Aujourd’hui, l’accusation au procès pour crimes de guerre de l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba a appelé son dix-huitième témoin, un expert de la violence sexuelle en tant qu’arme de guerre. Le Dr André Tabo est spécialisé en psychiatrie pour adultes et dirige le service de psychiatrie du Centre national hospitalier universitaire de Bangui en République centrafricaine (RCA).
Le Dr Tabo, qui enseigne également la psychiatrie et la psychologie médicale à la Faculté des sciences de la santé, à l’Université de Bangui, a décrit aux juges son travail avec les victimes qui ont subi une violence sexuelle pendant le conflit armé de 2002-2003 qui s’est déroulé en RCA. Depuis 2006, le Dr Tabo travaille en tant qu’expert psychiatrique auprès des tribunaux centrafricains.
Après la fin du conflit en mars 2003, M. Tabo a intégré une équipe pluridisciplinaire comprenant des médecins, des psychologues, des avocats et des travailleurs sociaux qui a établi une liste des victimes de violence sexuelle à Bangui, la capitale de la RCA. Hormis la tâche d’identifier les problèmes médicaux découlant de la violence sexuelle, l’équipe avait été chargée d’apporter des soins médicaux et un soutien psychologique aux victimes dans le cadre d’un projet financé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD)
À la suite de cette mission, le Dr Tabo a travaillé en tant que consultant bénévole auprès de l’Organisation pour la compassion et le développement des familles en détresse (OCODEFAD), apportant une aide sociale à ses membres victimes de violence sexuelle. À l’époque, le service de psychologie de l’hôpital universitaire, que le Dr Tabo avait dirigé, était le seul service de ce type dans le pays. L’OCODEFAD, une organisation non gouvernementale (ONG) qui a été créée par Bernadette Sayo, un ministre de l’actuel gouvernement centrafricain, a aidé des victimes de viol à déposer des demandes de participation au procès de M. Bemba.
En mai 2006, dans le cadre d’un programme distinct dirigé par le Fonds des Nations unies pour la population, le Dr Tabo a procédé à une évaluation de la situation sociale et médicale de 192 victimes de violence sexuelle dans huit localités situées dans les environs de Bangui.
« J’étais chargé de renforcer les capacités du personnel médical travaillant dans les huit localités en question. Je devais leur assurer une formation afin qu’ils puissent fournir les soins et les traitements adéquats aux victimes de violence sexuelle. Il s’agissait de soins médicaux mais également de soutien psycho-social », a précisé le témoin.
Le Dr Tabo, qui a été également désigné par le nom de ‘‘témoin 229’’, a déclaré à la Cour que « plusieurs victimes à Bangui » avaient appris qu’elles pouvaient faire appel à ses services et « puisqu’il était le seul du pays », son service de psychologie continuait à leur proposer un traitement médical et un soutien psychologique.
Cependant, étant donné une stigmatisation et un ostracisme ambiants, le nombre de victimes recherchant un suivi avait diminué.
« Je crois qu’un peu plus de 300 personnes ont commencé ce traitement et qu’il n’en reste que 150 environ », a indiqué le témoin.
Le Dr Tabo est le troisième témoin expert à déposer devant le tribunal présidé par le juge Sylvia Steiner à la Cour pénale internationale (CPI) située à La Haye. Le premier témoin expert, le Dr Adeyinka M. Akinsulure-Smith, une psychologue-conseil, s’est présentée à la barre lors de la première semaine du procès, en novembre dernier. Elle a témoigné sur le trouble de stress post-traumatique dont souffrent les victimes de viol centrafricaines. Le mois dernier, William Samarin, un professeur en linguistique et en anthropologie, spécialisé en sango, une langue parlée en RCA, a déposé en tant que deuxième témoin expert.
M. Bemba est jugé devant la CPI pour manquement à arrêter et à punir ses soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) lorsqu’ils violaient, tuaient ou pillaient lors du conflit.
Entretemps, plus tôt dans la journée, Firmin Feindiro, le procureur de la République centrafricain, a terminé sa déposition. Dans son long témoignage de cette semaine, M. Feindiro a parlé à la Cour de l’enquête sur les crimes commis pendant le conflit 2002-2003 qu’il avait conduite. L’enquête concernait également les actes de violence qu’auraient commis le groupe armé de M. Bemba.
Le docteur Tabo poursuivra son témoignage demain matin.