Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Aujourd’hui, pour son second jour de témoignage, un expert du viol en tant qu’arme de guerre a décrit aux juges du procès Bemba les raisons pour lesquelles la violence sexuelle avait été utilisée pendant le conflit armé de 2002-2003 en République centrafricaine (RCA).

Le Dr André Tabo, un psychiatre centrafricain qui a traité et évalué un grand nombre de femmes violées pendant ce conflit, a défini la ‘‘violence sexuelle en tant qu’arme de guerre’’ comme étant un viol commis avec l’utilisation d’armes pour obliger une personne à avoir des rapports sexuels. Il a ajouté que, d’une manière générale, les victimes d’une violence sexuelle de ce type étaient des personnes vulnérables et sans défense, principalement des femmes et des jeunes filles.

Le Dr Tabo a rédigé un rapport pour la Cour qui décrit les difficultés de 512 victimes de viol vivant aux alentours de la capitale de la RCA, Bangui, en se basant sur le travail qu’il a effectué avec elles.

L’avocat de l’accusation Jean-Jacques Badibanga a demandé à l’expert quelles étaient les motivations des auteurs de cette violence sexuelle.

L’expert a répondu que, lors de ses études et de son travail avec les victimes, il avait établi quatre motivations :. Tout d’abord, « il y avait le fait que les victimes étaient considérées comme un butin de guerre », a-t-il indiqué, expliquant que ces dernières étaient des femmes et des jeunes files sans défense abandonnées par des hommes qui avaient fui le conflit. La majeure partie des victimes avec lesquelles il avait travaillé étaient âgée de moins de 30 ans, un âge auquel les femmes étaient non seulement vulnérables mais également ‘‘séduisantes’’.

Deuxièmement, les femmes qui avaient été agressées devaient être ‘’punies’’ car elles étaient soupçonnées de soutenir les troupes ennemies. Parmi les 512 victimes examinées dans le rapport du médecin, 42 pour cent d’entre elles avaient été violées devant des membres de leur famille. Le Dr Tabo a déclaré que la commission d’une violence sexuelle en présence d’autres personnes était liée à une motivation de ‘‘punition’’, particulièrement si ce membre de la famille est le mari. « Violer une femme devant un membre de sa famille signifie que l’on veut la punir et humilier ce membre de la famille », a-t-il indiqué.

Bien que son travail et ses études n’aient pas inclus de victimes de viol de sexe masculin, le Dr Tabo a souligné que le phénomène était le même. « Violer un homme en période de conflit est destiné à l’humilier. Le besoin d’humilier l’emporte sur toutes les autres considérations », a-t-il précisé. « Mais il y a également la notion de punition ».

La troisième motivation était que puisque les personnes étaient proches des troupes ennemies, celles qui étaient attaquées avaient été agressées dans le but de « déstabiliser les troupes ennemies ». Selon l’expert, les quartiers de Bangui, dont les habitants avaient subi la plupart des viols, étaient situés dans la partie nord qui était considérée comme le bastion des rebelles menés par François Bozizé. Á ce titre, les viols étaient jugés comme une victoire sur l’opposition, aux dires du Dr Tabo.

Les rebelles tentaient à l’époque de renverser le président Ange-Félix Patassé qui avait demandé aux troupes de M. Bemba de l’aider à combattre une rébellion. Les procureurs de la Cour pénale internationale (CPI) affirment que les membres de l’armée personnelle de M. Bemba, le Mouvement pour la libération du Congo, utilisaient le viol de femmes ou d’hommes comme une arme de guerre lorsqu’ils avaient combattu aux côtés des forces loyalistes de M. Patassé. Les procureurs soutiennent également que, lors de ces attaques, les soldats congolais avaient infecté les femmes centrafricaines avec le VIH.

D’après le rapport du Dr Tabo, 0,6 pour cent des victimes de viol qu’il avait traité étaient âgées de moins de 10 ans alors que 27 pour cent étaient âgées de plus de 40 ans.

Le professeur a imputé la quatrième motivation des viols au besoin de ‘’relations sexuelles’’ et simplement au fait que les « soldats étaient hors de contrôle et en mesure de faire ce qu’ils voulaient ».

Le Dr Tabo, également dans son rapport, a mentionné les conséquences de la violence sexuelle. Parmi les victimes, 81 personnes avaient découvert qu’elles étaient séropositives. Il s’était toutefois avéré que la plupart d’entre elles avaient le virus avant le viol. Il a affirmé que dix des victimes avaient été infectées lors du viol.

De plus, quatre femmes avaient eu des grossesses non désirées à la suite du viol. « Une des femmes avait accepté l’enfant comme étant le sien et l’avait assumé. Une autre ne voulait rien savoir de l’enfant auquel elle avait donné naissance. La troisième avait avorté en cachette, ce qui signifie qu’il y a eu des conséquences médicales. Nous n’avons plus de nouvelles de la quatrième », a indiqué le témoin.

Bien que M. Bemba n’ait pas été présent en RCA, les procureurs soutiennent qu’il est pénalement responsable des viols, meurtres et pillages perpétrés par ses troupes. Cela tient à ce qu’il n’aurait ni puni ni empêché les soldats de commettre ces crimes, même en ayant censément connaissance du fait qu’ils avaient été commis.

La défense commencera le contre-interrogatoire du Dr Tabo demain après-midi.


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