Jeudi, le seizième témoin à se présenter pour Jean-Pierre Bemba devant la Cour pénale internationale (CPI) a nié avoir apporté en salle d’audience un « script » pour guider son témoignage. Le ‘‘témoin D04-45’’ a déclaré qu’il avait plutôt écrit des notes afin « d’être en mesure de se référer à quelque chose » pendant sa déposition.
De plus, le témoin a affirmé que lors du processus de familiarisation qui s’est déroulé avant le début de son témoignage, les fonctionnaires de la Cour ne lui avaient donné aucune instruction précisant qu’il ne devait pas comparaître avec des notes.
« Je suis officier militaire et lorsque je me rends à une réunion ou lorsque je discute de quelque chose, il faut que je prenne des notes. Ici même, dans la salle d’attente, j’ai commencé à prendre des notes et quand je suis entré dans la salle d’audience, l’officier était présent, je n’ai pas caché ces notes et personne ne m’a dit de ne pas les prendre », a-t’il déclaré.
Ce témoin a commencé sa déposition au procès pour crimes de guerre mercredi dernier. Il témoigne via un lien vidéo depuis Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo. Lors des transmissions publiques de son témoignage, son visage et sa voix ont été déformés numériquement afin de protéger son identité.
Le témoin avait précédemment témoigné sur l’arrivée du 28ème bataillon du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) en République centrafricaine (RCA) le 28 octobre 2002 et a également affirmé que les combattants étrangers avaient reçu des équipements de communication de la part de l’armée de ce pays. Il a déclaré que les troupes congolaises étaient « intégrées » à l’armée nationale et que les généraux centrafricains commandaient des opérations conjointes contre les insurgés. Le témoin a également indiqué qu’il n’avait connaissance d’aucun crime commis par les troupes de M. Bemba.
Le contre-interrogatoire du témoin par l’accusation a débuté lundi. Il semble qu’hier, lors de séances à huis clos, les juges avaient remarqué que le témoin avait avec lui des notes écrites à la main. Les fonctionnaires de la Cour ont fait des copies des notes et le témoin s’est vu demandé de lire des extraits des notes devant la Cour ce matin.
Parmi les notes écrites figuraient des informations sur son contact avec les avocats de M. Bemba, sur les crimes perpétrés par des membres des forces rebelles de François Bozizé « dont la plupart parlaient Lingala »et sur la fourniture d’équipement de communication aux combattants par l’armée centrafricaine.
Les autres notes concernaient, d’une part, la « mission de reconnaissance » que les soldats du MLC avaient réalisé dans le pays en conflit le 26 octobre 2002 et, d’autre part, l’arrivée des combattants congolais et les structures de commandement des forces communes comprenant les soldats de l’accusé et les forces armées centrafricaines.
« Il se trouve que certaines informations que vous avez écrites sont liées aux mêmes questions que celles qui sont contestées dans ce procès. « Vous n’aviez aucun moyen de savoir qu’elles étaient contestées à moins que quelqu’un vous en ait parlé. Qui est-ce ?», a demandé l’avocat de l’accusation Eric Iverson.
« J’ai écrit ces notes. Personne ne m’a donné d’information », a répondu le témoin. « J’ai été témoin et je connais bien ce qui s’est passé ».
« Avez-vous été payé pour ce que vous avez déclaré lors de votre témoignage ? », a poursuivi M. Iverson.
Le témoin a répondu, « Je n’ai reçu d’argent de personne ».
Le 28ème bataillon du MLC, dans lequel servait le témoin, était un des deux contingents constitués de combattants de l’accusé que les procureurs accusent d’avoir réalisé un saccage une fois déployés lors du conflit armé centrafricain de 2002-2003. Plusieurs témoins de l’accusation ont témoigné que des soldats congolais « incontrôlables » étaient les auteurs de crimes pendant le conflit. Ils ont été identifiés en partie de par la langue qu’ils parlaient, le lingala, qui est une langue originaire du Congo.
En tant que commandant en chef, M. Bemba est poursuivi car sa responsabilité pénale est engagée pour les viols, les meurtres et les pillages et parce qu’il aurait eu connaissance des crimes commis par ses troupes mais qu’il n’aurait pas cherché à les contenir. Il a nié les trois crimes de guerre et les deux crimes contre l’humanité pour lesquels il est poursuivi.
Entretemps, cet après-midi, lors de l’interrogatoire mené par l’avocat des victimes Marie-Edith Douzima-Lawson, le témoin a déchargé M. Bemba de toute responsabilité de commandement et de contrôle sur le 28ème bataillon pour la totalité des cinq mois d’intervention dans le pays voisin.
« Le commandant du 28ème bataillon n’a reçu aucun ordre de M. Bemba lorsque nous étions en RCA », a déclaré le témoin qui poursuivra sa déposition demain matin.