Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Le seul témoin à déposer en séance publique cette semaine au cours du procès Bemba a déclaré que les combattants appartenant à la milice de l’accusé, le Mouvement pour la libération du Congo (MLC), avaient occupé de force sa maison pendant trois mois et avaient laissé derrière eux des documents militaires lors de leur retraite.

Flavien Mbata, un directeur de la cour constitutionnelle de la République centrafricaine (RCA) a témoigné au procès de l’accusé de crimes de guerre congolais Jean-Pierre Bemba pendant quatre jours via un lien vidéo depuis la capitale de son pays Bangui.

M. Mbata a relaté comment les rebelles menés par le général François Bozizé avaient tenté de renverser le président en exercice du pays Ange-Félix Patassé le 25 octobre 2002. Les rebelles, qui étaient basés dans la partie nord du pays, avaient avancé sur la capitale Bangui en passant par le Point Kilomètre 12 ou PK 12.

Il a indiqué que sept jours plus tard, le 1er novembre 2002, la milice de M. Bemba était arrivée au PK 12. Ce jour-là, il avait reçu un appel téléphonique de la part d’une personne désignée devant la Cour sous le pseudonyme de ‘‘Mary’’ l’informant que ces troupes avaient occupé sa maison.

Le témoin et sa famille avaient fui et étaient allés vivre avec ses parents puis étaient revenus trois mois après avoir appris que les soldats étaient partis, pour finalement découvrir que leur maison avaient été pillée.

« La seule chose que nous avons pu retrouver est un véhicule qui avait été récupéré par mon garde du corps. Je n’ai pu récupérer aucun de mes propres biens. On m’a juste dit qu’ils avaient emmené les biens vers une destination inconnue », a déclaré M. Mbata.

Il a également témoigné avoir trouvé sur le sol de sa chambre à coucher certains documents rédigés par le MLC. Il a donné ces documents aux enquêteurs de la Cour pénale internationale (CPI). Ces documents, qui comprenaient un bulletin d’information et un manuel d’entraînement militaire, avaient tous deux un en-tête ‘‘Armée de libération du Congo’’.

« Quelle était la teneur de ces documents », a demandé l’avocat de l’accusation Petra Kneur.

« Le manuel d’entraînement était destiné à un entraînement militaire », a expliqué le témoin, qui avait été précédemment procureur à Bangui. « Que le document soit dactylographié ou écrit à la main, il avait un en-tête du MLC et il s’agissait de rapports élaborés par ces hommes de la milice et [semblaient] être envoyés à leurs supérieurs ».

Interrogé pour savoir comment il savait que les soldats du MLC avaient rédigé ces documents, M. Mbata a répondu, « Tout simplement parce que je les ai trouvé dans ma chambre à coucher immédiatement après leur départ ». Il a indiqué que les documents avaient été rédigés dans un style militaire.

Mme Kneur lui a demandé pourquoi il avait conservé les documents. M. Mbata a répondu, « Je voulais les garder en souvenir car à l’époque je ne pensais pas qu’il y aurait un procès pour ceux qui avaient pillé ma maison ».

Le témoin a également affirmé que les soldats de l’armée de RCA regardaient les soldats congolais commettre des actes de violence sur les civils à Bangui. Même si les civils centrafricains avaient signalé à leurs soldats que les combattants étrangers les molestaient, aucune mesure n’avait été prise. M. Mbata a relaté qu’il avait demandé à un officier militaire désigné devant la Cour sous le nom de ‘‘Nick’’ d’évincer les soldats qui avaient occupé sa maison mais que cet officier n’avait donné aucune suite.

« J’ai demandé à cette personne [Nick] si elle pouvait faire quelque chose, que la maison qu’ils occupaient n’était pas la maison d’un politicien mais celle d’un juge et que, par conséquent, ils devaient quitter ma maison », a raconté M. Mbata. Le témoin a indiqué qu’il n’avait eu aucun retour d’information de la part de ‘‘Nick’’.

Les procureurs de la CPI accusent les troupes de M. Bemba d’avoir violé, tué et pillé des civils en RCA lors du conflit de 2002-2003 et que M. Bemba, en tant que commandant en chef, avait fait preuve de manquement à les contenir ou à les sanctionner. Il a nié les accusations.

