Mardi, la première victime à se présenter au procès de l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba a raconté avoir subi par deux fois un viol collectif commis par un groupe de soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC). Elle a également décrit des pillages et des meurtres perpétrés dans sa localité par des combattants de la milice de l’accusé.
Se présentant sous le pseudonyme de victime a/0866/10, elle a témoigné à la vue du public sans bénéficier de mesures de protection. De plus, à la suite d’une recommandation de l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (VWU), elle a témoigné au sein de la salle d’audience avec l’aide d’un assistant et un psychologue était également présent pour suivre le bon déroulement de sa déposition.
Elle a indiqué que deux soldats l’avaient violée à l’extérieur d’un camp militaire de République centrafricaine (RCA). Un des soldats l’aurait menacé avec une bouteille brisée alors que les autres, environ 20 soldats, « regardaient le spectacle ». Elle a déclaré, « certains d’entre eux poussaient des cris de joie tandis que les autres tiraient en l’air ».
Une deuxième fois dans la même journée, elle avait été agressée par 12 soldats environ. « Ils m’ont prise dans l’anus, le vagin et la bouche », a-t-elle déclaré. Elle a vomi et a perdu connaissance lors du viol. Parmi ses agresseurs figurait un homme dénommé Kovo qui paraissait être le commandant du groupe.
Interrogé par l’avocat Marie-Edith Douzima-Lawson pour savoir pourquoi elle avait décidé de participé au procès, le témoin a indiqué qu’il s’agissait d’une occasion de faire connaître à la Cour pénale internationale (CPI) au monde entier ce qu’elle avait subi.
« J’ai été traitée comme un animal et je ne peux plus vivre normalement. J’étais une femme qui avait sa dignité mais je l’ai perdue. J’ai subi un traitement inhumain », a-t-elle déclaré.
Á la suite de cet évènement, elle a été stigmatisée par sa communauté. On l’appelle la femme des Banyamulenge [les soldats congolais] et « parfois les gens me crachent dessus ».
Elle a indiqué que les troupes appartenant à la milice de M. Bemba étaient arrivées dans la ville de Mongoumba dans la matinée du 5 mars 2003. Les habitants avaient fui leurs maisons et certains d’entre eux, notamment la victime, s’étaient réfugiés dans l’hôpital et s’étaient caché sous les lits. Les pleurs d’un bébé avaient attiré l’attention d’un groupe de soldats armés sur lieu de la cachette. Les soldats avaient ensuite alignés toutes les personnes présentes dans l’hôpital et leur avaient pris tous les biens et l’argent en leur possession.
« Ils ont tout pris, toutes nos effets personnels. Rien ne leur a échappé », a-t-elle précisé.
Interrogée par Mme Douzima-Lawson pour connaître la langue parlée par les soldats et pour savoir si elle était capable de l’identifier, le témoin a répondu qu’ils parlaient le lingala, un dialecte originaire de la République démocratique du Congo. « La frontière entre les deux pays n’est pas très éloignée aussi je peux me rendre de l’autre côté [de la frontière] pour faire des achats. C’est pourquoi je connais cette langue. Je la comprends ».
Et parce qu’elle avait parlé en lingala aux soldats, ils l’avaient emmené « de force » avec eux pour qu’elle leur serve d’interprète alors qu’ils avançaient dans la ville. Á un moment, ils se sont arrêtés dans une église locale « brandissant leurs armes » et menaçant de tuer des personnes. Ils ont dérobé au prêtre et aux sœurs de l’argent et des biens dont des véhicules, des meubles et des postes de télévision.
« Ils ont même pris les osties et les ont mangées », a-t-elle ajouté. Un des soldats portait la soutane de l’évêque.
Les soldats ont poursuivi leurs pillages toute la journée, saccageant le commissariat, la mairie et la maison d’un habitant. Ils auraient abattu l’habitant, lui auraient coupé ses organes génitaux et mis dans la bouche. Dans une autre habitation, ils avaient trouvé une femme âgée tenant un bébé. Quant elle avait résisté à leurs tentatives de lui prendre ses biens, ils l’avaient tué également.
Les procureurs soutiennent que les soldats du MLC ont systématiquement tué, violé et pillé les civils lors de leur déploiement en RCA entre octobre 2002 et mars 2003. « Ils ont tués les civils qui opposaient une résistance aux viols, à la violence et aux pillages. Ils les ont parfois tué dans le cadre d’une seule attaque ou lors d’une série d’attaques », a déclaré l’avocat de l’accusation Petra Kneur au début du procès en novembre 2010. En tant que commandant en chef, M. Bemba est jugé pour leurs crimes devant le tribunal basé à La Haye. Il a plaidé non coupable de trois chefs de crimes de guerre et de deux chefs de crimes contre l’humanité.
La victime a/0866/10 poursuivra son témoignage demain matin.