La Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a rejeté la seconde demande de Jean-Pierre Bemba d’annuler ses condamnation et peine prononcées pour la subornation de témoins ayant témoigné lors de son procès pour crimes de guerre et pour crimes contre l’humanité.
L’année dernière, l’appel de M. Bemba de sa condamnation d’octobre 2016 pour avoir suborné 14 témoins et les avoir sollicité pour apporter de faux témoignages a été rejeté. Sa condamnation pour présentation de faux témoignages oraux a toutefois été annulée. Les juges de la chambre d’appel avaient également renvoyé l’affaire devant la Chambre de première instance pour clarifier sa décision sur la peine et, en septembre 2018, M. Bemba a été condamné à un nouvelle peine de prison de 12 mois et à une amende de 300 000 €. Malgré cette décision, il n’a pas purgé sa peine de prison puisqu’il a déjà passé plus de 12 mois en détention lors du procès.
En faisant appel de la décision sur la peine, les avocats de M. Bemba ont demandé à la Chambre d’appel d’annuler la condamnation et la peine et de garantir qu’aucune autre mesure punitive ne soit prononcée à son encontre au-delà de la période qu’il a déjà passé en détention à la CPI. Dans l’appel, les avocats ont estimé que cette peine était « manifestement excessive et disproportionnée », et que son droit à un procès équitable et impartial avait été violé.
Cette semaine, la Chambre d’appel a « rejeté sommairement » la demande de M. Bemba d’annuler sa condamnation. Les juges ont également rejeté les arguments de la défense visant l’annulation ou la modification des conclusions présentées dans la décision de la Chambre. La Chambre d’appel, qui est composée des juges Howard Morrison, Chile Eboe-Osuji, Piotr Hofmański, Luz del Carmen Ibáñez Carranza et Solomy Balungi Bossa, a également décidé qu’elle ne prendra pas en compte les arguments relatifs à l’approche de la Chambre de première instance des éléments de preuve lors de la procédure de condamnation.
Bien que l’appel en cours de M. Bemba soit relatif à la décision sur la nouvelle peine, il y demande également une annulation de sa condamnation. En rejetant cette demande et les deux autres arguments, les juges d’appel délimitent la portée de l’appel sur lequel ils se prononceront postérieurement. Les juges partagent l’avis de l’accusation selon lequel certains des arguments de l’appel de M. Bemba sont hors du champ admissible de l’appel d’une peine et doit être rejeté sommairement.
Dans la décision prononcée mardi, la Chambre d’appel a conclu que l’appui de M. Bemba sur l’article 81(2)(b) du Statut de Rome était inapproprié. Les juges ont précisé que cet article concernait le pouvoir discrétionnaire de la Chambre d’appel pour annuler une décision « relative à l’appel d’une peine ». Il prévoit que si, à l’occasion d’un appel contre une peine prononcée, la Cour estime qu’il existe des motifs qui pourraient justifier l’annulation de tout ou partie de la décision, elle peut inviter l’accusation et le condamné à invoquer les motifs énoncés à l’article et se prononcer sur la décision sur la culpabilité.
La Chambre d’appel considère que cette disposition concerne une procédure lors de laquelle la personne condamnée dépose un appel de sa peine et non de sa condamnation. La Chambre affirme que cela provient du fait que si il y a eu appel de la condamnation, la Chambre d’appel a ainsi le pouvoir de statuer sur la condamnation et qu’il n’est pas nécessaire de recourir à une procédure au titre de l’article 81(2)(b). Par conséquent, M. Bemba, qui a déjà fait appel de sa condamnation, ne peut demander l’application de la procédure définie dans cet article.
Les juges ont également fait des observations sur le fait qu’il existait d’autres voies pour annuler la condamnation de M. Bemba. À cet égard, ils ont souligné qu’une disposition distincte, à savoir l’article 84 du Statut de Rome, régulait la révision d’une condamnation. Ils ont affirmé que cet article s’appliquait au « jugement final d’une condamnation » et que, par conséquent, s’appliquait également aux décisions relatives aux condamnations qui ont fait l’objet d’un appel et qui ont été confirmées en appel.
Selon les juges, l’article 84 ne prévoit que trois scénarios interprétés de façon stricte pour lesquels une révision peut être envisagée : la découverte d’un nouvel élément de preuve ; la découverte qu’un élément de preuve décisif était faux, contrefait ou falsifié ; et une faute lourde ou un manquement à leurs devoirs d’un ou plusieurs juges qui ont participé à la décision sur la culpabilité. « M. Bemba ne fait pas valoir qu’un de ces scénarios est établi dans la présente affaire », ont affirmé les juges.
Dans ses observations, l’accusation a qualifié l’appel de la défense de stratégie « fantaisiste » et a demandé aux juges de le rejeter afin de mettre fin à ce procès dans les meilleurs délais. L’accusation a ajouté que puisque la CPI doit chercher à établir la vérité tout en respectant les droits des parties et des participants, on « ne saurait lui demander de remplacer la certitude juridique par d’innombrables heures et ressources consacrées à des litiges obscurs et futiles ».