Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Olivia Bueno

Chers lecteurs, veuillez trouver ci-dessous un commentaire écrit par Olivia Bueno de International Refugee Rights Initiative en concertation avec des activistes congolais. Les vues et opinions exprimées dans ce commentaire ne reflètent pas nécessairement les vues et opinions de International Refugee Rights Initiative ou de Open Society Justice Initiative.

Alors que les congolais se rendront aux urnes le 28 novembre 2011 pour élire un nouveau président, le candidat de l’opposition le mieux placé dans l’élection précédente, Jean-Pierre Bemba, est détenu dans une cellule à Schevingen dans la prison de la Cour pénale internationale (CPI). Cependant, M. Bemba n’a pas considéré que son incarcération signifiait qu’il était hors jeu et a présenté sa candidature. Le fait qu’il l’ait effectué depuis sa cellule de la CPI, toutefois, a un impact sur sa viabilité en tant que candidat et donc sur l’état de l’opposition dans son ensemble.

Comme l’indique un article récent de Wakabi Wairagala, “M. Bemba peut-il se présenter aux élections présidentielles depuis une cellule de la CPI ?” M. Bemba a convaincu son parti, le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de le nommer candidat aux présidentielles. En appelant le parti à le nommer, M. Bemba, dans une lettre adressée au congrès national du parti, promettait la victoire : « Je tiens à vous assurer que ma volonté de servir le Congo est intacte, je ne baisserai pas les bras. Je ne crains pas la justice des hommes, seule la justice de Dieu m’importe… ma candidature aux élections présidentielles sera, si vous l’acceptez, la candidature d’une victoire certaine ».

Bien qu’il y ait de nombreuses spéculations sur la réalité du jugement de M. Bemba, la ligne du parti officiel est que cette tentative sera une réussite. Le porte-parole du parti, M. Jean-Paul Busa, le secrétaire exécutif du MLC, a été cité dans le journal Monitor d’Ouganda déclarant, « Nous sommes sûrs qu’il sera libéré à temps ».

Il semble, toutefois, que cela soit maintenant hautement improbable. En vertu de la loi électorale congolaise, les candidats doivent s’inscrire en personne dans le pays. La défense a demandé que l’on accorde à M. Bemba une libération exceptionnelle afin qu’il se rende en RDC en jet privé, par ses propres moyens, et qu’il reste au Congo pour une heure seulement. Ces conditions ont été rapportées par le journal congolais Le Soft International et présentées comme étant presque acceptées par la Cour, ce qui a redonné un espoir aux partisans du MLC. Un commentateur congolais, Jacques Matand, a fait remarquer que « au sein de la communauté congolaise de Grande-Bretagne, le retour de Jean-Pierre Bemba [au Congo] est une certitude.

Malgré ces rapports, le 16 août 2011, la Chambre a rejeté cette affirmation, laissant clairement entendre que la mise en liberté provisoire était limitée à des motifs humanitaires dans des « circonstances exceptionnelles ». La Chambre a conclu que l’inscription aux élections « n’était pas le type de circonstance qui justifie une situation extraordinaire ».

Il est probable que cette décision ait déçu les partisans de Bemba, d’autant plus que la mise en liberté provisoire a été présentée comme certaine. La décision est encore susceptible de recours et certains, tel M. Matand, gardent espoir, « un peu plus de patience s’impose pour connaître le résultat de l’appel concernant la mise en liberté provisoire de Jean-Pierre Bemba ». D’autres ont exprimé des doutes, déclarant qu’il est peu probable que la décision para rapport à cet appel soit rendue dans les délais car la période d’enregistrement pour être candidat s’est déjà terminée le 18 août. L’ONG congolaise APRODEC a indiqué que « M. Bemba ne sera probablement pas candidat à la présidence ».

Mais même s’il n’est pas en mesure de se présenter officiellement, M. Bemba peut jouer cependant un rôle essentiel et avoir une position de force, sur la scène politique congolaise. M. Bemba a obtenu 42 pour cent des voix, dans tout le pays, lors de l’élection présidentielle de 2006 et bénéficie d’un fort soutien au niveau régional. Selon un militant congolais, M. Bemba a obtenu près de 97 pour cent des votes dans sa province natale de Bangala, dans l’Équateur. Les candidats de l’opposition lorgnent avec avidité sur cette réserve de voix, espérant les ajouter à leur base de soutien. En effet, il est probable que la date choisie pour l’annonce de la candidature d’Étienne Tshisekedi, juste quelques jours avant le début du procès Bemba, soit une tentative de se présenter, à l’opposé de l’accusé, comme un candidat viable.

Bien évidemment, le paysage politique a évolué depuis 2006. M. Tshisekedi a boycotté les élections précédentes et M. Bemba a bénéficié de cette absence. Cependant, l’incarcération de M. Bemba n’a pas, selon les observateurs, entamé sa capacité de bénéficier d’un soutien. Un militant a déclaré, « l’idée que M. Bemba est un criminel n’est pas très bien acceptée par l’opinion publique congolaise. Beaucoup de personnes pensent que l’affaire Bemba est un spectacle politique, dont l’objectif est de l’exclure de la scène politique, et plus précisément, des élections présidentielles en cours. Le fait que M. Bemba ait maintenu le leadership du MLC est une preuve de plus qu’il demeure une figure politique de premier plan et il laisse les autres candidats de l’opposition rechercher ses faveurs. D’après un militant, « un grand nombre d’hommes importants se bousculent à la porte de sa cellule », faisant allusion aux nombreuses visites que M. Bemba a reçues de la part des principaux candidats de l’opposition.

