Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Pour son dernier jour de témoignage, le ‘‘témoin 73’’, le onzième à être cité à comparaître par l’accusation au procès de l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, a réaffirmé aujourd’hui qu’une personne qui s’était identifiée comme appartenant au personnel du bureau des réparations de la Cour pénale internationale (CPI) lui avait conseillé de faire de fausses déclarations.

Il a indiqué que cette personne, dont le nom n’a pas été donné en séance publique, l’a encouragé à mentir au sujet des biens perdus à cause de soldats appartenant au groupe de M. Bemba dans le but de demander des indemnisations plus importantes. Le témoin a, de plus, déclaré que cette personne lui avait conseillé de prétendre devant les enquêteurs de la CPI que sa fille avait été violée par un soldat congolais alors qu’elle avait eu avec lui des relations sexuelles consenties.

« Il a lui-même écrit certaines choses », a déclaré le ‘‘témoin 73’’ tout en expliquant que ce qu’il avait dit dans sa demande de participation au procès était faux. La demande avait été remplie par la personne anonyme que le témoin avait indiqué s’être présentée comme appartenant au personnel d’un bureau de la CPI chargé des réparations aux victimes. Le témoin a ajouté que pendant que cette personne l’aidait à remplir la demande, elle lui avait donné les conseils suivants : « Vous devriez dire que vos filles ont été violées. Ne dites pas que votre fille a eu une relation avec ces hommes ».

Vendredi dernier, ce témoin a renié certaines parties de sa déclaration faite aux enquêteurs de la CPI en 2008 dans laquelle il prétendait que sa fille avait été violée. Il a déclaré qu’il pensait que sa fille avait eu des relations sexuelles consenties avec un soldat du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) et a nié avoir jamais dit à quelqu’un que sa fille avait été violée.

Le ‘‘témoin 73’’ a également indiqué à la barre que la personne en question lui avait conseillé de gonfler la valeur des biens perdus à cause des soldats du MLC. Il a précisé que ce fonctionnaire avait écrit une somme de 300 000 francs comme valeur des biens perdus par la femme du témoin, alors qu’elle n’avait en réalité perdu que 30 000 francs. L’avocat de la défense Peter Haynes a montré au témoin sa demande de participation au procès qui portait sa signature. Le document comportait une liste d’éléments dont une literie, un poste de télévision, des ustensiles de cuisine, une machine de fabrication de briques et un cyclomoteur.

« Possédiez-vous une machine de fabrication de briques? », a demandé M. Haynes.

« Non, je n’en avais pas. Je créais mes propres briques à la maison en utilisant des cadres en bois. Je n’ai jamais eu ce type de machine », a répondu le témoin. Il a poursuivi en niant également avoir possédé un cyclomoteur. Le témoin a déclaré qu’aucun des éléments énumérés dans le document ne lui avait été volé puisqu’il n’en avait jamais possédé aucun.

« C’est une escroquerie. Je n’y suis pour rien », a précisé le ‘‘témoin 73’’. « Peut-être faisait-il [le présumé fonctionnaire de la CPI] cela afin d’obtenir un pourcentage sur les indemnisations, mais je n’en sais rien. Je voudrais dire que tout ce qui est dans ce document est faux. Je ne peux donc le confirmer ».

Selon le témoin, le présumé fonctionnaire de la CPI transportait avec lui des documents et une carte certifiant qu’il était un fonctionnaire de la CPI. Dans la maison de son voisin, où le ‘‘témoin 73’’ avait rencontré la première fois cette personne, il y avait neuf autres victimes qu’il aidait à remplir leurs formulaires.

« Les personnes présentes dans la maison de votre voisin ont-elles reçues les mêmes conseils que vous, à savoir de dire qu’elles avaient été victimes de crimes qu’elles n’avaient pas subis? », a interrogé M. Haynes.

Le témoin a répliqué, « Les victimes ont parfois exagéré et ont donné à cet homme des listes incroyables ». Il a indiqué que chaque personne, y compris le témoin, avait payé 2 500 francs pour être enregistré et assisté par cet homme. Selon le ‘‘témoin 73’’, certaines de ces personnes vivaient dans son quartier et il les connaissait bien. Il a donné leurs noms à huis clos.

Entretemps, le ‘‘témoin 79’’ a commencé aujourd’hui à déposer mais n’a témoigné que brièvement sur la présence de forces rebelles dans son quartier avant que les troupes de M. Bemba ne l’occupent. Le juge Sylvia Steiner a déclaré que des mesures de protection, notamment une déformation numérique de la voix et du visage et l’utilisation d’un pseudonyme, avaient été accordées au témoin. Cette personne apportera également une partie de son témoignage à huis clos.

De plus, sur recommandation de l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (VWU) de la Cour, qui a classé le ‘‘témoin 79’’ comme ‘‘vulnérable’’, les juges ont demandé aux parties de ne pas poser au témoin des questions qui pourraient lui causer des dommages psychologiques ou provoquer un nouveau traumatisme. Un psychologue sera également présent dans le tribunal afin de surveiller le témoin et un fonctionnaire du VWU sera assis près du témoin pour lui apporter toute l’aide nécessaire.

Les procureurs de la Cour pénale internationale (CPI) accusent les membres de l’armée personnelle de M. Bemba d’avoir utilisé le viol comme arme de guerre lorsqu’ils se sont rendus en RCA pour aider le président de l’époque, Ange-Félix Patassé, à repousser une tentative de coup d’état.

Bien que M. Bemba n’ait pas été présent dans ce pays, les procureurs soutiennent qu’il est pénalement responsable des viols, meurtres et pillages perpétrés par ses troupes. En effet, il n’a ni empêché ni puni les crimes commis par ses soldats bien qu’il ait eu connaissance du fait qu’ils avaient été commis.

Jusqu’à présent, la plupart des témoins cités à comparaître par l’accusation sont des victimes de viol mais quelques uns d’entre ces témoins ont eu leurs femmes ou leurs filles violées par des soldats qui appartiendraient au groupe de M. Bemba.

Le procès se poursuivra demain avec la déposition du ‘‘témoin 79’’.

 


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