Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Cette semaine, deux témoins ont comparu au procès de Jean-Pierre Bemba qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI) et les récits des pillages qui auraient été commis les membres du groupe armé de M. Bemba ont dominé dans les témoignages.

Selon les témoins, les troupes du chef d’opposition congolais Jean-Pierre Bemba ont perpétré systématiquement des pillages dans un grand nombre de villes de la République centrafricaine (RCA) et ont ramené leur butin en République démocratique du Congo (RDC). D’après les témoignages, les biens volés appartenaient aussi bien à des personnes qu’au gouvernement.

Dans son témoignage de jeudi, le ‘‘témoin 209’’ a déclaré que seules les troupes appartenant au groupe dirigé par l’accusé étaient présentes dans la ville centrafricaine de Damara à l’époque où elle avait été pillée. Il a décrit les pillages à grande échelle qui, selon lui, auraient été perpétré par le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) entre décembre 2002 et février 2003. « Différents biens ont été pillés. Des vêtements, de la literie, ils ont également pris des motos et des générateurs électriques …Ils ont complètement vidé ma maison ».

Lors de son interrogatoire mené par l’avocat de l’accusation Massimo Scaliotti, le témoin a affirmé que les pillages du MLC avaient eu lieu dans les quartiers résidentiels de Damara.

Vendredi, le ‘‘témoin 209’’ a indiqué que les troupes du MLC avaient volé des biens appartenant au gouvernement centrafricain. « Lorsqu’ils sont entrés dans le centre de Damara pour occuper la ville, ils n’ont épargné aucun bâtiment, aucun bien personnel ou public », a déclaré le témoin.

Il a expliqué que, après que les soldats du MLC aient délogé les troupes rebelles du général François Bozizé de Damara le 7 décembre 2002, « les propriétés et autres biens du gouvernement ont été pillés systématiquement – matelas, véhicules appartenant au gouvernement, motos, rien n’a été épargné ».

Certains témoins précédents ont raconté comment les soldats centrafricains avaient pris part à une fusillade avec le MLC lorsque ce dernier avait cherché à transporter le butin de guerre en RDC. Le procès a entendu, qu’à un moment donné, l’armée locale avait réussi à confisquer les biens volés aux soldats de M. Bemba et, qu’en conséquence, les combattants congolais avaient mené de brutales attaques de représailles contre les civils centrafricains.

Les procureurs de la CPI accusent M. Bemba, 48 ans, de manquement à arrêter ou punir ses troupes alors qu’elles violaient, tuaient et pillaient. Il a été allégué dans l’exposé introductif de l’accusation en novembre dernier que les crimes commis n’étaient pas ‘‘mineurs’’, étaient ‘‘généralisés’’ et s’étaient produits dans toutes les zones où les troupes du MLC étaient déployées, notamment Damara.

M. Bemba a nié l’ensemble des cinq charges retenues à son encontre et a non seulement soutenu qu’il n’avait pas le contrôle effectif de ses troupes lorsqu’elles étaient présentes en RCA mais a également affirmé que n’importe lequel des groupes armés en activité dans le pays durant le conflit de 2002-2003 pouvaient avoir commis les crimes présumés.

Pendant ce conflit, le président de la RCA de l’époque Ange-Félix Patassé a fait face à un coup d’État militaire mené par le président Bozizé, ce qui l’a poussé à faire appel au MLC et aux troupes de la Communauté des États Sahélo-Sahariens (CEN-SAD) soutenue par la Libye pour l’aider à lutter contre cette insurrection.

M. Scaliotti a demandé au ‘‘témoin 209’’ si les troupes libyennes avaient apporté leur soutien au MLC ou si elles étaient présentes à Damara. Le témoin a indiqué que le MLC avait reçu un soutien logistique de la part des troupes libyennes alors que le groupe combattait pour prendre Damara. Il a également affirmé que pendant l’occupation de Damara par le MLC, il n’y avait pas d’autre groupe armé dans les alentours. « Les premiers soldats à occuper Damara appartenaient aux troupes du général Bozizé. Entre le 7 décembre 2002 et le mois de février 2003, il n’y avait pas d’autres troupes [hormis le MLC] », a-t-il déclaré.

