Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

L’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba et ses deux anciens avocats, avec lesquels il a été condamné pour subornation de témoin devant la Cour pénale internationale (CPI), ont demandé aux juges de ne pas les renvoyer en prison. Le trio souhaite que les juges conservent les peines antérieures qu’ils ont prononcé à leur encontre en mars 2017, avant que la Chambre d’appel de la Cour ne lui ordonne de prononcer de nouvelles peines.

Dans une demande déposée le 1er juin, les avocats de M. Bemba ont demandé qu’il reçoive une peine de prison de 12 mois, qu’il ne purgerait pas car il a déjà passé une période plus longue en détention provisoire, plus « une forte amende ». M. Bemba a été initialement condamné à une peine de prison d’un an et à une amende de 300 000 €.

Aimé Kilolo Musamba, qui était l’avocat principal de M. Bemba et Jean-Jacques Mangenda Kabongo, l’ancien chargé de dossier de la défense, ont demandé aux juges de conserver leurs peines initiales ou bien de prononcer des peines moins lourdes. Dans la décision d’appel du mois de mars dernier, les juges ont infirmé un tiers des condamnations prononcées à l’encontre des trois personnes (présentation de faux témoignages oraux) mais ont confirmé les condamnations pour avoir apporté des faux témoignages et avoir suborné des témoins.

Kilolo a été initialement condamné à une peine de deux ans et demi d’emprisonnement avec un crédit de 11 mois qu’il a déjà purgé en détention provisoire. Les juges ont ordonné la suspension du reste de la peine d’emprisonnement pour une période de trois ans à la condition que M. Kilolo paye une amende de 30 000 € et qu’il ne récidive pas. M. Mangenda a été condamné à 11 mois de prison, avec un sursis de deux ans.

En ordonnant de nouvelles peines, la Chambre d’appel a statué que la Chambre de première instance VII avait commis des erreurs en déterminant la gravité des délits par l’utilisation « d’une considération non pertinente » et avait « considéré indûment que la forme de responsabilité pour les condamnations au titre de l’article 70(1)(a) du Statut de Rome garantissait per se une réduction des peines correspondantes ». La Chambre de première instance a également conclu avoir agi au-delà de ses compétences juridiques en suspendant le reste des peines de prison prononcées à l’encontre de M. Mangenda et M. Kilolo.

Les avocats de M. Bemba soutiennent que les erreurs identifiées par la Chambre d’appel ne justifiaient aucune augmentation de la peine totale de prison qui lui a été infligée. Ils ont affirmé que la peine de prison unique de M. Bemba devrait demeurer à 12 mois.

« Si des ajustements sont requis, il serait adéquat de les faire par le biais d’un calcul par la Chambre de l’amende spécifique qui doit être payée par M. Bemba », ont déclaré ses avocats.

Le procureur Fatou Bensouda a allégué que M. Bemba et M. Kilolo méritaient une peine qui soit proportionnelle à leur responsabilité pénale pour avoir contribué à des faux témoignages de 14 des 34 témoins qui ont témoigné à décharge pour M. Bemba lors de son procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. M. Bemba a été acquitté le mois dernier en appel dans ce procès. Me Bensouda a indiqué que la peine de M. Mangenda devrait de même refléter la véritable étendue de son assistance aux faux témoignages de neuf témoins.

Dans des observations datant du 4 juin, l’avocat de la défense Christopher Gosnell a suggéré que la peine de M. Mangenda devrait être réduite à la durée déjà purgée. Il a déclaré qu’une conversion automatique de la peine avec sursis en peine d’incarcération physique aboutirait précisément au « résultat injuste » que la Chambre de première instance avait antérieurement indiqué comme étant inappropriée pour M. Mangenda.

Me Gosnell a estimé que la Chambre d’appel ne suggérait pas que la décision antérieure de la Chambre de première instance de ne pas incarcéré de nouveau M. Mangenda était fausse ou constituait un abus de son pouvoir discrétionnaire. Cela ne modifiait pas également la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle M. Mangenda ne devrait pas être remis en détention. « Et tout, le laps de temps, la période de conformité avec les conditions de la peine avec sursis désormais non valide et l’annulation de 38 pour cent des chefs d’accusation pour lesquels M. Mangenda a été reconnu coupable, renforcent cette conclusion », a déclaré Me Gosnell.

Entretemps, l’avocat de la défense Michael G. Karnavas a soutenu que l’annulation des deux tiers de la condamnation de M. Kilolo et l’erreur dans le calcul des dates de certains des délits pour lesquels il a été condamné, devraient entraîner une réduction de la peine initiale. Il a ajouté que la conduite imputée de manière erronée devrait être retirée.

Soutenant qu’il n’y avait aucune raison convaincante ou rationnelle qui justifie la poursuite d’une incarcération ou l’augmentation de l’amende imposée à M. Kilolo, Me Karnavas a argué que la Chambre d’appel n’avait pas conclu que la Chambre de première instance avait abusé de son pouvoir discrétionnaire ou que la peine infligée était manifestement inadéquate ou disproportionnée par rapport aux délits. « La Chambre d’appel a renvoyé cette affaire afin que la Chambre de première instance puisse réexaminer ses conclusions, approfondir son raisonnement et prononcer une peine qui soit en accord avec les conclusions de la Chambre d’appel », a-t-il soutenu.

L’avocat de M. Kilolo a déclaré qu’une peine de cinq ans serait « manifestement injuste, disproportionnée par rapport aux délits et ne reflèterait pas les conclusions de la Chambre d’appel ». Selon lui, la peine demandée par l’accusation n’a été faite que par pur esprit de vengeance.

L’accusation a demandé aux juges de prononcer pour chacune des trois personnes la peine maximum de cinq ans et a également déclaré qu’elle se féliciterait de l’imposition d’une amende. Le procureur Fatou Bensouda a également demandé aux juges d’ordonner à M. Kilolo et à M. Mangenda de retourner en détention pour purger les nouvelles peines qui leur seraient infligées. Les deux personnes ont été libérées du centre de détention de la CPI en octobre 2014, après avoir passé 11 mois en détention provisoire.

La Chambre de première instance VII devrait prononcer de nouvelles peines pour le trio après l’audience de détermination de peine prévue le 4 juillet.


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