Un juge centrafricain a déclaré aujourd’hui que lors de son instruction il n’avait pas réussi à trouver de preuves suffisantes impliquant l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba dans les crimes qui auraient été commis par ses troupes en 2002 et 2003. Le juge a déclaré que pour cette raison ainsi que pour ne pas éveiller l’hostilité de la République démocratique du Congo (RDC) voisine, il avait ordonné le rejet des charges que le procureur général du pays cherchait à retenir contre M. Bemba.
L’avocat de la défense Aimé Kilolo-Musamba a demandé à Pamphile Oradimo, le doyen des juges du Tribunal régional de Bangui, quel était le fondement juridique de sa décision de rejeter les charges.
« Le fait qu’il soit le vice-président de la RDC constituait le fondement juridique, je n’étais donc pas en mesure de l’interroger et je n’avais pas de preuves suffisantes pour pouvoir déterminer s’il était ou non responsable », a répondu M. Oradimo.
Cependant, bien que le juge centrafricain ait ordonné le rejet des charges retenues contre M. Bemba, il avait confirmé les charges à l’encontre de plusieurs autres personnes. Ces dernières comprenaient Ange-Félix Patassé qui, en tant que président de la République centrafricaine (RCA), avait invité les forces de M. Bemba à l’aider à combattre une tentative de coup d’état, ainsi que le général Ferdinand Bombayake, qui avait dirigé la garde présidentielle de M. Patassé.
Se présentant aujourd’hui à la barre, l’avocat de la défense a lu des extraits d’un appel que le procureur centrafricain a déposé contre la décision de M. Oradimo de rejeter les procédures contre M. Bemba. Le document mentionnait le manque de preuves suffisantes, le fait que l’engagement de M. Bemba ne pouvait être assimilé à une activité criminelle ainsi que la loi d’amnistie de la RCA. Il a demandé au témoin s’il s’agissait vraiment des raisons pour lesquelles il avait émis la décision de rejet.
M. Oradimo a répondu, « Le travail que nous avons effectué ne concernait pas uniquement les accusations qui pesaient contre M. Bemba. Si vous parcourez le [rapport] d’enquête, vous constaterez qu’il y a très peu de personnes qui parlent des actions de M. Bemba dans le pays. La réponse que nous avons obtenue est que les gens ne les connaissaient pas ».
Le témoin a poursuivi, « Nous avons également entendu dire que le contact entre M. Bemba et M. Patassé avait été discret afin que les gens ne sachent pas ce qu’il avait fait ou [qu’il soit] accusé de le faire en RCA. Par conséquent, on trouve dans le dossier très peu d’éléments qui puissent être retenus contre M. Bemba.
M. Bemba est accusé de manquement à contenir ses troupes du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) que les procureurs de la Cour pénale internationale accusent d’avoir mené en masse des viols, des meurtres et des pillages en RCA. Bien que M. Bemba n’ait pas été présent en RCA au moment où ses troupes auraient commis des actes de violence sur les civils, les procureurs affirment qu’il avait connaissance de leur comportement répréhensible mais qu’il n’avait pas tenté de les arrêter ou de les punir.
Dans son rapport pour la CPI, le procureur général de la RCA, Firmin Feindiro, a déclaré que M. Patassé, et non M. Bemba, qui portait la responsabilité de commandement sur les forces du MLC qui étaient en RCA à l’époque. « Lorsqu’une offensive ou une contre-offensive était organisée, c’était le président qui la supervisait … Cela a été confirmé par le général Bombayake qui a assuré que c’était M. Patassé qui décidait de tout et qu’il [Bombayake] ne faisait qu’appliquer les instructions reçues », est-il indiqué dans le rapport.
D’après l’enquête de M. Feindiro, l’unité de M. Bombayake était la seule des forces armées centrafricaines qui travaillait avec le MLC. Une partie du document apparemment rédigé par M. Feindiro, que l’avocat de la défense Kilolo-Musamba a lu aujourd’hui, affirme que puisque les troupes du MLC étaient sous le commandement de M. Bombayake, elles n’avaient pu tuer, violer ou piller sous son contrôle.