Mardi, le 9 janvier, les avocats de Jean-Pierre Bemba ont soutenu lors de l’audience d’appel qui s’est tenue à la Cour pénale internationale (CPI) que l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo avait été privé d’un procès équitable et que ses témoignages à décharge avaient été rejetés sans justification, ce qui a conduit à sa condamnation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
En mars 2016, la Chambre de première instance III a condamné M. Bemba pour des crimes commis 15 ans auparavant en République centrafricaine (CAR). À l’audience, l’avocat de la défense Peter Haynes a critiqué les juges de la Chambre de première instance pour avoir autorisé l’accusation à avoir accès aux communications confidentielles échangées entre M. Bemba et ses avocats et pour avoir admis en tant que preuve des témoignages de l’accusation sans permettre à M. Bemba de donner sa propre version de l’histoire.
Me Haynes a déclaré que l’accusation avait fait plusieurs observations ex parte sur la crédibilité des témoins de la défense et des avocats de M. Bemba mais bien que certaines allégations étaient inexactes, elles sont restées incontestées. Me Haynes a également soutenu que le 7 septembre 2011, les juges avaient entendu la déposition du témoin P178 en l’absence des avocats de M. Bemba, qui n’ont jamais eu la possibilité de le contre-interroger.
Dans son témoignage qui s’est déroulé sur l’ensemble de la semaine, le témoin P178, un ancien membre du groupe rebelle de M. Bemba, le Mouvement pour la libération du Congo (MLC), a témoigné au sujet des commandants supérieurs et a soutenu que M. Bemba avait pris des biens volés. Lors de son témoignage, les audiences ont marqué une pause pour des motifs non communiqués puis la déposition de ce témoin a été entendue à huis clos.
Helen Brady de l’accusation a toutefois déclaré que l’audience, menée en l’absence de la défense, avait trait à la sécurité du témoin P178 et n’avait pas abordé les questions de fond de cette affaire. Me Haynes a rétorqué que, lors de cette audience, le témoin P178 avait fait des allégations « particulièrement pernicieuses » concernant directement des questions pertinentes pour l’affaire et avait fait une critique « sensiblement erronée » des témoins de la défense, de l’accusé et des avocats de la défense.
Selon Me Haynes, les juges ont rejeté une demande de la défense de rappeler le témoin P178 après que l’on ait appris qu’il avait élaboré un plan pour 22 témoins de l’accusation destiné à extorquer de l’argent à la Cour. Il a indiqué que le témoin P178 était prêt à retourner devant la Cour pour témoigner au sujet de ces allégations.
Les membres de l’équipe de l’accusation ont eu accès à des communications interceptées entre M. Bemba et deux de ses avocats lorsqu’ils enquêtaient sur la subornation de témoin. Les trois personnes, avec deux autres assistants de M. Bemba, ont été condamnés en 2016 pour subornation de témoin lors d’un procès distinct. Ils ont fait appel de leur condamnation.
Me Haynes a également déclaré que les juges de première instance « avaient refusé d’accepter tous les témoignages à décharge présentés par la défense », notamment ceux des témoins experts comme celui de l’ancien général de l’armée française Jacques Seara, celui de l’ancien chef d’état-major de l’armée centrafricaine et ceux de commandants supérieurs du MLC qui, selon la défense, exerçaient un « contrôle effectif » sur les troupes qui ont commis des crimes.
Dans leur décision de condamnation, les juges ont décidé que M. Bemba avait conservé le contrôle effectif de ses troupes déployées en RCA, bien qu’il soit resté dans le Congo voisin.
La défense a également affirmé que la latitude donnée aux représentants légaux des victimes pour participer au procès « était erronée et injuste ».
Me Brady a cependant déclaré que bien que la violation des droits d’un accusé à un procès équitable figure parmi les motifs spécifiés par l’article 81 du Statut de Rome pour faire appel d’une décision, il faut, pour qu’un appel aboutisse, que les atteintes au droit à un procès équitable doivent avoir un impact sur la décision de condamnation. « Toute violation ne rend pas la totalité du procès injuste ou rend impossible le fait de s’appuyer sur l’ensemble des preuves ou constitue une erreur judiciaire », a-t-elle ajouté.
La Chambre d’appel est constituée des juges Christine Van den Wyngaert (juge présidente), Sanji Mmasenono Monageng, Howard Morrison, Chile Eboe-Osuji et Piotr Hofmański. Il s’agit de l’audience portant sur l’appel de M. Bemba de sa condamnation ainsi que sur les appels de la défense et de l’accusation de la peine de prison à 18 ans qui a été prononcée à son encontre.
Les audiences devraient se poursuivre tout le long du weekend et se conclure mardi prochain.