Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Cette semaine, un témoin expert appelé par l’accusation a expliqué que les soldats appartenant au groupe rebelle du chef de l’opposition congolais Jean-Pierre Bemba utilisaient le viol comme une arme de guerre en République centrafricaine (RCA) pendant les années 2002 et 2003. Il a indiqué que certaines des femmes agressées avaient été infectées par le VIH.

Le Dr André Tabo, un psychiatre centrafricain qui a traité et évalué un grand nombre de femmes violées pendant ce conflit, a indiqué que les soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) avaient violé les femmes centrafricaines pour les ‘‘punir’’ d’avoir soutenu les rebelles qui avaient tenté de renverser le président de l’époque Ange-Félix Patassé. Les femmes avaient été en mesure d’identifier la nationalité de leurs agresseurs car les soldats parlaient une langue qu’elles avaient reconnu être une langue congolaise.

Cet expert enseigne la psychiatrie et la psychologie médicale à la Faculté des sciences de la santé, à l’Université de Bangui, et a rédigé un rapport pour la Cour décrivant le sort de 512 victimes de viol.

Après la fin du conflit en mars 2003, le Dr Tabo avait intégré une équipe pluridisciplinaire comprenant des médecins, des psychologues, des avocats et des travailleurs sociaux qui avait établi une liste des victimes de violence sexuelle à Bangui, la capitale de la RCA. Hormis la tâche d’identifier les problèmes médicaux découlant de la violence sexuelle, l’équipe avait été chargée d’apporter des soins médicaux et un soutien psychologique aux victimes dans le cadre d’un projet financé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

À la suite de cette mission, le Dr Tabo avait travaillé en tant que consultant bénévole auprès de l’Organisation pour la compassion et le développement des familles en détresse (OCODEFAD), apportant une aide sociale à ses membres victimes de violence sexuelle.

L’avocat de l’accusation Jean-Jacques Badibanga a demandé à l’expert quelles étaient les motivations des auteurs de cette violence sexuelle.

Tout d’abord, a répondu l’expert, « il y avait le fait que les victimes étaient considérées comme un butin de guerre », expliquant que ces dernières étaient des femmes et des jeunes files sans défense abandonnées par des hommes qui avaient fui le conflit. La majeure partie des victimes avec lesquelles il avait travaillé étaient âgée de moins de 30 ans, un âge auquel les femmes étaient non seulement vulnérables mais également ‘‘séduisantes’’.

Deuxièmement, les femmes qui avaient été agressées devaient être ‘’punies’’ car elles étaient soupçonnées de soutenir les troupes ennemies. Parmi les 512 victimes examinées dans le rapport du médecin, 42 pour cent d’entre elles avaient été violées devant des membres de leur famille. Le Dr Tabo a déclaré que la commission d’une violence sexuelle en présence d’autres personnes était liée à une motivation de ‘‘punition’’, particulièrement si ce membre de la famille est le mari. « Violer une femme devant un membre de sa famille signifie que l’on veut la punir et humilier ce membre de la famille », a-t-il indiqué.

En outre, puisque les personnes étaient proches des troupes ennemies, celles qui étaient attaquées avaient été agressées dans le but de « déstabiliser les troupes ennemies ». Selon l’expert, les quartiers de Bangui, dont les habitants avaient subi la plupart des viols, étaient situés dans la partie nord qui était considérée comme le bastion des rebelles menés par François Bozizé.

Les rebelles tentaient à l’époque de renverser M. Patassé qui avait demandé aux troupes de M. Bemba de l’aider à combattre la rébellion. Les procureurs de la Cour pénale internationale (CPI) affirment que les membres de la milice de M. Bemba avaient utilisé le viol, à la fois de femmes et d’hommes, comme arme de guerre alors qu’ils combattaient aux côtés des forces loyalistes de M. Patassé. Les procureurs soutiennent également que, lors de ces attaques, les soldats congolais avaient infecté les femmes centrafricaines avec le VIH.

Le rapport du Dr Tabo a également mentionné les conséquences de la violence sexuelle. Parmi les victimes, 81 personnes avaient découvert qu’elles étaient séropositives. Il s’était toutefois avéré que la plupart d’entre elles avaient le virus avant le viol. Il a affirmé que dix des victimes avaient été infectées lors du viol.

La nationalité des agresseurs et le taux d’infection par le VIH des victimes étudiées ont été au centre de l’interrogatoire de la défense. Selon le témoin, les victimes avaient déclaré que les agresseurs étaient des combattants du MLC.