Le soutien de M. Bemba est particulièrement important dans le cadre de la tentative de trouver un ‘‘candidat commun’’ à une opposition divisée. L’urgence de décider d’un candidat présidentiel commun s’est intensifiée à la suite du passage d’un amendement constitutionnel modifiant le processus électoral à deux tours, dans lequel les deux premiers candidats étaient présents au deuxième tour si aucun candidat n’obtenait plus de 50 pour cent des votes au premier tour, pour le transformer en un processus à un tour au cours duquel un candidat peut gagner avec 15 ou 20 pour cent dans la mesure où il dispose de plus de voix que ses concurrents. Cet amendement donne clairement l’avantage au président en place par rapport à une opposition politique divisée.

Le premier à visiter M. Bemba fut Vital Kamerhe, un ancien membre du parti présidentiel, qui s’est depuis déclaré candidat pour l’opposition. Relatant la visite de M. Kamerhe à La Haye en septembre 2010, le magazine Jeune Afrique a indiqué que son calcul était ‘‘simple’’. M. Kamerhe, ont-ils fait remarquer, est populaire dans l’est du pays mais n’a aucune chance de gagner sans une bonne implantation dans l’ouest, une implantation que le soutien de M. Bemba pouvait facilement lui apporter.

Étienne Tshisekedi, l’opposant et chef politique chevronné de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) a ensuite rendu visite à M. Bemba à la CPI en juillet 2011. Selon le porte-parole de ce parti, cité par Radio Okapi, M. Tshisekedi et M. Bemba « ont parlé des problèmes du pays. Ils se sont mis d’accord sur le fait que le pays se trouvait dans une situation catastrophique… Pour [M. Bemba], le moment est venu pour qu’un changement politique advienne à Kinshasa ». Malgré cette déclaration commune, il semble qu’ils se soient mis concrètement d’accord sur peu de choses.

Un certain nombre de candidats moins connus se sont également dévoilés. Mais Oscar Kashala, le candidat arrivé cinquième dans l’élection présidentielle de 2006, est décédé. Léon Kengo wa Dondo est le nouveau président de l’Union des forces du changement (UFC) et des rumeurs circulent sur une visite du président du Sénat à M. Bemba. Cette réunion aurait eu lieu secrètement, M. Kengo se rendant auprès de M. Bemba incognito le mercredi 3 août à La Haye, d’après Africa News, une source fiable. Ces informations n’ont été ni confirmées ni démenties par les représentants de la CPI à Kinshasa, qui ont indiqué uniquement que les visites au détenu n’étaient pas si restreintes.

Un militant congolais a déclaré, « Jamais un condamné congolais n’a semblé si attirant ». Il est vrai que le climat politique actuel produit de curieuses alliances. M. Kamerhe a été un adversaire de M. Bemba en 2006 de par le rôle qu’il a joué dans le soutien à M. Kabila. Bien que M. Tshisekedi soit fermement resté dans le camp de l’opposition, il a boycotté les élections de 2006 et a ignoré ceux qui ont soutenu M. Bemba dans le parti.

Des nombreuses questions se posent également sur ce que M. Bemba pourrait demander aux candidats politiques en échange de son alliance. Si un candidat de l’opposition gagnait avec le soutien du MLC, cela pourrait pousser le gouvernement de la RDC à peser de tout son poids pour libérer M. Bemba. Cela entrainera-t-il une implication de l’opposition politique auprès de la CPI tel que nous l’avons constaté avec le gouvernement du Soudan ? Y aura-t-il des interventions juridiques dans l’affaire Bemba ? Tenteront-ils de revendiquer la compétence nationale pour le procès malgré le fait que les crimes dont M. Bemba est accusé ont été perpétrés en République centrafricaine ? Cela reste à voir.

4 Commentaires
  1. je felicite l’auteur de cette fiche car cela est indiscutable que BEMBA est vraiment populaire
    à kinshasa et meme rdc toute entiere du fait que l’electorat de KABILA qui deçu ont rapporté
    leurs esperances en la personne de BEMBA qui aux yeux de beaucoup des congolais incarne
    MOBUTU qui en son temps malgré la dictature avait vraiment le controle des affaires du pays
    et la securité de l’EST du pays et cette assertion se verifie largement par le fait qu’aux elections de 2006 la PROVINCE ORIENTALE qui avait voté largement KABILA est maintenant sous influence
    du MPR (le parti de MOBUTU ).pour dire combien les espoirs des ESTOIS ont eté deçus.en bref
    BEMBA represente une force non-negligeable .

    PRECISION : OSCAR KASHALA n’est pas decedé il est bien vivant et est à KINSHASA .svp veuillez corriger votre fiche.

