Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Invoquant une hausse des rapports sur les menaces aux témoins, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont, une fois encore, rejeté une demande déposée par le sénateur congolais pour une libération temporaire du quartier pénitentiaire de la CPI.

Lors de la dernière tentative de M. Bemba de sortir du centre de détention de Scheveningen situé à La Haye, il avait obtenu des garanties d’un pays anonyme qui avait indiqué être prêt à le recevoir s’il était libéré du centre de détention de la CPI et à certifier qu’il reviendrait à La Haye. Le pays anonyme avait également accepté de mettre en place un système qui assurait totalement sa sécurité et sa surveillance jour et nuit lors de son séjour temporaire sur son territoire.

Une autre lettre avait été écrite par le président du Sénat de la République démocratique du Congo (RDC) qui s’engageait également à garantir que M. Bemba retournerait devant la Cour après la visite qu’il prévoyait de faire dans son pays natal. Les vigoureuses tentatives du chef de l’opposition pour ne plus rester en détention provenaient du fait qu’il souhaitait sortir avant la date limite, actuellement dépassée, pour l’inscription en tant que candidat aux élections présidentielles qui devraient se tenir au mois de novembre de cette année.

Les juges de première instance Sylvia Steiner, Kuniko Ozaki et Joyce Aluoch ont rejeté la demande de M. Bemba de se rendre en RDC pour une journée afin de s’inscrire aux élections. Ils avaient déjà rejeté sa demande de mise en liberté provisoire pour le pays anonyme pendant les vacances judiciaires et les périodes pendant lesquelles la Chambre ne siégeait pas pour au moins trois jours consécutifs, tels que des week-ends prolongés.

Dans une décision du 27 septembre 2011, dont l’accusé fait appel, les juges avaient décidé que les mesures proposées par le pays anonyme n’étaient pas suffisantes pour empêcher M. Bemba de fuir. Les juges avaient déclaré que ces mesures étaient plutôt destinées à contrôler son emplacement physique lors de sa présence dans ce pays, à déterminer s’il se conformait aux conditions imposées par la chambre de première instance, à signaler toute violation de ces conditions à la Cour et à faire revenir l’accusé auprès de la Cour dans le cas d’une telle violation.

« Le problème est qu’il est peu probable que les mesures proposées empêchent l’accusé de fuir si c’est son choix. Pour cette raison, la chambre a conclu que les conditions proposées ne minimisaient pas le risque de fuite à un degré acceptable », avaient décidé les juges.

Les juges de première instance ont affirmé que, comme ils l’avaient constaté en décembre 2010, la détention de M. Bemba était nécessaire fin de garantir sa comparution au procès. « Comme en décembre 2010, le procès de l’accusé est en cours, ce qui l’oblige à assister régulièrement aux audiences. La gravité des charges retenues contre l’accusé est restée inchangée. Ainsi que la possibilité connexe d’une peine substantielle s’il était déclaré coupable », fait-on remarquer dans la décision.

De plus, les juges de première instance ont décidé qu’il n’y avait aucune raison pour que l’accès de M. Bemba à une aide matérielle ou financière ne soit réduit, ayant indiqué dans une décision antérieure qu’il s’agissait d’un des facteurs qui pouvait le pousser à fuir. « Au contraire, à au moins trois reprises depuis la décision de décembre 2011, la défense a fait valoir à la chambre que les coûts des vols charter, de sécurité et de surveillance [de M. Bemba] seraient à la charge des membres de la famille et des amis de l’accusé si une libération conditionnelle était accordée ».

Depuis le 3 juillet 2008, date à laquelle il est entré dans le quartier pénitentiaire de la CPI, l’ancien vice-président congolais est sorti par deux fois de l’enceinte de la Cour, pour se rendre aux funérailles de son père et à celles de sa belle-mère, en Belgique. Il a assumé la totalité du coût des voyages, y compris ceux du personnel de la Cour qui l’accompagnait.

Les juges de première instance ont affirmé que les informations dont ils disposaient indiquaient que les pressions sur les témoins d’hypothétiques étaient devenues réelles, par conséquent l’article 58(l)(b)(ii) du statut de la Cour constituait une base alternative pour la poursuite de la détention de l’accusé. Cet article prévoit la poursuite de la détention de l’accusé lorsqu’il existe une possibilité de pression sur les témoins.

Selon les juges, « plusieurs incidents » ont été signalés depuis juillet 2011 lors desquels des menaces auraient été faites contre des témoins de l’accusation et leurs familles en lien avec leurs témoignages apportés devant la Cour. Ils ont indiqué que les informations laissaient à penser que les identités de témoins à charge avaient été divulguées dans des cas où la chambre avait accordé des mesures de protection afin de protéger leur identité.

Ils ont donné l’exemple d’un témoin anonyme qui a témoigné que le contenu de son témoignage avait été divulgué malgré les mesures de protection ordonnées par la Cour. De même, une lettre d’un autre témoin anonyme qui suggérait que son identité et son témoignage avaient été divulgués a été fournie à la chambre. Cette personne a signalé avoir reçu des menaces de mort qui lui étaient destinées ainsi qu’à sa famille à la suite de sa coopération avec la Cour. Ce témoin avait également témoigné à huis clos.

« La chambre n’est pas en mesure, à ce stade, d’établir des conclusions pour déterminer qui est responsable des présumés incidents au cours desquels des pressions ont été exercées sur les témoins. Ce sont toutefois des pressions modérées dont certaines pourraient provenir de personnes qui aident l’accusé », ont déclaré les juges.

Ils ont ajouté, « À cet égard, la chambre constate avec inquiétude que les menaces contre les témoins semblent être apparues au moment précis où la présentation des éléments de l’accusation est passé de simples témoins des crimes à des témoins dont les témoignages sont directement liés à la question de la responsabilité de l’accusé et qui peuvent avoir un effet déterminant sur l’affaire.

Les juges ont déclaré que, dans ce contexte, il était raisonnable de conclure que libérer M. Bemba pourrait accroître sa capacité à exercer des pressions sur les témoins ou conduire des personnes à le faire. Il a fait appel de cette décision.

Le procès de M. Bemba pour manquement présumé à contrôler ses troupes qui auraient violé, tué et pillé alors qu’elles étaient déployées en République centrafricaine (RCA) a débuté en novembre dernier. Les crimes, qu’il nie, auraient été commis lors du déploiement des troupes du Mouvement pour la libération du Congo dans le pays voisin en 2002 et 2003.

Jusqu’à présent, l’accusation a appelé 31 des 40 témoins cités à comparaître. Aujourd’hui, le 31ème témoin a conclu sa déposition. Le procès devrait reprendre jeudi 27 octobre 2011.


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