Aujourd’hui, le sixième témoin à charge du procès de l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba a raconté comment un commandant de la milice de M. Bemba avait indiqué que le président centrafricain de l’époque avait ordonné aux soldats de tuer les garçons âgés de deux ans.
Selon le témoin, les meurtres devaient être commis dans les zones dans lesquelles le président Ange-Félix Patassé pensait que la population soutenait le général François Bozizé qui tentait de renverser son gouvernement. C’est M. Patassé qui avait invité les troupes du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de M. Bemba dans le pays pour l’aider à combattre la tentative de coup d’état.
L’avocat de la défense Nkwebe Liriss a lu aujourd’hui des extraits de l’entretien que le ‘‘témoin 23’’ avait donné aux enquêteurs de la CPI dans lequel il indiquait qu’un caporal du MLC, qui était un des commandants de la milice, avait parlé de l’ordre de tuer qu’aurait donné M. Patassé.
« Lorsque vous dites cela vous confirmez les déclarations de ce caporal, qui a parlé de M. Patassé, n’est-ce pas exact ? », a demandé M. Nkwebe.
« C’est exact », a répondu le témoin. « Il a dit que le président avait donné l’ordre de tuer les garçons de deux ans et plus car c’étaient les zones où les rebelles étaient installés et à partir desquelles ils effectuaient leurs incursions »
Le témoin a cité le caporal du MLC comme ayant dit que parce qu’ils n’avaient trouvé aucun rebelle dans la zone, ils étaient en colère et avaient commencé à commettre des atrocités sur les civils.
M. Bemba, 48, est jugé pour manquement à contrôler ses troupes qui ont violé, tué et pillé en RCA entre 2002 et 2003. Il a nié les charges, arguant qu’à partir du moment où les combattants du MLC étaient passés en RCA, ils étaient sous le contrôle de M. Patassé.
Aujourd’hui, le ‘‘témoin 23’’ a affirmé que M. Patassé, M. Bozizé et M. Bemba devraient répondre devant la justice des rôles qu’ils ont joués dans les atrocités commises sur les civils. M. Bozizé est le président actuel de la RCA, ayant destitué M. Patassé en 2003.
M. Nkwebe a indiqué aujourd’hui qu’au moment où les troupes de M. Bemba sont entrées en RCA, il existait plusieurs groupes combattant au côté de M. Patassé. Il a précisé que parmi ces derniers figurait la garde présidentielle, l’armée régulière connue sous le nom de FACA (Forces Armées Centrafricaines) ainsi que l’Unité de sécurité présidentielle (USP). Il a indiqué que des libyens combattaient du côté de M. Patassé.
L’avocat de la défense a ajouté que l’aide de M. Patassé, Abdoulaye Miskine, a dirigé une autre milice en dehors de l’armée tandis que le Mouvement pour la libération du peuple centrafricain (MLPC), le parti politique dirigé par M. Patassé, comptait un certain nombre de personnes armées qui n’appartenaient pas à l’armée régulière. La défense a soutenu que n’importe lequel de ce groupe aurait pu commettre les crimes qui sont attribués aux soldats de M. Bemba.
Le témoin a indiqué que les rebelles de M. Bemba étaient arrivés dans le PK 12, une banlieue de Bangui, le 7 novembre 2002, juste après que les troupes de M. Bozizé se soient retirées de la zone. Il a précisé que les rebelles congolais portaient des uniformes militaires. Il a ajouté que pendant que la population accueillait les rebelles comme des libérateurs qui les sauveraient des combats entre les forces de M. Bozizé et M. Patassé, le lendemain de leur arrivée, le MLC a commencé à terroriser les civils.
Cependant, M. Nkwebe a déclaré qu’une source militaire qui était personnellement impliquée dans le conflit lui avait indiqué que le MLC ne pouvait avoir conquis la banlieue PK 12 avant un délai de deux semaines suivant leur entrée dans le pays, à savoir le 13 novembre 2002.
« Maintenez-vous que le viol a été commis par eux [les forces de M. Bemba] ? », a demandé l’avocat.
Le témoin a répondu, « Concernant mon viol ou les atrocités commises sur ma famille, je ne peux les changer. Quant à la date, je ne suis pas sûr. Ce que j’ai raconté ici est vraiment ce qui m’est arrivé ».
Vendredi dernier, le ‘‘témoin 23’’ a déclaré que trois soldats du MLC l’avaient sodomisé devant ses femmes et ses enfants. Il a dit que pendant quatre jours les soldats sont revenus chez lui et avaient violé ses femmes et ses enfants.
Le témoin a indiqué aujourd’hui que certains soldats qui l’avaient violé et volé parlaient sango, un dialecte centrafricain. Il a raconté qu’un d’entre eux lui a dit que les chefs locaux de la zone du PK 12 devaient être punis car ils avaient permis à leurs enfants de rejoindre la rébellion contre M. Patassé. Le témoin a expliqué que les citoyens congolais qui faisaient de petits boulots tels que cireur de chaussures à Bangui avant l’arrivée du groupe de M. Bemba avaient rejoint le MLC une fois qu’ils avaient pris en charge des banlieues de Bangui.
« Qui recrutait les cireurs de chaussures en RCA ? », a demandé M. Nkwebe.
« Je ne sais rien du recrutement », a répondu le témoin. « Ce que je sais c’est que quand ils ont vu leur frères [congolais] arriver, ils ont voulu faire la même chose qu’eux. C’est pourquoi ils les ont rejoint volontairement ».
Le contre-interrogatoire du ‘‘témoin 23’’ se poursuivra demain.