La défense de M. Bemba a contesté les propos de M. Mbata et ce dernier a admis ne pas être sûr que les soldats qui avaient pillé sa maison appartenaient au groupe de l’accusé. Le témoin a affirmé que les faits concernant l’occupation de sa maison lui avaient été mentionnés par des individus désignés devant la Cour sous les noms de ‘‘Peter’’ et ‘‘Mary’’.

Lorsque la CPI a lancé les enquêtes sur les crimes commis en RCA, M. Mbata a présenté à un enquêteur de la CPI des documents qu’il a dit avoir trouvé sur le sol de sa chambre à coucher et qui auraient été rédigés par le MLC. Il a également donné au fonctionnaire de la Cour – dénommé ‘‘Françoise’’ devant la Cour – les déclarations faites par ‘‘Peter’’ et ‘‘Mary’’ à la police locale sur l’occupation de sa maison. Le témoin a également remis à ‘‘Françoise’’ une liste des biens volés dans sa maison ainsi que le détail des dommages causés dans sa maison.

M. Mbata a témoigné avoir demandé à la Gendarmerie, à savoir la police locale, de s’entretenir avec ‘‘Peter’’ et ‘‘Mary’’ « afin de clore le dossier de l’affaire » concernant l’occupation et le pillage de sa maison.

« Devons-nous comprendre, par conséquent, que votre déposition est constituée du rapport que vous avez signé en 2008 – cinq ans après les faits, l’entretien signale ‘‘Peter’’ et ‘‘Mary’ – des entretiens qui avaient été menés à votre demande, des rapports qui ont été rédigés plus de cinq ans après les évènements et des documents qui, selon vos dires, appartiennent au MLC ? », a demandé l’avocat de la défense Aimé Kilolo-Musamba.

« Oui, c’est exact », a répondu M. Mbata.

Le témoin a expliqué que puisqu’il n’était pas personnellement chez lui lorsque les individus y avaient pénétré, il ne pouvait dire qui l’avait réellement pillé. Toutefois, après que les intrus se furent retirés, il avait été en mesure de récupérer des lits, un chandelier, des meubles de jardin et un placard. Des jeunes gens du quartier avaient informé M. Mbata que sa voiture avait été abandonnée vers le Point Kilomètre 11 (PK 11) et c’est pourquoi il avait pu la récupérer.

« Est-il exact qu’il vous a été impossible d’identifier les personnes qui avaient tenté de voler ou de piller cette voiture ? » a demandé l’avocat de la défense.

« Je n’ai pas été en mesure d’identifier [qui avait pris le véhicule] mais ce véhicule était sur mon terrain. Et c’est certainement les gens qui ont occupé le terrain qui ont tenté de la voler », a répondu M. Mbata. « Mais, comme je l’ai déjà dit, je n’étais pas sur place et je ne peux vous fournir d’autres éclaircissements ».

M. Mbata a également indiqué que, hormis le fait d’informer ‘‘Nick’’ de l‘occupation de sa maison par le MLC, il n’avait signalé l’incident à aucune autre autorité. Il avait seulement signalé le pillage le 24 septembre 2008 (soit six ans plus tard) à la Gendarmerie lorsqu’il avait appris que la CPI lançait des enquêtes sur les crimes commis et que des témoins et des victimes viendraient se présenter.

Dans son témoignage, M. Mbata a également fait part des nombreuses fois où il avait vu les soldats congolais conduire depuis le PK 12 jusqu’au centre de Bangui. Ils conduisaient des véhicules militaires centrafricains de couleur verte et ils étaient souvent accompagnés par des officiers de rang élevé de l’armée de RCA.

Certains témoins précédents ont indiqué que le MLC désarmait les soldats centrafricains et qu’il ne leur permettait pas de pénétrer dans les zones où les troupes congolaises étaient présentes. Le procès a également entendu qu’il y avait eu, une fois, un affrontement armé lorsque les soldats du pays avaient tenté d’arrêter les troupes de M. Bemba de transporter les biens pillés vers la République démocratique du Congo. Le MLC était dans le pays pour aider son ancien président à combattre une tentative de coup d’état.

Nous avons également assisté cette semaine au commencement de la déposition du ‘‘témoin 169’’ mais le juge président Sylvia Steiner a indiqué qu’elle se déroulerait en totalité à huis clos. L’audition de son témoignage se poursuivra lundi.


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