Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Le chef d’opposition congolais Jean-Pierre Bemba ainsi que ses quatre complices, dont deux sont ses anciens avocats de la défense, ont été condamnés dans le procès pour corruption de témoins qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI). Leurs peines seront annoncées à une date ultérieure.

Les juges peuvent infliger, dans le cas d’une condamnation pour atteintes à l’administration de la justice visées à l’article 70 du Statut de Rome, une peine de prison ne pouvant excéder cinq ans de prison, ou une amende ou les deux. Les juges ont ordonné aujourd’hui que les personnes condamnées, hormis M. Bemba, resteraient en liberté conditionnelle jusqu’à la détermination de leur peine.

Bemba et ses anciens avocats Aimé Kilolo Musamba et Jean-Jacques Mangenda Kabongo ont été déclarés coupables de la subornation de 14 témoins – D-2, D-3, D-4, D-6, D-13, D-15, D-23, D-25, D-26, D-29, D-54, D-55, D-57 et D-64 – et de la présentation de leurs faux témoignages devant la Cour.

Kilolo a été déclaré, de plus, coupable d’avoir incité 14 témoins à apporter de faux témoignages tandis que M. Bemba a été condamné également pour avoir sollicité l’obtention de faux témoignage. Les juges ont également établi que M. Mangenda avait apporté son aide dans la production de faux témoignages de deux témoins et qu’il avait encouragé le faux témoignage de sept témoins. M. Mangenda a été acquitté des accusations d’assistance à l’apport de faux témoignages de cinq témoins.

Le membre du parlement congolais Fidèle Babala Wandu, qui est le plus proche confident de M. Bemba, a été déclaré coupable d’assistance à la subornation de deux témoins mais a été acquitté des mêmes charges pour douze autres témoins. M. Babala a également été acquitté des charges d’assistance à la production et à la présentation de faux témoignages.

Entretemps, Narcisse Arido, un ancien soldat de la République centrafricaine (CAR), a été déclaré coupable de subornation de trois témoins mais a été acquitté des accusations d’assistance à la présentation de faux témoignages ainsi que des accusations d’assistance à la production de faux témoignages.

Les faux témoignages sont pour la plupart des déclarations de témoins affirmant avoir servi dans l’armée de la RCA ou dans des forces rebelles en 2002-2003 lorsque les troupes de M. Bemba étaient présentes dans ce pays afin d’aider le gouvernement à combattre une tentative de coup d’état. Ces témoins ont soutenu que les troupes du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) n’étaient pas responsables des crimes commis lors du conflit et que les troupes congolaises étaient passées sous le commandement des généraux centrafricains.

Les juges ont établi que M. Bemba, M. Kilolo et M. Mangenda avaient convenu conjointement de faire pression de manière illicite sur les témoins de la défense afin de s’assurer qu’ils apporteront un témoignage en faveur de M. Bemba. Ils « ont adopté une série de mesures visant à dissimuler leurs activités illicites, telles que l’abus de la ligne confidentielle du Greffe dans le centre de détention de la CPI ou les virements d’argent aux témoins de la défense par le biais de tierces personnes ou de personnes proches de la défense ».

Ils ont déclaré que M. Kilolo et M. Mangenda avaient distribué en secret aux témoins de la défense de nouveaux téléphones sans en informer le Greffe et en violant ainsi la date limite imposée par les juges pour les contacts pour que M. Kilolo puisse rester en contact avec eux. « Ils ont également utilisé un code lorsqu’ils parlaient au téléphone, utilisant des codes lorsqu’ils faisaient référence à des personnes ou utilisant des expressions spécifiques… ce qui représente une subornation ou une préparation illicite des témoins », affirme le jugement sommaire prononcé aujourd’hui.

La décision d’aujourd’hui porte à huit le nombre de personnes condamnées par la Cour depuis sa création en 2002. Les personnes déjà condamnées sont Thomas Lubanga, Germain Katanga, Ahmed Al Faqi Al Mahdiet Jean-Pierre Bemba. Mathieu Ngudjolo Chui, un ancien chef d’une milice congolaise est la seule personne acquittée par la CPI.

Les coaccusés de M. Bemba ont été arrêtés le 23 et 24 novembre 2013, en Belgique, en République démocratique du Congo, en France et aux Pays-Bas. En octobre 2014, le juge Cuno Tarfusser avait ordonné leur mise en liberté provisoire, affirmant qu’une détention continue avant le procès était disproportionnée par rapport aux peines encourues pour les délits en question. Alors que ses coaccusés ont été libérés, M. Bemba était resté en détention en raison de son procès principal, dans lequel les juges ont rejeté à plusieurs reprises ses appels pour obtenir une libération provisoire.

Bemba fait appel actuellement de la peine de prison de 14 ans prononcée à son encontre en début d’année à la suite de sa condamnation unanime pour tous les crimes pour lesquels il était poursuivi dans son procès principal. L’appel a soulevé plusieurs questions en matière d’équité du procès découlant de l’affaire de subornation de témoin, notamment l’accès étendu des fonctionnaires de l’accusation aux communications confidentielles de la défense et à la stratégie de la défense ainsi que le manquement des juges de première instance à garantir à la défense dans le procès principal une opportunité de répondre aux allégations de subornation de témoin.


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