« Comment les victimes ont-elles compris que leurs agresseurs les avaient violées pour les punir d’avoir collaboré avec l’ennemi ? », a demandé l’avocat de la défense Peter Haynes.

Le Dr Tabo a répondu que puisque la RCA bordait la République démocratique du Congo (RDC), « certaines langues de la RDC sont comprises par les habitants de la RCA et inversement ».

Il a ajouté que plusieurs victimes de viol lui avaient indiqué que, après que les soldats aient pénétré dans leurs maisons, ils les avaient interrogées pour savoir où se cachaient les rebelles et avaient déclaré qu’ils puniraient les femmes si on ne leur dévoilait pas où se trouvaient les insurgés. Il a indiqué que les soldats avaient ensuite violé les femmes pour les punir de soutenir les rebelles.

L’expert a expliqué que la majorité des victimes avaient indiqué que de telles paroles avaient été prononcées avant qu’elles ne soient violées. Selon lui, le viol a été utilisé pendant le conflit armé en RCA comme une arme de guerre. Il a ajouté que les soldats qui subissaient la pression des combats et qui étaient hors de contrôle, utilisaient souvent le sexe comme exutoire. Le Dr Tabo a également indiqué que les soldats préféraient des « femmes jeunes et séduisantes », ce qui explique pourquoi il y avait une probabilité quatre fois plus forte pour les femmes de moins de 30 ans de se faire violer que pour celles de plus de 30 ans.

Interrogé par l’avocat de la défense pour savoir comment il avait déterminé que dix des 512 victimes qu’il avait examinées avaient été infectées par le VIH lors de leur viol, le témoin a répondu que cette information avait été recueillie par une autre équipe mise en place par le gouvernement centrafricain et financée par les Nations Unies.

M. Haynes a alors tenté de remettre en cause la crédibilité de l’équipe qui avait recueilli ces données, soulignant que ce n’était pas les Nations Unies mais le ministère des affaires sociales de la RCA qui avait effectué la collecte des données. Il a, de plus, mis en doute les conclusions du Dr Tabo. Comment, par exemple, pouvait-il affirmer que seules quatre femmes étaient tombées enceintes à la suite de leur viol parmi plus de 500 femmes, alors que certaines avaient été violées plusieurs fois et parfois par deux hommes ou plus ?

Le témoin expert a répondu qu’il y avait probablement des cas de grossesses non désirées qui n’avaient pas été signalés. « Le chiffre présent est sous-estimé. Beaucoup de victimes n’ont pas été en mesure de venir s’exprimer », a expliqué le Dr Tabo.

Dans un effort manifeste de tenter de rejeter les allégations de l’accusation selon lesquelles les soldats congolais avaient infecté les femmes centrafricaines avec le VIH, M. Haynes a présenté comme preuve un rapport du gouvernement de la RCA affirmant que le taux de prévalence du VIH dans ce pays se situait aux environs de 15 pour cent en 2002. Il a également présenté un rapport du Programme des Nations unies sur le sida (ONUSIDA) et a indiqué qu’il fixait le taux de prévalence en RDC à l’époque à 1,5 pour cent au maximum.

Interrogé par Marie-Edith Douzima-Lawson, un représentant légal des victimes participant au procès, afin d’expliquer comment il avait établi que de nombreuses femmes mariées avaient été violées pendant le conflit, le Dr Tabo a indiqué que les victimes avaient rempli des questionnaires dans lesquels elles précisaient leur statut marital à l’époque des agressions.

Entretemps, en début de semaine, Firmin Feindiro, le procureur de la République centrafricain, a conclu sa déposition. Dans son long témoignage de cette semaine, M. Feindiro a parlé à la Cour de l’enquête sur les crimes commis pendant le conflit 2002-2003 qu’il avait conduite. L’enquête concernait également les actes de violence que le groupe armé de M. Bemba aurait commis et avait conclu que M. Patassé commandait toutes les troupes gouvernementales centrafricaines ainsi que leurs alliés dans le pays, dont le MLC.

Le Dr Tabo a terminé sa déposition jeudi. Les audiences reprendront le 3 mai 2011 puisque la Cour entame ses vacances judiciaires la semaine prochaine.

2 Commentaires
  1. pour qui vous roule.

  2. Ou Dr Tabo se sent obligé de mentir, ou c’est un pauvre type qui a vendu son âme au diable. Si le viol est une arme de guerre, il devait être pratiqué de façon systématique càd sur toutes les femmes disponibles dans la zone de combat et cela doit concerner toutes les forces(mlc) y affectées. Etait ce le cas?


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