Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Eric Witte

Jean-Pierre Bemba est accusé d’avoir commis des crimes en République centrafricaine (RCA), mais parce qu’il est une figure marquante de la République démocratique du Congo (RDC), beaucoup de gens, là aussi, ont des opinions bien arrêtées sur son procès devant le CPI. Il est difficile de résumer les opinions sur quelque sujet que ce soit en RDC d’une manière qui tienne pleinement compte de l’immensité du pays et de sa diversité. Mais, à l’entame du procès de M. Bemba, nous allons tenter de jeter un premier coup d’œil sur certaines des opinions congolaises souvent exprimées sur la CPI et sur ce procès en particulier.

Opinions sur la justice internationale et sur la CPI

Les habitants de la RDC ont plus d’expérience de la CPI que ceux de tout autre pays. Tous les quatre accusés en détention à la CPI, dont M. Bemba, sont des citoyens congolais. Les trois autres sont en procès pour des crimes qui auraient été commis en Ituri : Thomas Lubanga, dont le procès est en cours d’achèvement, et Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, qui sont jugés ensemble. Avec cette expérience, qu’est-ce que les gens en RDC pensent de la justice internationale et de la CPI?

Peut-être l’étude la plus complète des opinions des congolais sur ces questions a été menée par l’Initiative de Berkeley-Tulane sur les populations vulnérables à la fin de 2007, et publiée en août 2008 [http://hrc.berkeley.edu/pdfs/LivingWithFear-DRC.pdf]. Le sondage comprenait les régions orientales les plus durement touchées par la violence : District de l’Ituri en province Orientale, Nord et Sud-Kivu, mais aussi populations de Kinshasa et Kisangani. Selon les conclusions, 85% des personnes interrogées dans l’Est ont estimé que la responsabilité pour crimes de guerre est importante. Mais 25% ont pensé que la justice doit être rendue par un tribunal. Ces chiffres étaient plus élevés à Kinshasa (41%) et à Kisangani (39%). Seulement 27% des personnes interrogées avaient entendu parler de la CPI. Alors que la plupart de ceux qui avaient entendu parler de la CPI avaient une opinion positive, près d’un tiers pensaient que ce n’était pas un tribunal neutre. Près d’un quart de ceux qui avaient entendu parler de la CPI ont déclaré qu’elle n’était pas neutre parce qu’ils croyaient qu’elle travaillait avec le gouvernement.

Cette recherche a eu lieu avant le début des deux premiers procès et avant l’arrestation de M. Bemba en mai 2008. Il est possible que les opinions en RDC aient changé en réponse à ces événements et d’autres facteurs.

Réactions à l’arrestation de M. Bemba

Les partisans de Bemba

Lorsque la police belge a arrêté M. Bemba en mai 2008, la réaction de son parti politique, le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) a été immédiate. Des milliers de partisans du MLC se sont rassemblés pour soutenir M. Bemba à Kinshasa et à Mbandaka, capitale de sa province natale, l’Equateur. Son porte-parole à Kinshasa, a déclaré à la presse : [http://www.alertnet.org/thenews/newsdesk/L2550628.htm] « Nous sommes choqués et consternés d’apprendre cette nouvelle… Nous devons maintenant renforcer les rangs. M. Bemba est innocent jusqu’à preuve du contraire. »

Les critiques pro-Bemba se sont déclarés préoccupés par le fait que M. Bemba est le seul à être accusé par le procureur d’avoir commis des crimes en RCA, surtout si l’on tient compte du fait que l’ancien président CAR Ange-Félix Patassé n’a pas été inculpé. Liliane Bemba, l’épouse de l’accusé, a déclaré à l’Institute for War & Peace Reporting [http://www.iwpr.net/report-news/bemba-defence-points-finger-patasse], « il aurait été important que M. Patassé soit ici. »

Au moment de l’arrestation de M. Bemba, le MLC a également publié une déclaration critiquant le chronogramme du Procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo. M. Bemba était sur le point d’être nommé porte-parole officiel de l’opposition politique en RDC. La déclaration a accusé le Procureur de politiser le processus judiciaire. À sa base, cette critique accuse le procureur de chercher à inculper M. Bemba pour faire une faveur politique à son rival, le président de la RDC Joseph Kabila. Selon certains partisans de Bemba, le Procureur avait d’abord besoin d’obtenir du président Kabila qu’il saisisse la CPI à propos de la situation en RDC, ce qui fait qu’il a inculpé M. Bemba tout en fermant les yeux sur les atrocités ayant un rapport avec le Président. En fait, la défense de M. Bemba a soulevé cet argument devant le tribunal quand il a, sans succès, demandé que la Chambre de première instance suspende l’affaire ou prononce un non-lieu pour abus de la procédure judiciaire.

Autres opinions

Les partisans de Bemba n’ont pas été les seuls à réagir à son arrestation. D’autres congolais se sont déclarés satisfaits de la situation. L’organisation de défense des droits de l’homme, le Club des Amis du droit au Congo, qui avait déjà reproché à la CPI de ne pas avoir chargé les hauts fonctionnaires, a manifesté son d’approbation http://www.refugee-rights.org/Publications/Papers/2008/Bemba.IJworkshop.pdf à propos de l’arrestation: « La cour, par le biais de la coopération des États membres, nous a montré qu’elle est capable de frapper vite et fort. »

Mais d’autres en RDC ont dit être préoccupés par le fait que M. Bemba n’a été inculpé que pour les crimes en RCA, et non pas en relation avec les événements de RDC elle-même. Par exemple, La Ligue pour la Paix et les Droits de l’Homme a fait des suggestions très spécifiques. Elle a demandé à http://www.refugee-rights.org/Publications/Papers/2008/Bemba.IJworkshop.pdf au Procureur d’enquêter et de poursuivre pour « les crimes internationaux commis par le MLC … en Ituri, et plus précisément sur le territoire de Mambasa en décembre 2002, et à Beni, plus précisément dans les localités de Kokola et Maimoya. »

Et enfin, il y a ceux qui se sont réjouis de l’arrestation de M. Bemba, mais partagent la préoccupation de certains de ses partisans selon laquelle le Procureur n’a pas cherché à inculper les commandants des forces pro-gouvernementales ou le Président Kabila lui-même. Les organisations des droits de l’homme, tant nationales qu’internationales, ont documenté ce qu’elles considèrent comme des atrocités commises par l’armée en RDC et qui constituent des violations du Statut de Rome.

Outre les opinions résumées ici, il est intéressant de noter que de nombreux Congolais ont encore peu ou aucune connaissance de la CPI ou de cette affaire. Les opinions congolaises sur le procès Bemba pourraient grandement dépendre de ce qui se passe dans la salle d’audience et de l’efficacité avec laquelle la Cour et d’autres personnes le communiquent aux populations de la RDC.


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