Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Le procès de Jean-Pierre Bemba a connu trois temps forts cette semaine. Tout d’abord, l’accusation a appelé son 23ème témoin. Ensuite, le témoin a affirmé que l’accusé de crimes de guerre téléphonait régulièrement à un de ses commandants, qui se trouvait en République centrafricaine (RCA) Enfin, la défense a semblé vouloir démonter le témoignage du témoin à charge précédent.

Au début de la semaine, la défense s’est axée sur les incohérences existant entre le témoignage oral donné par le ‘‘témoin 110’’de l’accusation et la déclaration écrite faite auparavant aux enquêteurs de la Cour pénale internationale (CPI). À la barre, elle a décrit la semaine dernière le meurtre d’une femme juste en dehors de son habitation qui aurait été commis par de soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de M. Bemba. Selon les déclarations que le témoin avait faites aux enquêteurs, la femme anonyme avait été abattue le premier jour où le MLC était arrivé dans son quartier, fin octobre 2002.

L’avocat de la défense Aimé Kilolo-Musamba a demandé au témoin de confirmer que le meurtre présumé avait été commis le 30 octobre 2002.

« Non », a répondu le témoin qui déposait avec des mesures de protection, notamment une déformation numérique de la voix et du visage. Elle a ajouté qu’il était possible qu’il y ait eu une erreur dans la déclaration qu’elle avait faite aux enquêteurs de la CPI.

« Pouvez-vous confirmer à la Chambre la date à laquelle le meurtre de la femme qui [a marché]… devant votre habitation s’est produit ? », a demandé M. Kilolo-Musamba.

Le témoin a répondu, « C’était le lendemain ».

Dans son témoignage de la semaine dernière, le ‘’témoin 110’’ avait décrit comment les hommes armés du MLC avaient pillé des biens dans sa maison et dans celle de son voisin. Elle a déclaré que les soldats du MLC étaient arrivés près de l’enclos de son voisin en octobre 2002 et y étaient restés jusqu’à la mi-février 2003. Elle a ajouté que tandis qu’un groupe de soldats volait des marchandises dans la maison de son voisin et les chargeait dans un véhicule militaire, les autres soldats pillaient sa propre maison et avaient pris « tout ce qu’ils pouvaient ».

Toutefois, selon la déclaration qu’elle avait faite aux enquêteurs en mars 2009, dont des parties ont été lues par l’avocat de la défense lors de l’audience d’aujourd’hui, le témoin a affirmé que, après avoir fui sa maison, elle retournait souvent dans sa maison afin de rassembler des effets ménagers.

« Combien de fois vous êtes-vous rendue dans votre maison ? », a demandé M. Kilolo-Musamba.

« Lorsque j’ai fui, je n’ai pas pris mes effets personnels avec moi, aussi nous avons tenté de revenir de temps en temps dans la maison pour rassembler des habits et d’autres petites choses de la maison », a répondu le témoin.

L’avocat de la défense a ensuite demandé au témoin pourquoi elle avait indiqué que les soldats avaient tout pris dans sa maison. Elle a répondu que, hormis les vêtements, il y avait « beaucoup d’autres biens de valeur dans la maison » que les pilleurs n’avaient pas pris.

Dans un autre extrait de la déclaration faite par le témoin aux enquêteurs du Bureau du Procureur (BdP) de la Cour, elle a indiqué que les soldats congolais de M. Bemba avaient occupé sa maison jusqu’au mois de février 2003 mais lors de son témoignage de la semaine dernière, elle a déclaré qu’ils avaient quitté sa maison le jour de leur arrivée, c’est-à-dire, à la fin du mois d’octobre 2002.

Mardi, le 23ème témoin à charge a commencé sa déposition. Il a décrit l’arrivée des troupes du MLC dans la ville de Begua en RCA en novembre 2002 et a indiqué qu’elles étaient restées trois mois. Le ‘‘témoin 112’’ a raconté avoir vu des troupes congolaises entrer dans la ville. « Certains portaient des pantalons militaires et des chemises ordinaires tandis que d’autres portaient des rangers ou étaient chaussés de baskets.

