Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

L’essentiel des témoignages entendus cette semaine lors du procès Bemba était constitué par la déposition d’une victime de viol centrafricaine, qui a déclaré avoir appris qu’elle était séropositive après son agression.

Le ‘‘témoin 29’’ a apporté l’essentiel de son témoignage à huis clos. Les juges ont autorisé deux représentants légaux de victimes participant au procès à l’interroger et ils se sont principalement intéressés à l’identité des violeurs.

Outre le fait de témoigner sur son viol et sur celui d’autres personnes de son quartier dont les auteurs étaient des soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de M. Bemba, le ‘‘témoin 29’’ a relaté les pillages que ces soldats avaient commis. Elle a également raconté que des civils centrafricains participaient aux pillages et que les soldats du pays qui avaient confisqué les biens volés au MLC ne les avaient pas rendus à leurs propriétaires.

Le ‘‘témoin 119’’, le seul témoin à se présenter à la barre cette semaine, a décrit le viol collectif de deux jeunes filles par un groupe de soldats appartenant au groupe de M. Bemba. Elle a commencé à témoigner aujourd’hui et poursuivra sa déposition la semaine prochaine.

Sur recommandation de l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (VWU) de la Cour, un psychologue était présent dans le tribunal afin de surveiller les témoins se présentant à la barre cette semaine. De plus, un fonctionnaire du VWU était assis à côté de chaque témoin lors de leur témoignage pour leur proposer toute l’assistance dont ils pouvaient avoir besoin. Le juge président Sylvia Steiner a déclaré que ces mesures avaient été adoptées après qu’une évaluation psychologique du témoin ait démontré sa grande vulnérabilité.

L’accusation a présenté jusqu’à présent 14 des 40 témoins qu’elle a déclaré avoir l’intention d’appeler à comparaître lors du troisième procès mené par la Cour pénale internationale (CPI). Selon l’accusation, les soldats du MLC avaient infecté des femmes centrafricaines avec le sida lorsqu’ils auraient perpétré leurs viols, meurtres et pillages généralisés dans le pays en 2002 et 2003. M .Bemba est jugé pour manquement à contrôler ses soldats qui ont commis des saccages et qui étaient présents dans le pays afin d’aider le président de l’époque Ange-Félix Patassé à combattre une tentative de coup d’état.

Lundi, lorsqu’il s’est présenté pour la première fois, le ‘‘témoin 29’’ a déclaré que, huit mois environ après avoir été violé par trois membres de la milice de M. Bemba, elle s’était rendu chez un médecin car elle se sentait mal.

« Il m’a indiqué que les résultats du test étaient positifs. Je lui ai dit, ‘‘D’accord, docteur, c’est tout ce que je voulais savoir’’. Je ne lui ai pas dit que j’avais été violée par plusieurs personnes. Je lui ai fait comprendre que je l’avais attrapé par une relation sexuelle ordinaire », a déclaré le témoin.

L’avocat de l’accusation Bärbel Carl a demandé au témoin si elle s’attendait à avoir un résultat positif au test du dépistage du VIH.

Le témoin a répondu, « Lorsque vous êtes violé par trois hommes que vous n’avez jamais rencontré auparavant, des hommes qui ne valent pas grand-chose et qui n’utilisent pas de protection, pas de préservatifs, comment puis-je identifier celui qui m’a infectée ? C’est peut-être le premier, le deuxième ou le troisième. Je ne sais pas…C’est un triste accident et pour le test que j’ai passé, j’étais préparée aux résultats aussi je l’ai pris stoïquement ».

Le ‘‘témoin 29’’ a également expliqué qu’elle était restée forte après avoir appris qu’elle était séropositive car, avant le viol, elle avait aidé à sensibiliser les jeunes sur le VIH/sida dans l’église locale.

Le témoin, qui bénéficiait de mesures de protection, notamment d’une déformation numérique de la voix et du visage, a indiqué que des soldats du MLC l’avaient violé le 5 mars 2003. Ils l’avaient découvert dans sa maison située à Mongoumba, près de Bangui, la capitale de la République centrafricaine (RCA).

Le ‘‘témoin 29’’ est le deuxième témoin du procès Bemba à déclarer en séance publique être séropositif après avoir été violé par des soldats du MLC. Le 17 janvier 2011, le ‘‘témoin 68’’ avait indiqué avoir découvert sa séropositivité après son viol perpétré par des soldats congolais. Elle avait ajouté que, toutefois, elle ne savait pas si les deux hommes qui l’avaient violée en octobre 2002 étaient les personnes qui l’avaient infectée avec le virus.

Après le viol, le ‘‘témoin 29’’ avait fui sa maison pour rejoindre des membres de sa famille qui s’étaient réfugiés dans la brousse.

Lors de son contre-interrogatoire, l’avocat de la défense Nkwebe Liriss lui a demandé pourquoi elle n’avait pas été voir un médecin après être rentrée chez elle.

