Le procès de

Jean-Pierre Bemba Gombo

L’accusé

Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont confirmé les charges de subornation de témoin portées à l’encontre de Jean-Pierre Bemba et de quatre de ses associés puis les ont inculpés.

La chambre préliminaire II a conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que M. Bemba, ses deux anciens avocats, un témoin de la défense et un parlementaire congolais aient mis en place une « stratégie » pour présenter de faux témoignages au procès de M. Bemba pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui se tient actuellement.

Les crimes présumés comprennent la corruption de 14 témoins de 2011 à novembre 2013 dans divers lieux, notamment les Pays-Bas, la Belgique, la Suède, le Portugal, la République du Congo, la République démocratique du Congo et le Cameroun.

Les témoins impliqués sont le ‘témoin D04-02’, le ‘témoin D04-03’, le ‘témoin D04-04’, le ‘témoin D04-06’, le ‘témoin D04-13’, le ‘témoin D04-15’, le ‘témoin D04-23’, le ‘témoin D04-25’, le ‘témoin D04-29’, le ‘témoin D04-54’, le ‘témoin D04-55’ ,le ‘témoin D04-57’ et le ‘témoin D04-64’.

Dans une décision du 11 novembre 2014, les juges ont rejeté les charges portées par le procureur selon lesquelles l’accusé avait produit comme éléments de preuve 14 documents faux ou falsifiés. Ils ont conclu qu’il n’y avait aucune preuve laissant croire que les suspects savaient que les documents étaient faux et qu’ils les avaient utilisés de mauvaise foi.

En novembre dernier, de nouvelles charges relevant de l’article 70 du Statut de Rome ont été portées à l’encontre de M. Bemba et de ses avocats de la défense de l’époque, Aimé Kilolo et Jean-Jacques Mangenda Kabongo. Le témoin de la défense Narcisse Arido et le parlementaire congolais Fidèle Babala Wandu ont été également accusés.

La chambre préliminaire a conclu que puisqu’il était « en charge » de l’équipe de défense, M. Kilolo contactait « régulièrement » les témoins avant et pendant leurs témoignages et les « informait » sur le contenu des réponses qu’ils devaient apporter ainsi que sur les informations qu’ils devaient ne pas divulguer pendant leurs dépositions. Les contacts présumés comprennent des appels téléphoniques, des réunions physiques à Douala et à Yaoundé, deux villes camerounaises, et pendant les pauses entre les audiences.

M. Kilolo aurait effectué « une série de virements de montants différents à certains témoins ». Lors d’une réunion avec quatre témoins à Douala, il aurait donné à chacun d’eux 50 € « d’argent de poche ». L’avocat de la défense aurait également fourni aux témoins des casques pour téléphones portables et leur aurait conseillé d’acheter des cartes SIM afin de rester en contact avec lui une fois que l’Unité d’aide aux victimes leur aurait retiré leurs téléphones personnels au moment de témoigner.

Dans une autre réunion à Yaoundé, il aurait indiqué à deux témoins les sujets abordés pour leurs témoignages à venir. Ces indications comprenaient la date à laquelle les combattants de M. Bemba étaient arrivés en République centrafricaine (RCA), leur « degré d’implication » dans les pillages et dans les autres crimes, les noms des gradés des forces armées centrafricaines ainsi que la logistique et les déplacements des troupes.

À cette occasion, les deux témoins auraient reçu de la part de l’avocat de la défense 25 € chacun pour leurs dépenses de transport. Un des témoins aurait également reçu 500 000 francs centrafricains (955 $ US) en « cadeau » de la part de M. Bemba pour avoir accepter de témoigner en sa faveur. Ce témoin aurait ensuite reçu 128 $ US via Western Union alors que son collègue aurait reçu 540 000 FCA (1 031 $ US). M. Kilolo aurait également indiqué aux témoins de nier tout contact ou interaction récents avec la défense ainsi que tout virement ou remboursement reçu en tant que témoin de la défense.

Les juges ont précisé que les preuves indiquaient que, durant toute la période des charges, M. Mangenda « avait connaissance » de la conduite de M. Kilolo et des éventuelles conséquences légales de ses actes.

En tant que chargé de la gestion des dossiers de la défense, M. Mangenda aurait joué un rôle « d’intermédiaire » entre M. Kilolo et M. Bemba concernant les virements et le contenu des témoignages. Les déclarations de deux témoins montrent qu’il avait assisté à la réunion de Yaoundé et donné des téléphones portables aux témoins.

M. Mangenda aurait également « activement » conseillé M. Kilolo sur la meilleure façon de faire croire à M. Bemba qu’ils avaient besoin de plus d’argent pour les témoins « négligés », comme une sorte de stratégie pour s’enrichir. Les juges ont estimé que les deux avocats avaient caché aux autres membres de l’équipe de défense leurs actes et que leur principal objectif était « de faire plaisir à M Bemba et de mettre en œuvre ses instructions, de s’assurer qu’il soit et qu’il demeure satisfait de leur travail ».

Les juges ont conclu que, en tant que « financier », M. Wandu avait viré des sommes d’argent « considérables » à des témoins et aux deux avocats de la défense. Les éléments de preuve présentés montrent qu’il avait personnellement ou par le biais de son employé viré un montant total de 1 365 dollars US aux familles de deux témoins.

Les enregistrements des appels téléphoniques prouvent que le parlementaire congolais s’entretenait régulièrement avec M. Bemba, parfois plus d’une fois par jour. Les deux personnes ont utilisé des « codes » pour faire allusion aux virements d’argent.

Concernant M. Arido, les juges ont estimé qu’il avait recruté des témoins de la défense éventuels en « exploitant » leurs situations personnelles et en les poussant à faire un faux témoignage « car ils s’imaginaient » que cela leur donnera un meilleur avenir.

Il a présenté les quatre témoins à M. Kilolo, après leur avoir ordonné de lui mentir sur le fait d’avoir servi dans l’armée de RCA.

Durant l’année 2012, M Arido aurait reçu plus de 7 000 $ US par virement de la part de M. Kilolo et de M. Wandu. A l’époque, il devait témoigner en faveur de la défense mais il n’a jamais embarqué à bord du vol qui lui avait été réservé pour se rendre à La Haye.

Les juges ont fait remarquer que bien que, du fait de sa détention, M. Bemba n’avait pas directement payé ou coaché les témoins, « il était à l’origine d’un grand nombre d’actes commis par les autres suspects et était systématiquement informé de la nature des actes et de leurs résultats ». L’accusé a notamment, par trois fois, parlé aux trois témoins par téléphone sous le prétexte de passer des communications confidentielles.

Si ni la défense ni l’accusation ne fait appel de la décision de confirmation, la présidence de la Cour constituera une chambre pour juger les cinq personnes. M. Bemba reste en détention à la CPI pour son procès qui se déroule actuellement alors que ses quatre co-accusés ont été libérés le mois dernier.