Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Le procureur Fatou Bensouda de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé aux juges d’appel de rejeter la requête déposée par l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba contre ce qu’il a qualifié de peine excessive et injuste pour subornation de témoins. Selon le procureur, l’appel est une stratégie « farfelue » et il doit être rejeté pour mettre fin à ce procès dans les meilleurs délais.

« La Cour cherche à établir la vérité tout en respectant les droits des parties et des participants », a déclaré le procureur dans une réponse du 18 février. « Mais elle ne devrait pas être invitée à remplacer la certitude judiciaire par d’innombrables heures et ressources consacrées à des litiges obscurs et futiles ».

Me Bensouda a indiqué que les arguments de M. Bemba dépassaient de loin le cadre d’un appel de sa peine et que certains de ses arguments n’avaient aucun lien avec la décision sur la peine mais contestaient plutôt directement les conclusions de la Chambre d’appel et de la Chambre de première instance. Selon elle, le règlement de la Cour ne permettait pas à M. Bemba de débattre à nouveau des conclusions établies ou de demander un réexamen de sa condamnation qui a été confirmée en appel.

Dans cet appel, l’avocate de M. Bemba, Melinda Taylor, a soutenu que les juges de première instance avaient prononcé une peine qui contrevenait aux critères juridiques prévus par la Chambre d’appel. Elle a ajouté que le droit de M. Bemba à un procès équitable et impartial avait été violé et qu’il avait reçu « une peine manifestement excessive et disproportionnée».

En septembre dernier, M. Bemba s’est vu infliger une peine d’un an de prison et une amende de 300 000 € pour subornation de témoins. (Il n’a pas purgé sa peine de prison puisqu’il a déjà passé une durée plus longue en détention lors du procès). Ceci fait suite à sa condamnation, prononcée en octobre 2016, pour la subornation de 14 témoins qui ont témoigné en sa faveur dans son procès principal pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. M. Bemba a été acquitté en appel, en juin dernier, dans son procès principal mais son appel de la condamnation pour subordination de témoins a été rejeté.

Cette peine prononcée en septembre dernier est la même que celle qu’avait initialement délivrée à l’encontre de M. Bemba la Chambre de première instance VII en mars 2017, avant que la Chambre d’appel ne l’annule et ordonne une nouvelle peine. À l’époque, la Chambre d’appel avait conclu que, bien qu’elle ait le pouvoir de prononcer une nouvelle peine, il était souhaitable que la Chambre de première instance VII, qui avait jugé et condamné M. Bemba, prononce une nouvelle peine puisqu’elle connaissait mieux le dossier.

Bemba a fait l’objet d’une nouvelle peine ainsi que son avocat principal, Aimé Kilolo Musamba et son ancien chargé de dossier de la défense, Jean-Jacques Mangenda Kabongo. Les deux personnes ont reçu les mêmes peines que celles que la Chambre de première instance VII avait initialement prononcé à leur encontre. M. Mangenda a été condamné à une peine de prison de 11 mois mais, après avoir déduit le temps qu’il a passé en détention provisoire, les juges ont considéré que la peine avait été purgée. De même, ils ont jugé que la peine d’emprisonnement de 11 mois de M. Kilolo avait été servie mais ils ont maintenu l’amende de 30 000 € qui lui avait été précédemment infligée.

La défense demande à la Chambre d’appel d’annuler la condamnation et la peine de M. Bemba et de garantir qu’aucune autre mesure punitive ne soit prononcée à son encontre au-delà de la période qu’il a déjà passé en détention à la CPI.

De plus, la défense prétend que les droits de M. Bemba à un procès équitable ont été violés et cite des défaillances de la part des juges en ne suspendant pas la procédure, en ne libérant pas M. Bemba ou en ne proposant pas un recours à la « durée déraisonnable et arbitraire de la détention » et aux « déclarations incendiaires hautement préjudiciables » de l’accusation. Me Taylor a déclaré que M. Bemba avait été détenu pendant une durée qui était quatre fois plus longue que la peine prononcée à son encontre et que cette « prolongation déraisonnable et inutile de sa détention » était survenue sans un contrôle judiciaire effectif ou la possibilité d’un recours judiciaire.

En réponse, M. Bensouda a déclaré que la procédure engagée à l’encontre de M. Bemba avait été à tout moment équitable et que ses droits avaient été totalement respectés : « Sa détention a été légitime, raisonnable et proportionnée. La procédure de prononcé d’une nouvelle peine – limitée par nature – a été claire, raisonnable et correcte ». Elle a soutenu que c’est son propre comportement criminel lors de la détention dans son procès principal qui a mené à son arrestation et à sa détention dans le procès pour subornation de témoins.

La défense a également estimé que, étant donné la similarité entre les peines de prison prononcées à l’encontre de M. Bemba et de son ancien avocat Aimé Kilolo Musamba, la disparité entre les amendes qui leur ont été infligées semble « à première vue illogique et discriminatoire ». Par conséquent, Me Taylor a suggéré que si une peine devait être imposée à M. Bemba, une amende de 30 000 € reflèterait de manière plus appropriée sa culpabilité.

Cependant, l’accusation soutient que c’est la culpabilité, et non la solvabilité, qui doit être le premier critère de la chambre pour calculer l’amende. Me Bensouda a indiqué que la chambre « avait pris en considération les circonstances individuelles de M. Bemba, à la fois sa culpabilité spécifique et sa solvabilité » pour déterminer l’amende proportionnée qui correspondrait à sa responsabilité pénale.


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