Le témoin a répondu, « Après tout ce que j’avais subi, je n’avais pas le courage de le raconter aux médecins de Mongoumba car c’était honteux et humiliant de dire à quelqu’un ce qui m’était arrivé ».

M. Nkwebe a ensuite demandé, « Serait-il exact de dire que vous ne possédez aucun document médical de l’époque qui pourrait attester de la réalité de la violence sexuelle que vous avez subi ? ».

« Au moment des évènements, je n’ai pas eu la possibilité de voir un médecin car j’avais honte de me confier à un docteur et plus particulièrement de lui dire que j’avais été victime d’un viol », a répondu le ‘‘témoin 29’’.

Elle a également indiqué qu’elle n’avait pas communiqué les résultats du test du dépistage du sida à sa famille. « Je ne voulais pas leur révéler mon secret. Il est honteux, il est vraiment honteux », a-t-elle déclaré.

La majeure partie des témoins qui se sont présentés jusqu’à présent à la barre au procès Bemba sont des victimes de viol. Certaines d’entre elles ont raconté qu’elles avaient, ainsi que des membres de leurs familles, subis de multiples viols de la part de soldats du MLC.

En décembre dernier, les juges ont décidé que lors de l’interrogatoire de témoins vulnérables, toutes les parties devaient s’assurer de guider les témoins lors de leur témoignage en utilisant des questions courtes, ouvertes posées sur un ton non conflictuel et qui ne fasse pas pression sur le témoin. Les juges ont également rappelé aux parties que lorsqu’un témoin est interrogé sur des violences sexuelles, elles doivent formuler les questions en utilisant un langage approprié afin d’éviter une gêne et des questions inutilement indiscrètes.

Les juges ont de plus indiqué que, conformément aux règles 70 et 71 du Règlement de procédure et de preuve, ils devront empêcher toute tentative des parties de poser des questions visant à : (1) Inférer le consentement de la victime pour la violence sexuelle subie en raison de ses paroles ou de sa conduite, de son silence ou de son manque de résistance ; (2) Interroger sur la crédibilité, l’honorabilité ou la prédisposition sexuelle du témoin en raison du comportement sexuel antérieur ou postérieur du témoin ; et (3) Démontrer le comportement sexuel antérieur et postérieur du témoin.

Mardi, Assingambi Zarambaud, un représentant légal des victimes participant au procès, a demandé au ‘‘témoin 29’’ si les uniformes des soldats qui l’avaient agressé comportaient un insigne ou un symbole.

Elle a répondu, « Si ces personnes avaient été de véritables soldats de la RCA, ils auraient peut-être porté des uniformes militaires avec des rayures, des bérets et des insignes. Ils n’avaient que les uniformes militaires et ne portaient pas de chaussures militaires ».

Dans son témoignage d’aujourd’hui, le ‘‘témoin 29’’ a indiqué que les soldats qui l’avaient violé parlaient lingala, une langue congolaise. Elle a précisé qu’ils portaient des uniformes militaires ressemblant à ceux de l’armée centrafricaine.

Entretemps, le ‘‘témoin 119’’ a déclaré que l’après-midi où les troupes du MLC étaient arrivées dans son quartier, elle avait entendu une femme crier. « Ils la traînaient, elle hurlait. Je ne sais pas quelles étaient leurs intentions. Allaient-ils la tuer ? Coucher avec elle ? Je ne sais pas ». La femme étaient portée par six soldats congolais – trois la tenaient par la tête et trois par les pieds.

Tandis que les autres soldats du MLC surveillaient les alentours, le ‘‘témoin 119’’ s’était approché d‘un soldat qu’elle supposait être le chef car il possédait un talkie-walkie. Le témoin n’a pas donné en séance publique d’autres détails sur sa conversation avec ce chef supposé. Elle a toutefois déclaré qu’il avait ordonné la libération de la femme.

Lors d’un autre incident de la même journée, le témoin a déclaré que, alors qu’elle était assise au bord de la rivière, elle avait entendu des filles crier et appeler. Après des recherches, le témoin a indiqué avoir vu deux filles être violées par des soldats du MLC.

« Je les ai vu prendre les deux filles et ils ont mis la tête de l’une contre la tête de l’autre », a précisé le témoin. « Et après, j’ai vu une colonne de Banyamulenge [soldats du MLC] qui attendaient l’un derrière l’autre et deux d’entre eux étaient sur les filles en train de coucher avec elles ».

Le ‘‘témoin 119’’a indiqué qu’il y avait beaucoup de soldats du MLC sur la berge avec les deux filles, ‘attendant leur tour’. Le témoin a déclaré que les deux filles saignaient. Elle a ajouté que les filles se débattaient et hurlaient, « Ils m’ont tuée. Je suis morte ». Le témoin a poursuivi sa déposition sur cet évènement à huis clos.

Le ‘‘témoin 119’’ poursuivra son témoignage lundi 21 mars.


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