Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Cette semaine, le procès pour crimes de guerre de l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba a entendu que l’accusé communiquait régulièrement avec les chefs d’état-major de la République centrafricaine (RCA) pendant la période du conflit de 2002-2003. Toutefois, le seul témoin à témoigner cette semaine a admis ne pas avoir vu l’accusé parler avec les généraux. Il a déclaré que toutes les informations sur la question provenaient plutôt de sources secondaires.

Le ‘‘témoin 173’’ a débuté son témoignage mardi, devenant ainsi le 26ème témoin à charge à se présenter à la barre au procès du chef d’opposition congolais qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI). Il a bénéficié de mesures de protection, notamment d’une déformation numérique de la voix et du visage, et a apporté la majeure partie de son témoignage à huis clos afin de protéger son identité. 

Au début de son témoignage, le témoin a relaté les viols, les meurtres et les pillages perpétrés par les soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) lorsqu’ils étaient déployés dans la capitale de la RCA Bangui. Il a expliqué que puisque M. Bemba ne payait pas ses troupes, les combattants devaient se débrouiller par eux-mêmes. « Lorsque vous envoyez quelqu’un avec une arme au front sans le payer, il prendra [des choses] par la force et c’est pourquoi autant d’atrocités ont été commises », a déclaré le témoin. 

Le ‘‘témoin 173’’ a indiqué que les soldats de M. Bemba tuaient sans raison les musulmans centrafricains d’origine tchadienne. Le témoin a également indiqué avoir entendu de nombreux récits de viols commis par les soldats congolais. « J’ai parlé [des viols] à leur chef. Ces histoires ne les intéressaient pas ». Il n’a pas indiqué en séance publique comment il en était venu à discuter avec ce chef du MLC anonyme mais il a affirmé que cet individu n’avait pas nié que ses soldats commettaient des viols.

En outre, le témoin a confirmé que le président de la RCA de l’époque, Ange-Félix Patassé, n’exerçait aucun contrôle sur le MLC, affirmant : « les troupes rendaient des comptes directement à M. Bemba ».

Tout en reconnaissant qu’il avait envoyé ses troupes en RCA pour aider M. Patassé, aujourd’hui décédé, à combattre une tentative de coup d’état, M. Bemba a prétendu que les nombreux autres groupes armés en activité lors du conflit pouvaient avoir commis les crimes dont il est accusé. De plus, M. Bemba se défend en affirmant que, une fois que ses troupes avaient pénétré en-RCA, il n’avait plus aucun contrôle sur elles puisqu’elles étaient passées sous le commandement de M. Patassé.

Mais le ‘‘témoin 173’’ a affirmé que les troupes du MLC qui étaient en RCA étaient commandées par le général Mustafa Mukiza, qui avait des « contacts réguliers » avec M. Bemba auprès de qui le général prenait directement ses ordres. Le témoin a affirmé être resté un certain temps pendant la durée du conflit avec le général Mukiza.

La prétendue communication aurait été effectuée par téléphone portable et par téléphone par satellite. Il n’a pas été possible, à partir du témoignage entendu en séance publique, de déterminer les circonstances qui avaient amené le témoin à intégrer la compagnie du général Mukiza.

« Je crois qu’ils [Bemba et Mustafa] communiquaient régulièrement car Mustafa devait lui rendre compte de la situation au front. Je crois qu’ils étaient en contact quotidiennement », a indiqué le témoin. C’est la réponse à l’interrogatoire mené par l’avocat de l’accusation Jean-Jacques Badibanga sur la fréquence des communications entre M. Bemba et le général Mustafa.

Un grand nombre de témoins à charge, y compris le procureur général centrafricain, ont témoigné que les troupes du MLC en RCA étaient sous le commandement de M. Patassé.

Lors du contre-interrogatoire mené par la défense, le témoin a affirmé que les informations qu’il avait fournies concernant la prétendue collaboration entre la garde présidentielle de la RCA et les soldats de M. Bemba provenaient de sources secondaires.

« Avez-vous entendu les conversations échangées entre M. Bemba et le ministre de la défense de la RCA ? », a demandé l’avocat de la défense Aimé Kilolo-Musamba au témoin.

« Non », a répondu le témoin.

À la même question relative aux échanges entre M. Bemba et le chef d’état-major centrafricain, le ‘‘témoin 173’’ a répondu une nouvelle fois par la négative.

Dans son témoignage précédent, le ‘‘témoin 173’’ avait également affirmé que les officiers de la garde présidentielle avaient partagé des renseignements militaires avec les soldats de M. Bemba. Cependant, lorsque M. Kilolo-Musamba a demandé au témoin comment il avait appris cette collaboration, le témoin a répondu qu’il avait obtenu cette information auprès de certains chefs anonymes du MLC.

Le témoin a déclaré que, bien que le MLC possédait un code de conduite pour ses combattants, ces règles étaient ignorées sur le champ de bataille. Il a précisé avoir eu connaissance de ce code par un des dirigeants de ce groupe.

Dans son exposé introductif présenté au début du procès en novembre dernier, le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a déclaré que M. Bemba avait promulgué un code de conduite qui était applicable à tous les soldats du MLC mais que la plupart d’entre eux ne connaissaient ni l’existence ni le contenu de ce code.

Le ‘‘témoin 173’’ a également été interrogé par les avocats qui représentent les victimes participant au procès. Répondant aux questions de Marie-Edith Douzima-Lawson sur le rôle d’Abdoulaye Miskine pendant le conflit, le témoin a indiqué que les troupes placées sous le commandement de M. Miskine fonctionnaient indépendamment du MLC mais étaient responsables de nombreux meurtres.

« La moitié des crimes commis dans le PK 13 (une banlieue de Bangui, la capitale du pays) ont été commis par Abdoulaye Miskine », a affirmé le témoin.

M. Miskine commandait une unité spéciale commando qui n’appartenait pas à l’armée centrafricaine et qui a mené des tentatives de coup d’état contre le président Patassé. Il rendait compte directement au président et son unité a été citée plusieurs fois par la défense de M. Bemba comme figurant parmi les nombreux groupes armés qui auraient pu commettre les crimes pour lesquels il était accusé.

Le procès se poursuivra lundi prochain.

 


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