  2. Je viens de lire avec intérêt votre article dans lequel vous me citez. Merci de cet honneur que vous nous faites. Seulement, vous me désignez comme un commentateur congolais. Certes, je suis congolais, mais, pas commentateur comme vous le dites dans votre article. Une petite recherche sur le net vous aurez donné plus d’informations sur ma modeste personne. Je suis journaliste de formation et de profession. Si vous avez besoin de mon CV pour vous en rendre compte, je me ferai le plaisir de vous le faire parvenir. De deux, vous me faites passez pour un des sympathisants de Jean-Pierre Bemba par le fait que vous dites “La décision est encore susceptible de recours et certains, tel M. Matand, gardent espoir, « un peu plus de patience s’impose pour connaître le résultat de l’appel concernant la mise en liberté provisoire de Jean-Pierre Bemba. » En tant que journaliste, ma profession ne me permet pas ce genre de comportement et attitude que vous me prêtez. En plus, vous tirez un texte de son contexte, alors que pour les vôtres, vous laissez la possibilité aux lecteurs d’être dirigé vers le texte intégral. Précisions, M. Matand’ ne garde pas espoir, il fait de l’information, le journalisme un point à la ligne. Et donc, je vous prie non seulement de corriger cet amalgame et de donner les précisions qui s’imposent pour éclairer vos lecteurs. Je tiens aussi à vous signaler que votre article a aussi été repris, donc, vous vous donnerez la peine de suivre les différentes traces pour faire ce travail en publiant un correctif sur les intentions que vous me prêtez. En plus, je crois que vous ne vous êtes arrêté qu’à une partie de la suite des publications. Je vous signale aussi que nous avons publié un article sur la libération provisoire incertaine de JP Bemba. Et le pire dont nous avions parlé, qu’il risquait de manquer le train de la présidentielle ne vous a pas tiqué parce que nous l’avions aussi annoncé.
    Je crois en votre bonne foi et votre sens de professionnalisme.
    Merci pour les précautions que vous prendrez pour la prochaine fois.
    Cordialement,
    Jacques Matand’/GRANDSLACSTV.COM

  3. J’ai vu récemment les deux commentaires à mon blog, et je voulais répondre.

    Premier, je voulais vous remercier pour avoir lu aussi d’une manière si attentive et de prendre le temps à répondre.

    Peter a offert la précision de dire que Kashala n’est pas mort. En fait, c’est vrai, et c’était une faute de traduction. Le blog était écrit en anglais « passed by » pour vouloir dire que Kashala a passé, mais le traducteur a confondu ca avec le phrase « passed away » ou décédé, comme c’était incorrectement traduit en français.

    Pour répondre a M. Matand, il faut répondre à deux points. Premier, il a dit qu’il serait mieux décrit comme un journaliste que comme un commentateur. Je suis désolée si je n’avais pas utilisé l’appellation préféré mais j’entends que des journalistes aussi font des commentaires à des différents sujets. Je vais essayer de bien noter la prochaine fois. Deuxièmement, il a bien noté que la phrase « gardent espoir » avait impliquée une attitude à M. Matand qui ne serait pas approprié à son rôle comme journaliste. Ici aussi que nous nous excusions. Ce que j’ai écrit en anglais était que M. Matand, dans son article, « reflect continuing hope », que je traduirais peut être comme il a « reflété un espoir continuant ». En utilisant le mot « refléter » je voulais être claire que ce n’était pas son propre émotion mais que l’émotion était en tous cas documenté dans son article. Je vois que même en anglais je pourrais avoir fait une distinction plus claire, et je suis vraiment désolée que cette précision a disparu dans la version française. J’espère que ca n’a pas causé une confusion sérieuse.

  4. Bonjour Olivia et merci pour ces précisions.
    Je crois que le fait qu’un journaliste fasse des commentaires ne fait pas de lui commentateur, encore moins un animateur devenir brusquement journaliste, même si la tentation est facile. Je pense que la précision est importante de la personne qui parle et sa qualité, vous ne me direz pas le contraire. Pour le deuxième point, merci aussi pour la précision. Vous ne pouvez pas imaginer les conséquences, vu que vous et votre famille êtes loin de Kinshasa. Cela n’est pas forcément mon cas. Je vous épargne des détails qui me sont parvenus suite à cette publication.
    Merci aussi pour l’effort que vous ferez la prochaine fois. En même temps, je vous ai aussi fait remarqué qu’au delà de l’espoir suscité dans la communauté congolaise, nous avions publié un article sur la libération provisoire incertaine de JP Bemba. Et le pire dont nous disions, qu’il risquait de manquer le train de la présidentielle s’est réalisé comme nous l’analysions en son temps. Donc, nous n’étions pas dans des commentaires je crois. C’était plutôt une mise en perspective par rapport aux données en notre possession et connaissance.
    Vous avez reconnu les imprécisions contenues dans l’article, c’est l’essentiel. Prière le signaler aussi à ceux qui vous ont repris, comme allAfrica.com, etc.
    Pour le reste, bon travail Olivia Bueno et bon courage.
    Cordialement,
    Jacques Matand’/grandslacsTV.com


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