Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Le témoin qui comparaît actuellement au procès du chef d’opposition congolais Jean-Pierre Bemba qui se déroule devant la Cour pénale internationale (CPI) a exprimé aujourd’hui son inquiétude quant à la sécurité de sa famille. Le témoin n’a toutefois pas détaillé ses préoccupations en séance publique.

Cyprien-Francis Ossibouyen, qui témoigne à visage découvert, a déclaré que, alors qu’il travaillait en tant que technicien pour la société centrafricaine de transport fluvial, il avait, à de nombreuses reprises, transporté par ferry M. Bemba et ses combattants sur la rivière Oubangui entre leur base congolaise et la RCA. Il a également relaté les atrocités commises par les soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) dirigé par l’accusé lors de leur déploiement dans des villes centrafricaines en 2002 et 2003.

Au début de l’audience de la matinée, M. Ossibouyen a affirmé qu’il avait eu quelques nouvelles de ses proches par téléphone qui l’avaient perturbé. Indiquant que les juges ignoraient la nature de ces inquiétudes, le juge président Sylvia Steiner a ordonné la poursuite de l’audience à huis clos. Dès la reprise, le juge Steiner a ajourné la séance pour 30 minutes « afin que la chambre décide si vous [le témoin] pouvez poursuivre votre témoignage en séance publique ou à huis clos ».

Lorsque l’audience a repris, la nature des préoccupations de M. Ossibouyen au sujet de sa famille est demeurée vague bien qu’il ait affirmé qu’il souhaitait poursuivre son témoignage en public.

Le juge Steiner a promis que l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (VWU) prendrait toutes les mesures possibles pour s’assurer que les membres de la famille du témoin soient en sécurité.

Le VWU est un département de la CPI chargé de la protection des personnes collaborant avec la Cour, notamment de celles qui témoignent au cours d’un procès. Il garantit leur sécurité et celle de leur famille, propose des conseils ainsi qu’un soutien psychologique et d’autres aides aux personnes qui seraient menacées à la suite de leur participation à un procès de la CPI.

Sur les 32 témoins à charge entendus jusqu’à présent au procès Bemba, une large majorité a témoigné avec des mesures de protection afin de ne pas divulguer leur identité. De plus, le nom des personnes, lieux et organisations sont souvent cités à huis clos afin qu’il soit plus difficile pour le public de déterminer les identités de ces personnes pour éviter qu’elles ne subissent des représailles.

En février dernier, le ‘‘témoin 42’’ qui était en train de témoigner, avait informé la Cour que son fils avait été attaqué avec une hache. Ce témoin comparaissait avec des mesures de protection telles que la déformation numérique de la voix et du visage.

Plus récemment, dans une décision de septembre 2011, les juges de première instance ont rejeté une nouvelle demande, déposée par M. Bemba, de libération conditionnelle du centre de détention de la CPI. Les juges ont fait valoir des motifs relatifs aux pressions exercées sur les témoins et à l’accès de M. Bemba à des aides matérielles et financières pour qu’il poursuive sa détention.

Les juges de première instance ont indiqué que « plusieurs incidents » avaient été signalés depuis juillet 2011 lors desquels des menaces auraient été faites contre des témoins de l’accusation et leurs familles en lien avec leurs témoignages apportés devant la Cour. Ils ont ajouté, « La chambre constate avec inquiétude que les menaces contre les témoins semblent être apparues au moment précis où la présentation des éléments de l’accusation est passé de simples témoins des crimes à des témoins dont les témoignages sont directement liés à la question de la responsabilité de l’accusé et qui peuvent avoir un effet déterminant sur l’affaire ».

M. Bemba a fait appel de cette décision.

Entretemps, cet après-midi, l’accusation a interrogé M. Ossibouyen qui a donné des détails sur les atrocités censément commises par le MLC. Selon lui, le MLC tirait souvent des coups de feu pour intimider les gens. Lors d’un incident dans le ferry que pilotait M. Ossibouyen, les soldats du MLC qui avaient agressé environ 40 femmes centrafricaines avaient tué l’une d’entre elles.

« Les coups de feu ne manquaient pas. Il y avait trop de fusillades destinées à intimider tous les gens. C’est lors de ces coups de feu qu’une femme a été touchée par une balle », a indiqué M. Ossibouyen. Il a précisé que le corps de la femme était tombé par-dessus bord et avait flotté à la surface de l’eau pendant trois jours.

Le témoin a également déclaré que sa tante et sa grand-mère avaient été victimes de balles perdues tirées par le MLC.

« Elle [la grand-mère] était chez elle, dans le quatrième quartier de la ville, sous sa véranda quand une balle perdue l’a touchée. C’est ainsi qu’elle est morte », a indiqué M. Ossibouyen.

Pendant les années 2002 et 2003, le MLC, la milice personnelle de M. Bemba, était présente en RCA afin d’aider le président de l’époque, Ange-Félix Patassé, à combattre un soulèvement contre son régime. Les procureurs de la CPI accusent les soldats du MLC d’avoir sans discernement tué, violé et pillé la population civile du pays, leur commandant en chef, M. Bemba, faisant preuve d’inaction tout en ayant connaissance de la situation. Il a plaidé non coupable.

La défense débutera le contre-interrogatoire de M. Ossibouyen demain matin.

 


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