Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Cette semaine, deux témoins à charge ont été entendus au procès pour crimes de guerre du chef de l’opposition congolais Jean-Pierre Bemba. Ils portent à 12 le nombre de témoins ayant déposés jusqu’à présent lors du procès qui a débuté en novembre dernier devant la Cour pénale internationale (CPI).

Le ‘‘témoin 73’’, qui a apporté l’essentiel de son témoignage la semaine dernière, a terminé de déposer lundi. Comme la semaine dernière, le témoin a renié des parties des déclarations qu’il avait faites aux enquêteurs de la CPI et a soutenu qu’une personne, qui s’était identifiée comme appartenant au personnel du bureau des réparations de la CPI, lui avait conseillé de faire de fausses revendications dans sa demande de participation au procès en tant que victime.

Le reste de la semaine a été consacré à une victime de viol qui a décrit comment des soldats de M. Bemba l’avaient agressé ainsi que sa fille. Le ‘‘témoin 79’’ a également déclaré qu’un assistant de l’ancien président de la République centrafricaine (RCA), Ange-Félix Patassé, avait mené une attaque sur un marché au bétail dans laquelle son mari avait été tué.

Toutefois, alors qu’elle a identifié le colonel Abdoulaye Miskine comme la personne ayant commandé les meurtres dans le marché au bétail d’un lieu dénommé PK 13, elle a indiqué que des soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de M Bemba figuraient parmi les tueurs. Jusqu’à présent, aucun témoin n’avait mentionné en séance publique une opération commune des forces de M. Miskine et des troupes congolaises.

M. Miskine, connu également sous le nom de Martin Koumtamadji, serait un citoyen tchadien que M. Patassé avait chargé du commandement d’une unité spéciale n’appartenant pas à l’armée pour combattre une tentative de coup d’état menée par François Bozizé, chef d’état-major révoqué. En novembre dernier, le premier témoin à charge avait affirmé que pendant que les rebelles de M. Bozizé avaient attaqué Bangui, M. Miskine avait mené une expédition punitive sur le marché au bétail. L’attaque avait eu lieu le 30 et 31 octobre 2002.

Selon le ‘‘témoin 79’’, qui bénéficiait d’une déformation numérique de la voix et du visage, un habitant du quartier l’avait informé de l’attaque sur le marché. La personne lui aurait déclaré, « Vous, les musulmans, vous êtes là mais Miskine et les Banyamulenge ont tué un grand nombre de musulmans et il a promis de revenir et de tuer plus de musulmans dans la [banlieue] PK 12 ».

Banyamulenge est un terme que les centrafricains utilisent pour désigner les soldats de M. Bemba qui étaient présents à Bangui pour aider M. Patassé à combattre une rébellion armée qui s’est déroulée en 2002 et 2003.

Lorsque l’avocat de la défense Aimé Kilolo-Musamba a demandé au témoin qui commandait l’attaque sur le marché au bétail, elle a répondu. « Je ne peux pas vous dire qui commandait et qui étaient les seconds. Je sais juste que c’était M. Miskine et les Banyamulenge ».

Interrogée pour savoir pourquoi elle appelait les hommes qui étaient avec M. Miskine au PK 13 des Banyamulenge, le témoin a répondu, « Miskine est venu avec eux … et c’est avec eux qu’il a commis ces actes de violence ». Elle a raconté que les hommes qui avaient commis des atrocités dans son quartier parlaient lingala, une langue congolaise.

Les avocats de M. Bemba avaient auparavant affirmé qu’il y avait de nombreuses milices à Bangui à l’époque où le MLC était présent et que n’importe quel groupe pouvait avoir commis les pillages, viols et meurtres systématiques pour lesquels l’ancien vice-président congolais est jugé devant la CPI. La défense a interrogé à plusieurs reprises le témoin sur le massacre du marché au bétail auquel, selon la défense, le MLC n’avait jamais participé.

Le ‘‘témoin 79’’a indiqué aux juges que deux commandants du MLC avaient déclaré désapprouver les atrocités que les soldats commettaient sur les civils. Elle a raconté qu’elle-même ainsi que certains de ses voisins avaient rencontré les commandants pout protester come les mauvais traitements qu’infligeaient les soldats aux civils centrafricains.

Lors du réinterrogatoire mené par l’avocat de l’accusation Horejah Bala-Gaye, le témoin a expliqué que la réunion avait eu lieu dans la maison d’un chef local de la banlieue PK 12. Elle a indiqué que les commandants leur avaient parlé en français.

« Ils ont dit : Si vous voyez ces personnes venir dans votre quartier et commettre des actes violents, sachez que certains ne sont pas des soldats professionnels. Ce sont des personnes à qui on a donné des habits militaires et des armes pour se rendre sur le front. Aussi, si vous voyez qu’ils violent des femmes et qu’ils commettent des actes de violence, sachez que ce sont des personnes qui veulent voler et qu’il ne s’agit pas de soldats professionnels ».

Le témoin n’a pas dit en séance publique qui avait donné des armes à ces soldats non entraînés. De même, elle n’a pas indiqué les noms des commandants ou s’ils avaient promis de prendre des mesures contre les soldats qui avaient attaqué les civils.

Elle a, toutefois, décrit l’attaque menée contre elle-même et sa famille. Elle a été, avec sa fille de 11 ans, violée par des soldats du MLC deux jours après le meurtre de son mari. « La personne qui a tué mon mari était M. Miskine ainsi que les Banyamulenge [soldats du MLC] qui l’accompagnaient ». Elle a affirmé que, outre son époux, de nombreuses personnes avaient été tuées dans le marché au bétail.

Elle a indiqué que deux jours après que son mari ait été tué, des soldats armés du MLC avaient fait irruption dans sa maison en pleine nuit. « Ils étaient cinq. Ils m’ont tiré du lit et m’ont jeté par terre puis m’ont déshabillée. L’un d’entre eux a couché avec moi, un autre soldat pointant son arme sur ma tempe », a déclaré le témoin.

Elle a ajouté, « le premier, après avoir couché avec moi, s’est levé et le deuxième homme a pris sa place. Deux autres soldats sont entrés dans la chambre à coucher où dormait une de mes filles. Elle avait 11 ans et a été violée ».

Le témoin a indiqué que, après que les soldats l’aient agressée ainsi que sa fille, ils s’étaient sauvés avec leurs biens, dont un réfrigérateur, un poste de télévision, des chaussures, des vêtements et des valises. Le témoin a déclaré que deux jours après qu’elle ait été violée, elle avait appris que sa mère et sa sœur aînée avaient également été violées par les troupes de M. Bemba. Elle a indiqué que, à la suite de cette agression, le comportement de sa mère était devenu ‘‘chaotique’’ et que cette dernière s’était enfuie vers le Tchad voisin.

Le ‘‘témoin 79’’ a déclaré n’avoir reçu aucun soutien de sa communauté après l’agression. Elle a expliqué que, parce qu’elle avait peur qu’elle ne soit stigmatisée, elle n’avait dit à personne ce qui était arrivé à sa fille.

« Je n’ai parlé à personne », a précisé le témoin. « Dans une [communauté] musulmane, de telles informations, à savoir qu’une fille mineure soit déflorée, vont à l’encontre de nos mœurs. Si je disais aux gens ce qui s’est passé, alors cette fille aurait beaucoup de difficultés à trouver un mari. C’est pourquoi j’ai préféré garder le viol secret ».


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