions » Le témoin a cité le caporal du MLC comme ayant dit que parce qu’ils n’avaient trouvé aucun rebelle dans la zone, ils étaient en colère et avaient commencé à commettre des atrocités sur les civils.

Entretemps, le ‘‘témoin 81’’ a déclaré que deux des quatre hommes qui l’avaient violée étaient des commandants du MLC. Elle a donné leur nom à huis clos. Le ‘‘témoin 81’’ a bénéficié de mesures de protection, notamment d’un pseudonyme ainsi que d’une déformation numérique du visage et de la voix pour protéger son identité.

Elle également indiqué que les soldats du MLC étaient les seuls soldats présents dans les environs à la date de son viol. Concernant son agression, elle a déclaré, « Je n’ai pas donné mon consentement. J’avais accouché une semaine avant qu’ils ne me violent ».

« Que ressentiez-vous tandis que ces Banyamulenge [soldats congolais] vous violaient ?” a interrogé M. Bifwoli.

« Mon bassin me faisait mal à cause des lésions de l’accouchement », a précisé le témoin.

Elle a raconté que le jour suivant le viol, son mari avait rassemblé tous leurs enfants et avait fui avec eux. « Il a dit qu’il souhaitait partir et ne jamais revenir », a-elle indiqué. Il n’a jamais donné la raison de son départ et n’est jamais revenu.

Marie-Edith Douzima-Lawson, un des représentants légaux des victimes participant au procès, a demandé au ‘‘témoin 81’’ ce que les soldats avaient fait lorsqu’il les avait supplié de ne pas la violer. Elle a répliqué qu’ils l’avaient menacé de le violer également s’il continuait à protester. Il était ensuite sorti de la maison.

Le témoin a également parlé des viols et pillages généralisés commis par les soldats du MLC dans la banlieue PK 12. « Ils violaient, volaient, dérobaient des animaux et si les gens tentaient de résister, ils les frappaient », a-t-elle indiqué. Selon elle, ces crimes avaient cessé lorsque M. Bemba avait visité Bangui et s’était adressé à ses troupes.

Elle a indiqué que les soldats du MLC avaient arrêté de commettre des atrocités dans son quartier après la visite de M. Bemba.

2 Commentaires
  1. Merci pour ces informations
    mais je pose une question. Quel est l’incidence judiciaire, du fait que les atrocités aient diminué après que J Bemba ait parlé à ses troupes? est-ce ça peut aggraver sa situation ou l’attenuer

    • Cher Me Desire Balume,

      Je vous remercie pour votre commentaire. Le fait que les atrocités présumées aient diminué après que M. Bemba se soit adressé à ses troupes pourrait indiquer qu’il exerçait une autorité sur ces dernières. L’accusation tente de prouver que M. Bemba exerçait un commandement et un contrôle véritables sur les forces armées ayant commis les crimes. Si les crimes ont vraiment diminués après que M. Bemba ait parlé à ses troupes, cela pourrait démontrer que lorsque les forces du MLC étaient présentes en RCA, M. Bemba donnait des ordres que ses soldats ont suivi, qu’il dirigeait et contrôlait les commandants du MLC, et qu’il avait le pouvoir d’empêcher et de réprimer la commission des crimes. La défense a toutefois soutenu que c’était plutôt l’ancien président de la RCA, Ange-Félix Patassé, qui exerçait le contrôle sur les troupes du MLC lorsqu’elles étaient présentes dans le pays. Au final, il reviendra aux juges de décider, en se basant sur les preuves présentées, si le fait que M. Bemba se soit adressé à ses troupes plaide en sa faveur ou pas.

      Cordialement,

      Taegin Stevenson


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