Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Les avocats de Jean-Pierre Bemba ont demandé aux juges de la Cour pénale internationale (CPI) de déclarer que les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) ne pouvaient « exercer leur compétence ou prononcer des sanctions » dans l’affaire de subornation de témoin de M. Bemba qui a été jugée à La Haye.

Dans une demande du 10 septembre, Melinda Taylor a demandé aux juges de prendre « des mesures » pour garantir que l’ancien vice-président congolais ne soit pas « poursuivi et sanctionné deux fois pour le même comportement par des juridictions différentes ».

La demande fait suite à une décision du 3 septembre 2018 de la Cour constitutionnelle du Congo excluant M. Bemba de la course à la présidence de ce pays centrafricain, après qu’elle ait décidé que sa condamnation de 2016 pour subornation de témoin devant la CPI rendait sa candidature irrecevable.

Bemba a été acquitté en juin dernier des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité pour lesquels il était poursuivi et a été libéré du centre de détention de la CPI. Cependant, il a été déclaré, ainsi que ses deux anciens avocats, coupable de subornation de témoins ayant témoigné en sa faveur lors de son procès principal. Leurs peines seront prononcées la semaine prochaine.

Selon Me Taylor, la Cour constitutionnelle congolaise « a mis la charrue avant les bœufs » en imposant des sanctions à l’encontre de M. Bemba avant que la procédure de la CPI dans cette affaire ne soit conclue. Elle a estimé que la décision de refuser à M. Bemba le droit de participer aux élections et d’occuper une charge publique « constituait une sanction sévère » qui violait les dispositions de l’article 23 du Statut de Rome, qui prévoit qu’une personne condamnée par la CPI « ne peut être punie que conformément aux dispositions du présent Statut ». La décision « est en deçà du cadre juridique du Statut et de la loi en vigueur [en RDC] à l’époque de son comportement », a soutenu Me Taylor.

De plus, Me Taylor a affirmé que l’approche de la cour congolaise d’assimiler la condamnation de M. Bemba devant la CPI à un crime de corruption était contraire à la règle 168 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI. Cette règle prévoit que, « Dans le cas des atteintes définies à l’article 70, nul ne peut être jugé par la Cour pour un comportement qui constituait une infraction pour laquelle il a déjà été condamné ou acquitté par la Cour ou par une autre juridiction ».

À ce titre, Me Taylor a demandé aux juges de rendre une décision déclaratoire « de toute urgence afin d’éliminer le préjudice permanent causé par les juridictions en conflit ». À titre subsidiaire, la défense a demandé aux juges d’examiner la décision de la cour congolaise en évaluant le niveau total de peine et les « conséquences négatives qui ont été imposées » à M. Bemba par rapport à la condamnation prononcée au titre de l’article 70 du Statut de Rome de la Cour, qui traite des infractions contre l’administration de la justice.

La défense a précédemment soutenu que M. Bemba ne devrait être condamné qu’à une amende puisqu’il a passé de nombreuses années en détention pendant l’instruction de son procès. Par ailleurs, la défense a cité la décision émise en mars dernier par les juges d’appel de la CPI annulant un tiers des condamnations prononcées à l’encontre de M. Bemba (présentation de faux témoignages oraux) et confirmant les condamnations relatives au fait d’avoir apporté de faux témoignages et suborné des témoins. L’accusation a demandé une peine maximum de cinq ans d’emprisonnement.

La question de la double juridiction avec les autorités congolaises s’est présentée antérieurement devant la CPI lors de l’affaire Germain Katanga. En mai 2014, l’ancien commandant rebelle avait été condamné pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Il avait été condamné à 12 ans d’emprisonnement, qui ont ensuite été réduits à trois ans et huit mois. Lors de sa libération en RDC, le gouvernement de ce pays a engagé des poursuites nationales à son encontre et il est actuellement détenu dans une prison de la capitale du pays, Kinshasa. À l’époque, les juges de la CPI avaient décidé que des poursuites nationales contre M. Katanga pouvaient être engagées puisqu’elles « ne portaient pas atteinte aux procédures ou principes fondamentaux du Statut de Rome ou n’affecteraient pas par ailleurs l’intégrité de la Cour ».

Les juges sont sur le point de se prononcer sur la demande de la défense de M. Bemba.


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