Le ‘‘témoin 209’’ s’est vu accorder par les juges de la CPI des mesures de protection afin de protéger son identité et celles des victimes de violence sexuelle qu’il pourrait mentionner lors de son témoignage. Il a témoigné avec une déformation de la voix et du visage et a utilisé un pseudonyme. De plus, il a apporté une partie de sa déposition à huis clos. Plus tôt dans la semaine, le ‘‘témoin 63’’ qui témoignait depuis près de deux semaines, a terminé sa déposition. Il a déclaré à la Cour que les soldats de M. Bemba ne connaissaient pas la géographie de la RCA, lors des très brefs moments où il a témoigné en séance publique.

« Vous aviez l’impression que les Banyamulenge [les soldats de M. Bemba] ne connaissaient pas la géographie de votre pays ? », a demandé l’avocat de la défense Peter Haynes.

« C’est exact », a répondu le témoin. « La géographie est différente et la carte qu’ils possédaient était également différente ».

Le témoin, qui avait témoigné précédemment avoir suivi les troupes du MLC lorsqu’elles marchaient sur les villes centrafricaines, a affirmé aujourd’hui que c’est beaucoup plus tard que les soldats congolais avaient obtenu une carte dans une ville de province.

M. Haynes a ensuite demandé au ‘‘témoin 63’’ comment, sans carte, les combattants du MLC avaient réussi à progresser en RCA. Le témoin a déclaré que c’est parce que les soldats de M. Bemba utilisaient des informations reçues de la zone de combat, notamment d’enfants soldats.

La défense a toutefois présenté des extraits d’un entretien que le témoin avait donné aux enquêteurs de la CPI dans laquelle il indiquait que les soldats congolais ne se reposaient que sur des informations provenant de la zone de combat.

« Les deux se produisaient. Ces deux situations étaient vraies », a déclaré le ‘‘témoin 63’’. Le témoin a affirmé que grâce à l’interrogatoire de la défense, il a été en mesure de se souvenir de certains éléments qu’il avait oubliés lors de l’entretien.

Le ‘‘témoin 63’’a également estimé avoir suivi les soldats congolais pendant « deux mois, si ce n’est plus ».

Lundi, le ‘‘témoin 63’’a déclaré que les soldats de M. Bemba s’étaient rendus en RCA en 2001. Lors du contre-interrogatoire, M. Peter Haynes a demandé au ‘‘témoin 63’’ s’il avait rencontré ou parlé à certains soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) lors de leur première visite dans le pays en 2001.

Le témoin a répondu, « En 2001, nous avons entendu parler d’eux au port fluvial et du fait qu’ils étaient partis ». Le port auquel il faisait référence se trouve le long du fleuve qui sépare la RCA de la République démocratique du Congo.

Selon le témoin, lorsque les soldats de M. Bemba étaient retournés en RCA en 2002, il les avait suivis discrètement alors qu’ils poursuivaient les rebelles qui tentaient de renverser M. Patassé. Le témoin a déclaré la semaine dernière avoir ensuite vécu avec les soldats du MLC mais il n’a pas indiqué en séance publique dans quelles circonstances il avait été amené à vivre parmi eux.

Entretemps, le ‘‘témoin 209’’a déclaré aux juges que les troupes du MLC présentes en RCA comprenaient des anciens soldats de l’ex président congolais Mobutu Sese Seko ainsi que des combattants de rang inférieur insuffisamment formés qu’il a indiqué être ceux que l’on nommait les ‘‘Banyamulenge’’. M. Mobutu a dirigé le Congo entre 1965 et 1997.

Les témoins précédents ont utilisé le terme de ‘‘Banyamulenge’’ pour faire référence aux soldats du MLC qui étaient présents en RCA à l’époque du conflit de 2002-2003. Le ‘‘témoin 209’’a toutefois indiqué que le terme faisait référence aux soldats de rang inférieur qui « portaient des bottes en caoutchouc et des habits qui étaient beaucoup trop grands pour eux ».

Il a expliqué, « Les anciens soldats de Mobutu étaient habillés comme des soldats mais les Banyamulenge portaient toutes sortes de vêtements. Les anciens soldats de Mobutu avaient des rangers aux pieds mais les [Banyamulenge] portaient des bottes en caoutchouc et cela ne se produit pas dans une armée régulière ».

Le « témoin 209 » devrait poursuivre sa déposition lundi matin.


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