Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Les deux témoins qui se présentaient à la barre cette semaine au procès de Jean-Pierre Bemba qui se déroule devant la Cour pénale internationale (CPI) ont déclaré que des ressortissants rwandais combattant dans le groupe dirigé par l’accusé ainsi qu’un général centrafricain figuraient parmi ceux qui avaient participé aux actes de violence sur les civils.

Le ‘‘témoin 209’’ a terminé sa déposition mercredi après avoir témoigné pendant plus de deux semaines. Il a été suivi à la barre par le ‘‘témoin 110’’. Ils ont tous deux bénéficié d’une déformation numérique du visage et de la voix afin de protéger leur identité.

Lundi, le ‘‘témoin 209’’ a affirmé que le général Ferdinand Bombayake, le commandant de la garde présidentielle de la République centrafricaine (RCA), avait tué son frère à l’aide d’un hélicoptère de combat fourni par le gouvernement libyen. « C’est Bombayake qui a tué mon frère aîné dans l’ambulance qui le transportait », a déclaré le témoin. Il n’a précisé en séance publique ni les circonstances dans lesquelles son frère avait été blessé ni ce qui avait justifié son évacuation par ambulance.

Lors du contre-interrogatoire mené par l’avocat de la défense Peter Haynes, le ‘‘témoin 209’’ a indiqué que, entre octobre et décembre 2002, la ville centrafricaine de Damara avait été bombardée « tous les deux ou trois jours » par un appareil libyen piloté par le général Bombayake. À ce moment-là, les forces rebelles de M. Bozizé occupaient la ville.

M. Bombayake dirigeait l’Unité de sécurité présidentielle pendant le conflit de 2002-2003 qui a ravagé la RCA. À l’époque, le président en exercice Ange-Félix Patassé faisait face à une rébellion armée menée par son ancien chef d’état-major François Bozizé, ce qui l’a incité à demander de l’aide aux troupes congolaises de M. Bemba.

D’après les témoignages précédemment entendus lors du procès, une enquête judiciaire menée par les autorités centrafricaines avait constaté que la garde présidentielle était la seule des unités locales de l’armée à avoir travaillé avec le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de M. Bemba. L’enquête avait déterminé que la garde présidentielle et ses alliés congolais étaient passés sous le commandement du président Patassé par le biais de M. Bombayake. Les témoins ont également indiqué que les troupes du gouvernement libyen avaient combattu aux côtés de M. Patassé durant le conflit qui s’était conclu avec la victoire de M. Bozizé en mars 2003.

Entretemps, le ‘‘témoin 209’’ a également déclaré à la Cour que des rwandais étaient présents dans le contingent du MLC déployé en RCA. « Il y avait un groupe de rwandais », a précisé le témoin. « Il y avait de plus des Banyamulenge qui avaient été enrôlés et qui avaient appris le maniement des armes à Damara ». D’après le témoin, les Banyamulenge étaient des soldats de rang inférieur insuffisamment formés et qui étaient les seuls responsables de la plupart des crimes commis par le MLC lorsque ses membres étaient présents en RCA.

Le ‘‘témoin 209’’ a indiqué qu’il y avait également des « anciens soldats de Mobutu » ainsi qu’un groupe de personnes parlant Mbaka. Mobutu Sese Seko a été président de la République démocratique du Congo entre 1965 et 1997 alors que l’on trouve des locuteurs de Mbaka aussi bien en RCA qu’en République démocratique du Congo (DRC).

Le ‘‘témoin 209’’ a également indiqué avoir vu des soldats du MLC transporter des biens pillés de RCA en RDC. Les soldats avaient chargé les biens volés dans un avion qui avait atterri dans la ville centrafricaine de Sibut. « Un avion a atterri au quartier général des Banyamulenge [soldats du MLC] et a emmené quelques marchandises », a-t-il déclaré. Selon lui, les biens pillés avaient été transportés en RDC.

Parmi les biens qu’il a vu être chargé par les soldats congolais dans l’avion figuraient des motos, des réfrigérateurs et des générateurs. Il a indiqué que lorsque l’avion avait décollé de Sibut, il allait dans la direction de Bangui, la capitale de la RCA.

Lorsque le ‘‘témoin 110’’ s’est présenté à la barre jeudi, elle a raconté comment des hommes armés appartenant au groupe de M. Bemba avaient volé des biens dans sa maison et dans celle de son voisin. Elle a également décrit le meurtre d’une femme juste en dehors de son habitation. Le témoin a indiqué que cette femme semblait avoir perdu son chemin et que lorsqu’elle avait marché devant les soldats de M. Bemba, ils l’avaient interpellée. Le témoin a déclaré que la femme anonyme avait tenté de fuir et que les soldats l’avaient abattue.

Elle a poursuivi en indiquant que les soldats du MLC étaient arrivés près du mur d’enceinte de son voisin en octobre 2002 et y étaient restés jusqu’à la mi-février 2003. Le témoin a déclaré, « Lorsqu’ils sont entrés dans la cour, ils ont volé des biens et les ont emmenés ». Les objets pillés dans la maison de son voisin avaient été chargés dans un véhicule militaire et emportés.

« Combien de temps les Banyamulenge sont-ils restés dans votre maison ? », a demandé l’avocat de la défense Eric Iverson.

« Ils sont restés dans ma maison assez de temps pour tout voler, casser les fenêtres et commettre d’autres actes de violence », a répondu le témoin.

Lors du contre-interrogatoire mené par l’avocat de la défense Aimé Kilolo-Musamba, le témoin a déclaré que c’était le garde de son voisin qui lui avait dit que les Banyamulenge avaient pillé sa maison.

« Lorsque nous avons fui, il [le garde] faisait partie des gens qui sont restés [sur place]. Lorsque je suis revenue, je suis allée le voir pour savoir ce que mes biens étaient devenus et il m’a expliqué ce qui était arrivé », a indiqué le témoin.

Interrogé par M. Kilolo-Musamba pour savoir quand exactement le garde avait eu cette information, le témoin a répondu, « Après que le président Bozizé ait pris le pouvoir ».

Témoignant pour la deuxième journée, le ‘‘témoin 110’’ a déclaré à la Cour que les civils centrafricains qui collaboraient avec les soldats de M. Bemba comprenaient des porteurs, des gardes et des cireurs de chaussures. Selon le témoin, les cireurs de chaussures avaient quitté la RDC pour la RCA et parlaient à la fois des langues congolaises et des langues centrafricaines. Elle a déclaré qu’ils agissaient comme des éclaireurs et qu’ils indiquaient les maisons de « ceux qui avaient de l’argent » aux Banyamulenge pour qu’ils les pillent.

Le ‘‘témoin 110’’ a également relaté que les soldats du MLC ne disposaient d’aucun lieu où s’installer lorsqu’ils étaient arrivés dans son quartier. « Ils n’avaient pas de tentes. Ils ont résidé dans des habitations privées », a précisé le témoin, ajoutant que les soldats congolais confisquaient les lits dans les maisons des civils.

Lundi, la défense débutera le contre-interrogatoire du ‘‘témoin 110’’.


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