Les juges d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) ont maintenu les peines antérieurement imposées à l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba et à ses deux anciens avocats pour subornation de témoin. Aucun d’entre eux ne retournera en prison. Dans un jugement émis le 17 septembre 2018, les juges ont décidé que les peines imposées avaient un effet dissuasif suffisant et que le temps que le trio avait précédemment passé en détention était proportionnel à la gravité des infractions pour lesquelles ces personnes avaient été condamnées.
En présentant un résumé de la décision, le juge président Bertram Schmitt a indiqué que bien que l’accusation ait demandé aux juges d’imposer la peine de prison maximum de cinq ans plus une forte amende à chacune des personnes condamnées, les juges n’avaient pas estimé approprié de s’éloigner des peines précédemment prononcées en mars 2017. Il a ajouté que la Chambre de première instance VII avait estimé que les considérations antérieures en matière de peine restaient en grande partie pertinentes même après que la décision en appel ait annulé les peines. Il a déclaré que la Chambre d’appel « n’avait trouvé des erreurs que sur des points mineurs » dans la décision sur la peine précédente.
Comme c’était le cas dans la peine antérieure, l’ancien chargé de dossier de la défense, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, s’est vu infliger une peine de 11 mois de prison. Toutefois, après déduction du temps passé en détention provisoire, la Chambre a considéré que la peine avait été purgée.
De même, les juges ont estimé que la peine de 11 mois de prison qu’ils avaient prononcé à l’encontre de l’ancien chef de l’équipe de défense, Aimé Kilolo Musamba, était purgée. Les juges ont également maintenus l’amende de 30 000 € imposée à M. Kilolo. La peine de M. Bemba a été maintenue à 12 mois d’emprisonnement (considérés comme purgés) plus une amende de 300 000 €. Il a été ordonné que les amendes soient payées à la Cour dans les trois mois puis qu’elles soient ensuite transférées au Fonds au profit des victimes.
La commission des juges, composée des juges Schmitt, Marc Perrin de Brichambaut et Raul Pangalangan, a rejeté la demande de l’accusation de prononcer des peines maximum étant donné les effets présumés de leur conduite sur l’acquittement de M. Bemba dans son procès principal pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
« L’accusation a fait valoir que les témoignages falsifiés et contestés présentés par les personnes condamnées avaient affecté la procédure d’appel dans le procès principal. L’accusation a soutenu que l’acquittement attestait des dommages causés par le comportement des personnes condamnées et constituait des circonstances aggravantes. La Chambre n’a pas suivi cette argumentation », a déclaré le juge Schmitt.
Soulignant que l’affaire de subornation de témoin était indépendante du procès principal, le juge a ajouté : « Cela signifie qu’aucune des conclusions de la Chambre sur les éléments de preuve de cette affaire n’a été affectée de quelque façon par le jugement en appel du procès principal ». Cela signifie également que, afin d’évaluer jusqu’à quel degré les témoins subornés ont affecté le fond de l’affaire principale, la Chambre aura absolument besoin d’examiner le dossier de l’affaire principale, ce qui équivaudrait à écarter les orientations établies par les juges dans l’affaire de subornation de témoins.
En outre, le juge Schmitt a déclaré qu’il n’y avait « absolument aucune indication » que la majorité de la Chambre d’appel du procès principal se soit appuyée sur les témoin corrompus. Il a précisé, « L’accusation n’a manifestement pas réussi à établir un lien de causalité entre les motifs de la condamnation des trois personnes et le jugement en appel de l’affaire principale. Cela signifie que la Chambre ne peut considérer l’acquittement du procès principal comme une circonstance aggravante à appliquer dans l’affaire actuelle ».
En octobre 2016, M. Bemba, M. Kilolo et M. Mangenda, aux côtés du membre du parlement congolais Fidèle Babala Wandu et de l’ancien témoin de la défense Narcisse Arido, ont été déclarés coupables d’avoir suborné des témoins et sollicité des faux témoignages dans le procès principal de M. Bemba. Les peines de M. Wandu et de M. Arido, respectivement de 6 et 11 mois d’emprisonnement, n’ont pas été annulées par la Chambre d’appel.
Après les arrestations de novembre 2013, les coaccusés de M. Bemba ont été mis en liberté provisoire en octobre 2014 après avoir passé 11 mois en détention provisoire. M. Bemba est resté en détention jusqu’en juin dernier lorsque les juges ont annulé sa condamnation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité et l’ont ensuite libéré après près de 10 ans de détention. Il a été condamné à 18 ans de prison pour ces crimes en juin 2016.