Dès leur arrivée, les soldats du MLC avaient commencé à tirailler sans discernement puis avaient commencé à casser les portes et à piller les maisons ». Le témoin a poursuivi, « Toutes les maisons des personnes qui avaient fui ont été pillées ».

Parmi les soldats qui étaient entrés dans la ville, il y avait un commandant dénommé ‘‘Major (commandant)’’. Le témoin a été en mesure de distinguer le commandant car il portait un pistolet et possédait deux téléphones portables.

M. Bemba, le chef du MLC, est jugé devant la Cour pénale internationale (CPI) situé à La Haye pour manquement présumé à contrôler ses troupes qui ont violé, tué et pillé en RCA entre 2002 et 2003. Il a plaidé non coupable pour l’ensemble des chefs d’accusation.

Alors que la défense niait que M. Bemba ait eu le contrôle de ses forces déployées en RCA, ce témoin a indiqué que M. Bemba téléphonait régulièrement à un commandant de sa milice présente dans ce pays.

« Il appelait le matin, l’après-midi. Il appelait plusieurs fois », a indiqué le ‘‘témoin 112’’ qui bénéficiait d’une déformation numérique du visage et de la voix ainsi que d’un pseudonyme pour protéger son identité. Il n’a toutefois pas précisé en séance publique comment il avait appris que c’était M. Bemba qui appelait régulièrement le commandant anonyme du MLC, qui avait installé le camp dans le quartier où le témoin travaillait.

Le témoin a raconté qu’un groupe de soldats du MLC était arrivé dans la maison dans laquelle il travaillait en tant que garde, l’avait agressé, lui avait volé des biens et avait occupé la maison pendant trois mois. La maison était située dans la ville de Begua.

« Lorsqu’ils sont entrés de force dans la maison la première fois, ils étaient au nombre de cinq. Une fois à l’intérieur, ils ont prévenu d’autres soldats et un nombre plus important d’entre eux a pénétré dans la maison, 15 environ », a affirmé le ‘‘témoin 112’’. Il a indiqué que les soldats avaient emporté tous les biens que renfermait la maison.

Un ‘‘chef’’ était présent au sein du groupe de soldats qui occupait la chambre principale de la maison. Le témoin a déclaré que ce chef possédait deux téléphones avec lesquelles il gardait contact avec M. Bemba.

Le témoin a indiqué, « Lorsqu’il voulait passer un appel, il utilisait le petit [téléphone]. Avec le grand, il ne faisait que recevoir des appels ». Il a également témoigné avoir découvert les conversations téléphoniques entre M. Bemba et le ‘‘chef’’ puisqu’il était resté avec les soldats du MLC pendant 10 jours lors de leur occupation de la maison, prenant en charge les tâches domestiques. Le témoin n’a apporté en séance publique aucun détail sur les questions qui auraient été débattues par téléphone par M. Bemba et son commandant à Begua.

Dans sa déposition, le ‘‘témoin 112’’ a également déclaré à la barre que les soldats du MLC avaient tué sa femme et saccagé sa maison. Les détails du meurtre ont été débattus à huis clos. En séance publique, le témoin a déclaré que les soldats du MLC avaient pris plusieurs objets dans sa maison, notamment un poste de radio, des matelas de mousse, des vêtements, un lit, un broyeur, une machine à coudre et des ustensiles de cuisine. Il a estimé les dommages causés dans sa maison à la somme de 1,5 millions de francs CFA (USD 3,254) et la valeur des biens volés à 1,7 millions CFA (USD 3,700).

« J’étais démuni. Je n’avais plus de femme car ils l’avaient tuée et par conséquent mes enfants et moi-même avons beaucoup souffert », a indiqué le témoin lorsque l’avocat de l’accusation Massimo Scaliotti l’a interrogé sur les effets des actes du MLC sur sa vie.

Le procès marquera une pause la semaine prochaine et reprendra le 27 juin.


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