Aujourd’hui, un témoin de l’accusation a raconté comment elle-même, ses quatre enfants et son mari avaient subi de nombreux viols perpétrés par des soldats appartenant au groupe créé par l’accusé de crimes de guerre Jean-Pierre Bemba.
Le témoin a également déclaré lors du procès qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye que certains de ses voisins avaient été violés également. Évoquant la manière dont les soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) commettaient des viols en masse dans son quartier, le témoin a indiqué : « Ils ne se cachaient pas, ils le faisaient ouvertement ».
Le ‘‘témoin 80’’, qui a été décrit par le juge président Sylvia Steiner comme “très vulnérable’’, a témoigné avec des mesures de protection, notamment l’utilisation d’un pseudonyme ainsi qu’une déformation numérique de la voix et du visage afin de ne pas dévoiler son identité.
« Combien de Banyamulenge [soldats congolais] vous ont-ils violé ? », a demandé au témoin l’avocat de l’accusation Thomas Bifwoli.
Trois d’entre eux m’ont violée », a répondu le ‘‘témoin 80’’.
Le témoin n’a pas expliqué en détail son viol en séance publique. Elle a toutefois déclaré que lorsqu’elle avait tenté de résister à ses agresseurs, qui parlaient lingala, une langue congolaise, ils avaient menacé de la violer « 50 fois sans s’arrêter ».
Concernant les membres de sa famille, le témoin a indiqué, « Ils ont également fait souffrir mes enfants. Les Banyamulenge m’ont violé. Ils ont violé mon mari et mes enfants ». Elle a raconté que ses enfants, qui étaient au moment de l’agression dans d’autres maisons mais entouré du même mur d’enceinte que sa maison, l’ont vu se faire violer et ont tenté de fuir. C’est alors que les soldats les ont attrapés et les ont violés également.
« Je voudrais parler de ma fille aînée, elle a été violée et elle a maintenant des problèmes pour avoir un enfant », a indiqué le témoin. « Une autre de mes files avait 11 [ans] à l’époque, elle a été déflorée. Une autre fille avait 14 [ans] à l’époque des faits. Une autre de mes filles était enceinte lorsqu’elle a été violée ».
M. Bemba, un ancien vice-président de la République démocratique du Congo, en jugé devant le CPI pour manquement à contrôler ses soldats du MLC qui ont violé, tué et pillé des civils en République centrafricaine (RCA) entre octobre 2002 et mars 2003. Il a nié les cinq chefs d’accusation retenus à son encontre, déclarant qu’il n’avait plus le contrôle de ses combattants une fois que ceux-ci avaient pénétré sur le territoire centrafricain où ils étaient venus pour aider le président en exercice, Ange-Félix Patassé, à combattre une tentative de coup d’état.
Le ‘‘témoin 80’’, qui résidait dans le PK 12, une banlieue de la capitale Bangui, a déclaré qu’en plus des soldats du MLC, des rebelles appartenant au groupe de François Bozizé, le fomenteur du coup d’état, étaient également présents dans son quartier. Cependant, comme tous les témoins à charge, le ‘‘témoin 80’’ a insisté sur le fait que les combattants de M. Bozizé n’avaient commis aucun crime contre la population civile de la RCA.
« Non, ils [les rebelles de M. Bozizé] n’ont commis aucun crime. Ils sont les seuls qui sont venus pour nous libérer de nos souffrances », a-t-elle ajouté.
Redoutant que les agressions ne se renouvellent, le témoin et sa famille se sont enfuis vers le PK 22, une autre banlieue de Bangui, pour découvrir finalement que des combats avaient lieu dans cette banlieue entre les troupes du MLC et les rebelles de M. Bozizé. Ils ont été contraints de revenir au PK 12.
Le témoin a également déclaré que les soldats du MLC « avaient tout pris dans sa maison ». Selon elle, « Ils ont emmené les lits, les matelas en mousse, les ustensiles de cuisine et même les meubles. Ils n’ont rien laissé ».
Le ‘‘témoin 80’’ a déclaré que bien que sa famille soit riche et respectée avant les agressions, depuis que ces dernières ont eu lieu les voisins ont ridiculisés les membres de sa famille. « Nous mangeons bien, nous vivons bien mais depuis ces évènements, tout le monde se moque de nous », a-t-elle indiqué.
Interrogée par M. Bifwoli sur la manière dont les viols avaient affecté ses filles, le témoin a répondu, « À l’heure où je vous parle, quel type d’homme voudra aborder une de mes filles ? Les hommes ont peur de mes filles, maintenant qu’elles ont été agressées ».
Le ‘‘témoin 80’’ poursuivra son témoignage demain matin.