Jean-Pierre Bemba in court
qui est Jean-Pierre Bemba Gombo

Par Wakabi Wairagala

Les avocats de Jean-Pierre Bemba ont déposé un appel de la peine qui a été prononcée à son encontre par les juges de la Cour pénale internationale (CPI), peine qu’ils ont qualifié d’injuste et de disproportionnée. En septembre dernier, les juges avaient prononcé à l’encontre de l’ancien vice-président congolais une peine d’un an de prison, qu’il n’a pas purgé puisqu’il a passé en détention une période plus longue, et une amende de 300 000 € pour subornation de témoins.

Dans un mémoire d’appel du 17 décembre 2018, l’avocat de la défense Melinda Taylor a soutenu que les juges de première instance avaient prononcé une peine qui contrevenait aux critères juridiques prévus par la Chambre d’appel. Elle a affirmé que le droit de M. Bemba à un procès équitable et impartial avait été violé et qu’il avait reçu « une peine manifestement excessive et disproportionnée ».

La défense demande à la Chambre d’appel d’annuler la condamnation et la peine de M. Bemba et de garantir qu’aucune autre mesure punitive ne soit prononcée à son encontre au-delà de la période qu’il a déjà passé en détention à la CPI. Me Taylor a déclaré que M. Bemba était resté en détention pour une durée correspondant à plus de quatre fois celle de la peine qui avait été prononcée à son encontre. Cette « prolongation déraisonnable et inutile » de sa détention est survenue sans un contrôle judiciaire effectif ou la possibilité d’un recours judiciaire, a-t-elle ajouté.

En juin dernier, M. Bemba a été acquitté des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Il a été libéré du centre de détention de la CPI le 12 juin 2018, 10 ans après son arrestation pour les crimes commis par ses troupes en République centrafricaine en 2002 et 2003. Cependant, trois mois plus tard, il s’est vu infliger une peine de prison dans un procès distinct pour subornation de témoins dans lequel il a été condamné en octobre 2016.

Me Taylor a également demandé pourquoi la peine prononcée en septembre dernier était la même que celle prononcée initialement en 2017 par la Chambre de première instance VII, puisque la Chambre d’appel a acquitté M. Bemba en mars 2018 d’un tiers des charges.

Tout en ordonnant une nouvelle décision, la Chambre d’appel a affirmé que la décision initiale sur la peine prononcée par les juges de première instance était ambiguë par rapport au fait de savoir pourquoi une sentence plus faible a été infligée à M. Bemba pour sollicitation de faux témoignages par rapport à une peine plus lourde pour avoir suborné des témoins. Elle a conclu que le critère que les juges de première instance avaient utilisé pour évaluer la gravité des infractions était inapproprié. Par conséquent, la Chambre d’appel a ordonné à la Chambre de première instance d’émettre une décision basé sur des faits précis par rapport au préjudice causé par les faux témoignages. La défense a affirmé que la Chambre de première instance avait échoué à le faire dans sa nouvelle peine.

De plus, la défense a indiqué que les juges n’avaient pas tenu compte de la directive de la Chambre d’appel pour prononcer une décision concrète sur le degré de participation de M. Bemba et le préjudice subi par son comportement. De ce fait, selon la défense, les juges ont infligé une peine disproportionnée à M. Bemba qui n’ a aucun lien avec les « conclusions limitées » relatives à la nature et au degré des sa participation aux infractions et à la description de sa culpabilité.

La défense a également critiqué les juges pour avoir infligé une amende qui, à son avis, était calculée sur la solvabilité de M. Bemba et non sur sa culpabilité. Me Taylor a suggéré que, si aucune peine n’était prononcée à l’encontre de M. Bemba, « une peine appropriée serait une amende raisonnable adaptée à sa culpabilité ». Elle a proposé un chiffre de 30 000 €, ce qui est un dixième de ce que les juges ont infligé.

Elle a également estimé que, étant donné la similarité entre les peines de prison prononcées à l’encontre de M. Bemba et de son ancien avocat Aimé Kilolo Musamba, la disparité entre les amendes qui leur ont été infligées « semble illogique et discriminatoire ». M. Kilolo a été condamné à une peine de prison de 11 mois (mais après avoir déduit le temps qu’il avait passé en détention provisoire, la chambre a considéré que la peine avait été purgée) et à une amende de 30 000 €.

Selon Me Taylor, étant donné l’ampleur et la nature des erreurs commises lors du prononcé de la nouvelle peine, le seul recours est d’annuler la condamnation de M. Bemba immédiatement, ou après avoir reçu les observations conformément à l’article 82(1)(b) du Statut de Rome. Cet article donne le pouvoir à l’accusation et à la défense de faire appel d’une décision accordant ou refusant la mise en liberté de la personne faisant l’objet d’une enquête ou de poursuites.

La défense a soulevé différentes questions relatives à l’équité des procédures judiciaires et a affirmé que le droit de M. Bemba à un procès équitable et impartial avait été violé. Elle a déclaré que les juges avaient abusé de leur pouvoir discrétionnaire et avaient commis une erreur de droit en ne suspendant pas la procédure, en ne libérant pas M. Bemba, ou en ne proposant pas un recours aux « impacts cumulés des graves violations de ses droits ». Les exemple cités comprennent la « durée déraisonnable et arbitraire de la détention » et les « déclarations incendiaires hautement préjudiciables » de l’accusation.

Selon la défense, à le suite de l’acquittement de M. Bemba, la Chambre de première instance a accordé à l’accusation « toute latitude » pour attaquer la validité et la légitimité de cet acquittement et n’a pas désapprouvé l’accusation ou remédié aux répercussions sur les droits de M. Bemba.

Me Taylor a soutenu que l’hostilité de l’accusation à l’acquittement de M. Bemba a été poussé « à un point tel qu’il est impossible de croire qu’un chambre puisse maintenant infliger une peine équitable et impartiale ».


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