Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Deux juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont refusé de se récuser de la commission qui déterminera les réparations que l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba devra payer aux victimes de ses crimes.

Dans un mémo destiné à la présidence de la Cour, les juges Geoffrey Henderson et Chang-ho Chung nient avoir fait preuve d’un préjugé à l’encontre de M. Bemba et citent plusieurs inexactitudes présentes dans sa demande de récusation des juges de la Chambre de première instance III datant du 28 février 2018. Hormis Henderson et Chung, la requête de récusation s’applique également au juge Joyce Aluoch mais ses fonctions en tant que juge de la CPI prennent fin au mois de mars.

Les deux juges, dont le mémo expurgé a été publié le 24 mai, ont déclaré qu’ils avaient longuement réfléchi aux décisions qu’ils avaient prises tout au long de la procédure en réparations et avaient conclu qu’il n’était pas nécessaire qu’ils se récusent de la procédure et qu’aucun motif ne justifiait leur récusation.

Dans sa requête de récusation, l’avocat de la défense Peter Haynes a affirmé que, étant donné le modèle de la décision qui a été émise par la Chambre de première instance III dans la conduite de la procédure en réparations, « la perception raisonnable d’une prédisposition » à l’encontre de M. Bemba faisait jour.

Il a accusé la Chambre d’être déterminée à rendre une ordonnance accordant réparations avant que la décision dans l’appel de M. Bemba de sa condamnation ne soit prononcée. Il a également critiqué la Chambre pour avoir exclu la défense des deux réunions du mois de décembre 2016 qui, selon lui, débattaient des réparations.

Selon Me Haynes, les manquements de la Chambre de première instance III à inclure M. Bemba dans les réunions ex parte relatives aux réparations et à ne pas avoir divulgué le rapport de ces réunions à M. Bemba dans un délai raisonnable donnent lieu à des soupçons raisonnables de partialité.

Dans leur mémo, les juges ont qualifié d’inappropriées les allégations de M. Bemba selon lesquelles les parties à la procédure en réparations « avaient l’opportunité d’avancer d’autres arguments et d’entamer des discussions » sur des questions importantes qui étaient essentielles pour la procédure en réparations « devant la Chambre ». Ils ont déclaré qu’aucun juge ou membre du personnel juridique impliqué dans l’affaire Bemba n’avait assisté aux réunions.

Les juges ont souligné que les réunions en questions n’avaient pas été initiées par la Chambre mais par le Fonds au profit des victimes (FPV) et qu’aucune question d’importance pour la procédure n’y avait été débattue. Ils ont ajouté que, toutefois, le FPV n’avait pas informé la Chambre qu’il organisait des réunions avec les autres parties en excluant la défense.

Les juges ont également indiqué que, à aucun moment, ils avaient déclaré avoir l’intention d’émettre une ordonnance de réparation avant que le jugement d’appel ne soit rendu. Ils ont plutôt suggéré que d’agir en ce sens était autorisé par le cadre législatif de la Cour puisqu’il s’agissait de l’approche adoptée dans l’affaire Lubanga.

Au moment où la demande de récusation a été déposée, la procédure en réparations était portée devant la Chambre de première instance III depuis plus de 18 mois. Les juges ont précisé que, pendant cette période, ils avaient pris les dispositions nécessaires et logiques pour l’objectif ultime d’émettre une ordonnance accordant réparations. « La décision de passer par ces étapes a été prise après un examen attentif de la mise en balance de l’utilisation des ressources de la Cour et de l’obligation de la Chambre de promouvoir une conduite efficace et rapide des réparations », ont-ils ajouté.

Ils ont, de plus, indiqué que la Chambre avait toujours pris des mesures pour s’assurer que les droits de M. Bemba relatifs à l’appel de sa condamnation soient protégés. Si sa condamnation est modifiée par les juges d’appel, il aura la possibilité de déposer des observations sur les modifications apportées, concernant l’ordonnance de réparation. La Chambre a également spécifié que l’exécution de toute ordonnance de réparation ne se produira que si la condamnation de M. Bemba est confirmée en appel.

Les juges Henderson et Chung ont également qualifié d’inappropriées les allégations de M. Bemba selon lesquelles la Chambre avait permis aux avocats des victimes d’informer les experts indépendants qui conseillaient les juges sur l’attribution de réparations. Ils ont précisé que bien que la Chambre ait empêché les réunions entre les experts et les parties à la procédure, les représentants légaux des victimes ont été contactés pour apporter leur aide dans la mise en place des réunions entre victimes et experts.

Les juges se rencontreront le 13 juin pour débattre en session plénière de la demande de récusation.


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