Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé aux juges d’accepter comme preuve différents éléments dont trois mails qui selon lui « identifient clairement » le numéro de téléphone et l’adresse mail de Jean-Pierre Bemba.
Dans une demande du 30 octobre 2013, le procureur Fatou Bensouda a proposé aux juges d’accepter comme preuve 21 documents et un enregistrement vidéo dont la plupart sont liés à la déposition du ‘‘témoin D04-15’’ qui a témoigné en faveur de la défense le mois dernier.
« Les éléments sont pertinents pour la détermination de la vérité et ils corroborent les preuves déjà présentées à la chambre au cours du procès », a indiqué Mme Bensouda.
Le ‘‘témoin D04-15’’, un ancien proche de M. Bemba, a déclaré aujourd’hui que, lorsque la décision d’envoyer les soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) dans un conflit armé en République centrafricaine (RCA) avait été prise, il avait été décidé que ces troupes passeraient sous le commandement des autorités de ce pays.
Il a également rejeté les allégations des procureurs selon lesquelles l’accusé de crimes de guerre possédait un téléphone par satellite qu’il utilisait pour donner des ordres à ses troupes.
Hormis les mails, les autres éléments liés au témoignage du ‘‘témoin D04-15’’ comprenaient deux rapports rédigés par Amnesty International, deux autres rapports des Nations Unies, deux carnets de vol de l’aéroport de Bangui, trois rapports d’analyse de cartes SIM, une vidéo et des articles de presse.
Les procureurs ont également présenté deux « déclarations divergentes » du ‘‘témoin D04-18’’ ainsi que l’accord de paix de Lusaka signé le 10 juillet 1999 par les belligérants en République démocratique du Congo, y compris le groupe de M. Bemba.
Le ‘‘témoin D04-18’’ a témoigné en juin dernier et a déchargé M. Bemba de toute responsabilité de commandement de ses troupes déployées dans le pays voisin. L’ancien officier de haut rang du MLC a déclaré que, une fois qu’il avait été déployé en RCA en 2001, il n’avait eu aucun contact direct avec M. Bemba et n’avait reçu aucun ordre de sa part. Il a indiqué qu’il avait communiqué via un talkie walkie qui lui avait été donné par les forces armées centrafricaines et que tous les ordres qu’il recevait provenaient des généraux du pays.
La pertinence de chaque élément a été détaillée dans un document soumis confidentiellement. Les procureurs ont cependant déclaré que les éléments « apportent une valeur significative liée aux questions contestées » dans cette affaire. Ils montrent que M. Bemba avait la « capacité matérielle » de commander et de contrôler les troupes du MLC en RCA et qu’il avait connaissance des crimes commis par ses troupes.
Mme Bensouda a indiqué que les éléments apportaient également des informations pertinentes sur le manquement de l’accusé à prendre des mesures raisonnables et nécessaires pour contrôler ses troupes. De plus, ils contenaient des informations qui remettaient en cause la crédibilité des témoins de la défense.
Hormis le fait de témoigner que M. Bemba ne possédait pas de téléphone par satellite, le ‘‘témoin D04-15’’ a également déclaré au procès que l’accusé était une figure politique qui n’avait pas les capacités ou des compétences professionnelles pour commander les opérations militaires. De son côté, le ‘‘témoin D04-18’’ a précisé que les récits de M. Bemba qu’il a donné dans son autobiographie sur les ordres qu’il a donné à ses troupes en RCA étaient erronés et destinés à des « objectifs de propagande politique ».
De nombreux témoin de l’accusation ont affirmé que M. Bemba possédait un téléphone par satellite Thuraya qu’il utilisait régulièrement pour communiquer avec ses commandants basés en RCA.
M. Bemba nie avoir eu les moyens de commander ses troupes et a également soutenu que ce n’était pas ses combattants qui avaient perpétré les viols, meurtres et pillages pour lesquels il est jugé depuis novembre 2010.
Les audiences du procès devraient se poursuivre demain avec la suite de la déposition du 33ème témoin, le ‘‘témoin D04-54’’, qui donnera la totalité de son témoignage à huis clos.