Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

L’homme politique congolais Jean-Pierre Bemba et ses deux anciens avocats avec lesquels il a été condamné devant la Cour pénale internationale (CPI) recevront de nouvelles peines pour subornation de témoins. Les deux autres personnes, qui ont été également condamnées lors du même procès, ont eu leurs peines confirmés par les juges d’appel.

Selon la Chambre d’appel, il était nécessaire de prononcer de nouvelles peines pour M. Bemba et ses anciens avocats, Aimé Kilolo Musamba et Jean-Jacques Mangenda Kabongo, dès qu’il a été établi que la Chambre d’appel avait commis des erreurs dans les critères utilisés pour déterminer leurs peines initiales.

En mars 2017, les juges ont prononcé des peines pour le trio, qui a été condamné en octobre 2016 pour subornation de 14 témoins et pour avoir présenté leurs faux témoignages devant la Cour. M. Bemba a été condamné à un an de prison et à une amende de 300 000 €, M. Kilolo a reçu une peine de deux ans et demi avec sursis plus une amende de 30 000 € tandis que M. Mangenda a été condamné à 11 mois de prison avec un sursis de deux ans.

La Chambre de première instance VII a condamné les cinq personnes pour infractions contre l’administration de la justice, conformément à l’article 70 du Statut de Rome. La disposition prévoit également que dans le cas d’une condamnation, les juges peuvent imposer une peine d’emprisonnement ne pouvant excéder cinq années, ou une amende, ou les deux. L’ensemble des verdicts de culpabilité a été confirmé en appel. La Chambre d’appel a confirmé les peines pour Fidèle Balala Wandu et Narcisse Arido (6 mois et 11 mois, respectivement) qui, au prononcé de la peine l’année dernière, ont été considérées par la Chambre de première instance comme purgées étant donné le temps qu’ils ont passé en détention provisoire.

Les juges d’appel ont cité l’article 83(2)(a) et l’article 83(2)(b) du statut de Rome, qui prévoit que si la Chambre d’appel conclut que des erreurs de fait, des erreur de droit ou des vices de procédure affectent sérieusement la peine, ou que des injustices affectent sa fiabilité, elle peut annuler ou modifier la peine, ou ordonner un nouveau procès devant une chambre de première instance différente. De plus, ils ont invoqué l’article 83(3), qui stipule que si la Chambre d’appel conclut que la peine est disproportionnée par rapport aux crimes,elle peut modifier la peine.

Les juges d’appel ont décidé que la Chambre de première instance avait commis un série d’erreurs en ce qui concerne les peines prononcées à l’encontre de M. Bemba, M. Mangenda et M. Kilolo. Ils ont conclu que les juges de première instance avaient déterminé la gravité des délits en utilisant « une considération non pertinente » et « avaient considéré indûment que la forme de responsabilité pour les condamnations relevant de l’article 70(1)(a) du Statut garantissait per se une réduction des peines correspondantes ».

Ils ont déclaré que les juges de première instance avaient fait une erreur lorsque, en évaluant la gravité des délits, ils avaient « donné un certain poids » à la considération selon laquelle les faux témoignages des témoins n’étaient pas liés au fond du procès principal mené à l’encontre de M. Bemba. La Chambre d’appel a indiqué que les fonctions de recherche de la vérité de la Cour n’étaient pas nécessairement moins éprouvées par les faux témoignages sur des questions touchant à la crédibilité des témoins qu’elles ne l’étaient par des faux témoignages sur des questions concernant le fond de l’affaire.

Deuxièmement, les juges d’appel ont été d’accord avec l’accusation sur le fait que la Chambre de première instance avait fait une erreur en donnant une peine moins importante pour des condamnations à l’encontre de M. Bemba et M. Kilolo pour avoir encourager et solliciter la commission de délits, par rapport aux délits qu’ils ont commis en tant que coauteurs, sur un mode de responsabilité exclusivement différent.

La Chambre d’appel a reconnu que la différence entre la commission d’un crime et la contribution à un crime commis par d’autres personnes devrait normalement se refléter par différents degrés de participation ou d’intention. Ils ont ajouté que, toutefois, cela ne signifiait pas que l’auteur principal d’un crime ou d’un délit méritait nécessairement une peine plus lourde que le complice de ce crime ou délit.

Troisièmement, ils ont également conclu que la Chambre de première instance avait agi au-delà de ses compétences juridiques en suspendant la durée restante de la peine d’emprisonnement imposée à M. Mangenda et M. Kilolo. Les juges d’appel ont également considéré que les peines prononcées à l’encontre des trois personnes avaient été affectées de manière importante par chacune de ces erreurs, qui nécessitaient une annulation des peines.

Dans ses observations, l’accusation a estimé que la Chambre d’appel pouvait imposer de nouvelles peines et a suggéré que les personnes condamnées soient condamnées à cinq ans de prison.

Cependant, M. Mangenda a suggéré que, si la Chambre d’appel concluait qu’il y avait une erreur dans la décision sur la peine, elle devra renvoyer la question devant la Chambre de première instance originale pour prononcer une nouvelle peine. Les avocats de M. Mangenda ont considéré qu’il s’agirait d’une approche efficace et rapide. Entretemps, la défense de M. Bemba a suggéré que, si les juges d’appel partageaient l’avis de l’accusation sur le fait que les peines étaient trop légères, ils pourraient préciser la gamme des peines appropriées, sans réellement en imposer une dans la présente affaire.

La Chambre d’appel a enfin considéré que, tout en notant les arguments avancés par M. Mangenda et M. Bemba, la solution la plus appropriée était de renvoyer la décision devant la Chambre qui avait statué à l’origine en tenant compte de la nature des délits et des erreurs identifiés.

Le mois dernier, le juge Bertram Schmitt, le juge unique de la Chambre de première instance VII, avait ordonné aux parties au procès de déposer de nouvelles observations sur les peines appropriées. Il a également ordonné au Greffe de la Cour de déposer des rapports mis à jour sur la solvabilité des personnes condamnées. Ces rapports, qui sont accessibles à l’accusation et à la personne correspondante concernée, ont été déposés confidentiellement.

Le juge Schmitt a souligné que, bien que la Chambre de première instance VII considère que l’audience tenue avant la décision sur la peine était suffisante, les parties au procès pouvaient déposer des observations pour justifier la nécessité d’une nouvelle audience.


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